vendredi 31 mai 2019

Fontaines d'Ozillac : Ghislaine Pineau nous a quittés

Les obsèques de Ghislaine Pineau ont été célébrées vendredi matin en l'église de Fontaines d'Ozillac. Créatrice des Soirées musicales en Val de Seugne, elle a tiré sa révérence à l'âge de 89 ans. 

Ghislaine Pineau avec le violoniste Nemanja Radulovic et Marielle Nordmann (© Nicole Bertin)
L'Académie de Saintonge l'avait distinguée voici quelques années pour son implication remarquable en faveur de la culture. Inviter dans une petite commune rurale des artistes de renommée nationale, voire internationale, était l'un des défis qu'elle aimait relever. Elle y parvenait avec courage et une volonté qui ne l'a jamais quittée.
« Que le modeste village de Fontaines-d’Ozillac ait pu acquérir une réputation très enviable dans l’esprit des amateurs de musique est déjà surprenant, bien qu’il ait l’atout de sa belle église romane, à l’excellente acoustique. Que les « Soirées musicales » qui virent le jour en 1975, grâce au concours initial des Académies musicales de Saintes, se soient poursuivies jusqu’à maintenant, devenant ainsi presque trentenaires, est tout à fait remarquable. Que la qualité de ces concerts d’été n’ait fait que s’affirmer davantage d’année en année, attirant de brillants interprètes et même de véritables vedettes, comme en 2003 la pianiste Brigitte Engerer, et parallèlement des auditoires de plus en plus nourris, voilà qui tient de l’exploit. De ce succès, le mérite revient pour la plus grande part à Ghislaine Pineau. Ayant reçu de sa famille la passion de la musique, particulièrement du piano, et très soucieuse de la faire partager, elle s’est révélée une animatrice hors pair, non seulement par amour de l’art, mais par le sens des relations humaines. Elle a trouvé les formules pratiques grâce auxquelles a pu se créer un organisme capable de prendre en charge ces « Soirées musicales », d’abord dans le cadre du Foyer rural, puis à partir de 1995 par la mise sur pied d’une « Association culturelle du val de Seugne » dont elle assure la présidence. Mais elle sait en même temps convaincre les mécènes indispensables, et traiter dans une sorte d’esprit de complicité avec les artistes dont chacun sait que ce ne sont pas des interlocuteurs commodes, allant jusqu’à les recevoir chez elle, en maîtresse de maison accomplie. L’autorité et l’entrain avec lesquels elle conduit cette belle entreprise, donnant sans le vouloir l’impression que tout est facile, et y puisant des trésors de joie personnelle, fournissent un brillant exemple, digne d’être imité, des ressources que possède la Saintonge. Il est de la mission de notre Académie de saluer, de récompenser et, si nous le pouvons, de consacrer le grand talent que manifeste cette œuvre » avait souligné Jean Mesnard lors de la cérémonie annuelle de remise des prix.

Ghislaine Pineau fait partie des personnalités qui comptent dans une région et nous ne l'oublierons pas. Que de musiciens célèbres sont venus en concert à Fontaines d'Ozillac grâce à elle !
Nos condoléances à M. et Mme Guénoux, Pascale Pineau, Yvon Chevalier, ses petits-enfants, arrière-petits-enfants et toute la parenté.


SOUVENIRS :

Rencontre avec le pianiste Mikhaïl Rudy 
à Fontaines d'Ozillac en 2010
Mikhaïl Rudy : 
« Je laisse la musique m’envahir. 
C’est un acte mystique,
 je vis ainsi »

Mikhaïl Rudy est venu dans la région en 2010, invité par Ghislaine Pineau à qui l'on doit de nombreuses soirées en l'église de Fontaines d'Ozillac (près de Jonzac). Le pianiste avait suscité l’enthousiasme du public. Retour sur cet événement...

Mikhaïl Rudy en concert à Fontaines d'Ozillac (© Nicole Bertin)
Connu mondialement, ce pianiste d’origine russe possède en lui une énergie créatrice qu’il est difficile de ne pas ressentir. Il rayonne, comme si la tristesse de son enfance - sa famille a été déportée par le régime soviétique en Ouzbékistan – l’avait conduit dans une autre dimension pour atténuer les blessures laissées en son cœur par l’incompréhension. « La musique est entrée dans ma vie presque par hasard » dit-il. Un hasard qu’on pourrait qualifier de “surnaturel” sans cette volonté farouche d’exister qui se devine derrière un regard déterminé.
Survivre à l’adversité, Mikhaïl Rudy le prouve. Sa souffrance n’a pas été vaine. Par le partage, il incarne non seulement le talent ; il est aussi le gardien des mânes, celles qui le protègent et guident son destin.
Imaginez sa première expérience avec la musique « dans un souterrain en ruine », une adolescence « dans le quartier chaud d’une ville ouvrière du sud de l’Ukraine entouré de bandes rivales qui se battent au couteau et sa résistance aux agents du KGB à Moscou », puis le bout du tunnel avec le Conservatoire Tchaïkovski à Moscou, son succès au Concours Marguerite Long à Paris et l’asile politique demandé à la France… Son combat est une réalité.


Les personnes présentes au concert organisé à Fontaines d’Ozillac avaient devant elles un être d’exception. Un prince lointain qui joue sans partition. Tombé sous le charme, en communication avec l'artiste, le public a vogué au gré des rythmes contrastés que le musicien leur a offerts. Scriabine, Moussorgski et Chopin étaient inscrits au programme de ce rendez-vous romantique. La salle retenait son souffle, fascinée par ce musicien exigeant, soucieux d’une perfection empreinte de générosité et d‘une profonde humanité.

Au moment des rappels, il a souri, la main sur le cœur, comme si son esprit était revenu sur terre. Quelques minutes auparavant, il semblait flotter dans les arcanes du temps… Instant sublime. Emportée par cette magie artistique, la salle s’est levée et l'a applaudi longuement.

Y a-t-il un mystère Rudy ?

Sans doute ! Lors du verre de l’amitié organisé dans la salle municipale après le récital, il lève un pan du voile. Pour lui, tous les lieux sont uniques. Petite église de Saintonge, vaste scène dans une capitale : « j’aime la diversité, quel que soit l’endroit, au bout du monde, en Australie ou à Fontaines d’Ozillac. Différents, tous les publics me touchent. La musique est émotion. Je suis un intermédiaire entre la musique et le public. Quand je joue, une force m’envahit » avoue-t-il. Soucieux de son art, sensible au sens esthétique, il craint le grain de sable qui viendrait altérer cette alchimie.

Le pianiste avec Ghislaine Pineau

Singulière, son histoire a façonné sa personnalité. En perpétuel mouvement, il concrétise de nombreux projets. Outre ses récitals, il a réalisé avec Robin Renucci le spectacle "le pianiste", tiré du livre de Wladyslaw Szpilman, salué unanimement par la critique. Une nouvelle production de "The pianist" sera présentée au festival de Hong Kong, après Singapour. Cette année, à Paris, il joue à la Cité de Musique « Tableaux d’une exposition » de Moussorgski, avec projection simultanée des esquisses de Kandinsky. Sans oublier son duo « Double dream » avec le pianiste de jazz, Misha Alperin.

Sur le chemin de l’existence, Mikhaïl Rudy poursuit son “œuvre”. L’entendre à Fontaines d’Ozillac était un privilège. Un grand merci à Ghislaine Pineau et à son association.

• Mikhaïl Rudy a fait ses débuts en Europe à l’occasion des 90 ans de Marc Chagall, peintre dont il a été proche dans ses dernières années. Ses quêtes spirituelles dans les monastères orthodoxes ou dans l’Himalaya, ses réflexions artistiques, ou encore ses rencontres avec les plus grandes personnalités (Rostropovitch, Noureev, Karajan, Messiaen, Chagall) sont relatées dans son livre « le roman d’un pianiste, l’impatience de vivre » paru aux éditions du Rocher.

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