Ce jour-là, Robert Fletcher et Donald John Mac Rae, partis d’un aérodrome de Cornouailles, avaient pour mission de bombarder les forces ennemies en ciblant les voies ferrées françaises et plus précisément les convois y circulant. A bord de leur Mosquito, ils ignoraient que cette mission serait la dernière. Après avoir percuté la tête d’un ormeau à Jonzac, leur avion tomba dans un fracas épouvantable. Les anciens s’en souviennent encore…
Un monument a été érigé en souvenir des jeunes héros.
Le monument commémoratif situé près de la gare de Jonzac |
Réunies autour du monument érigé près de la gare, personnalités françaises et britanniques ont rappelé aux nouvelles générations cet épisode dramatique de la Seconde Guerre mondiale. Sans l’aide de ses alliés anglais et américains, la France serait peut-être devenue une province allemande…
Jonzac n’a pas oublié cette période noire et c'est avec émotion qu'elle honore ses héros. Les plus célèbres sont Pierre Ruibet et Claude Gatineau, qui firent sauter les munitions entreposées aux carrières d’Heurtebise, et ces deux aviateurs dont l'existence s’est arrêtée brutalement en Saintonge.
Ils ont offert leurs jeunes vies en sacrifice à un idéal de liberté
Bernard Lafarge - successeur de Michel Nassif - porte le flambeau de leur mémoire. Dans son discours, il détailla le contexte de l’époque et les événements du fameux 6 août 1944 : « Le 6 juin, la France a célébré le 70e anniversaire du débarquement en Normandie. Le succès de la plus vaste opération militaire de notre histoire, qui coûta dans les premières heures, un lourd tribut en vies humaines, n'assura pas l'issue de la bataille qui faisait encore rage au début du mois d'août 1944. Plus de 3000 hommes furent tués le Jour J américain, Britanniques et Canadiens, sans oublier des dix tués français du commando Kieffer qui débarqua à Ouistreham avec 177 hommes. Pendant que des hommes mouraient si loin, d'autres donnaient leur vie pour la reconquête de la liberté. Ici même, deux mois après l'assaut des plages, deux hommes tombaient sur la terre de France aux commandes de leur avion, loin de leur terre natale, offrant leurs jeunes vies en sacrifice à un idéal de liberté encore si difficile à gagner ».
Cet équipage du 151e squadron de la RAF composé du pilote Clement Fletcher et du navigateur Donald John Mac Rae, âgés respectivement de 22 et 24 ans, avait décollé de l'aérodrome de Predannack en Cornouailles. A bord d’un Mosquito Sneezy 36, ils avaient pour mission, avec un autre avion, d’attaquer au sol tous les renforts allemands faisant route vers le front de Normandie. Revenant du secteur Dax, Tarbes, Agen, ils aperçurent deux trains de munitions stationnés dans la cour de la gare de Jonzac dite « cour de la petite vitesse », à l'emplacement de l'actuel parking. L'appareil de Robert Fletcher effectua un premier passage à basse altitude pour identifier sa cible, puis un second de mitraillage. Pour atteindre sa cible en partie dissimulée par le pont, les arbres et les talus, il vola à une altitude d'une dizaine de mètres tout en gardant une vitesse de 200 km/h. Malheureusement, alors que les tirs de riposte avaient commencé à la mitrailleuse et au canon, l'aile gauche de l'avion heurta la tête d’un arbre et vint s'écraser sur le central téléphonique situé à une centaine de mètres.
Quelques jeunes Jonzacais, dont Maurice Cantin, sortirent précipitamment du bar dancing "Le Continental" et tentèrent de leur venir en aide. Malheureusement, bloqués dans la carlingue, les deux occupants ne purent êtres secourus. Une botte de cuir resta entre les mains d'un sauveteur et un autre personne se brûla les mains.
L'appareil, principalement en bois, brûla rapidement tandis que les munitions des deux trains explosaient dans un vacarme assourdissant. Ces explosions durèrent toute la nuit et leur violence propulsa un tampon de wagon jusque sur la place du Champ-de-Foire, sans faire de victimes dans la population civile. Les éclats cassèrent des vitres et percèrent des toits dans le quartier des Carmes. Intact, le deuxième Sneezy 44 regagna la base de Predannack vers 20 h 50.
La montée des couleurs |
Les dépôts de gerbes |
We shall remember them
« C’est un honneur de célébrer ces aviateurs. Nous le devons non seulement à leur mémoire, mais aussi à leurs familles, à leurs frères d'armes et à ceux qui continuent à risquer leur vie ou à souffrir dans leur chair pour servir la démocratie et la liberté. Nous pouvons également être fiers que l'écho de cet hommage annuel soit entendu jusqu'en Angleterre. Dans son site internet, le 151e squadron de Predannack mentionne le souvenir que rend Jonzac chaque année » souligna Bernard Lafarge qui salua le courage des résistants. « Ces hommes, en donnant leur vie, comme tous ceux de leurs camarades tombés au cours des années de guerre, ont relevé l'honneur de la France. En rendant une visite officielle à Jonzac, le Général de Gaulle n'est pas passé là par hasard. Il savait que des choses extraordinaires s’y étaient produites. A Heurtebise, quatorze ennemis sont morts dans la destruction du plus gros dépôt de munitions allemand du Sud-Ouest. Le 27 juillet, cinq résistants sont tombés à Saint-Simon de Bordes et le 20 août, sept autres à Marignac. Je terminerai en faisant lecture de la plaque du mémorial de la RAF de l’aérodrome de Predannack inaugurée en 2002 par les autorités britanniques. Ce mémorial rend hommage à ceux de tous grades et de toutes nationalités qui ont servi ici pendant la Deuxième Guerre mondiale : Pendant que votre regard se posera sur ce mémorial, accordez-vous une pensée pour tous ceux qui prirent leur envol d'ici pour n'y jamais revenir, beaucoup ne connurent aucune sépulture. Comme le souffle du vent qui passe, seule notre mémoire restera à jamais ».
Tania Gold traduisit cette allocution en anglais avant de donner la parole à Beryl Dennett, présidente de la Royal Air Forces association (région Sud-Ouest France), dont le mari Terry porte le drapeau de la RAF. « Chaque fois que j’assiste à une commémoration, je me sens si proche de l’histoire. Ces jeunes aviateurs ont donné leur vie pour nous. Je vous parle de leur courage, du courage des combattants, du courage des résistants, du courage des populations, mais aussi du courage de la paix qui est nécessaire. La fidélité de Jonzac envers Robert Fletcher et Donald John Mac Rea est émouvante et aujourd’hui encore, nous sommes côte à côte, toujours alliés. Cette solidarité et cette amitié sont essentielles » dit-elle. Et d’adresser ce merveilleux message à tous ceux qui sont sacrifiés pour que les générations futures sont libérées du joug de l’intolérance : « Ils ne vieilliront pas comme nous qui leur avons survécu ; ils ne connaîtront jamais l’outrage, ni le poids des années ; quand viendra l’heure du crépuscule et celle de l’aurore, nous nous souviendrons d’eux. They shall grow not old, as we that are left grow old ; Age shall not weary them, nor the years condemn ; At the going down of the sun and in the morning, we shall remember them ».
Pour fêter ce 70e anniversaire, une réplique du bombardier Mosquito survola la cérémonie lors deux passages remarqués qui suscitèrent l’admiration et une gerbe de souvenirs. Les participants se retrouvèrent ensuite à l’aéroclub où les attendaient ce Mosquito, objet d’une véritable curiosité, ainsi que le traditionnel verre de l’amitié offert par Claude Belot et le conseil municipal.
• Deux joueurs de cornemuse, l’un Ecossais (installé à Soubran) et l’autre Français ont honoré cette cérémonie de leur présence musicale.
• Assistaient à la cérémonie les représentants de la Royal Air Forces association aux côtés de Claude Belot et du conseil municipal, du sous-préfet Frédéric Poisot, du conseiller général Jean-Claude Beaulieu, du lieutenant colonel Labeur, représentant le commandant de la base aérienne de Cognac, de Stéphane Hareau, commandant la Compagnie de Jonzac, du major Reymann, commandant la Communauté de brigades d’Archiac et Jonzac, des porte-drapeaux et des associations patriotiques.
Reconstitution historique avec des véhicules de la guerre 39-45 |
L'ancienne patronne de l'hôtel Le Terminus, aujourd'hui centenaire, n'a pas oublié ce sombre dimanche d'août 1944 |
• Deux objets récupérés dans l'épave du Mosquito tombé en 44 à Jonzac : l’insigne du calot de l'un des aviateurs et quatre cartouches de 303 britannique (cal 7.7mm) sur clips.
La méthode de tir était la suivante : le pilote ouvrait le feu avec les mitrailleuses et lorsque la cible était cadrée, il enclenchait les quatre canons de 20 mm dont les obus était la cause principale des dégâts puisqu'ils explosaient au contact. Les casiers à munitions du Mosquito était davantage pourvu en cartouches de 303 qu’en obus de 20 mm. Ce procédé optimisait les résultats en économisant les obus.
Reportage/photos Nicole Bertin
2 commentaires:
Un beau reportage qui confirme bien que de nombreux Français et alliés avaient une certaine idée de la France et de la Liberté.
Jonzac par deux fois a vu le prix du sang pour la liberté et la paix.
Merci.
Le lendemain ma mère est allée voir et a rapporté un obus ( pas avec la douille ) à Monderland. Pour ma part j'étais à l'école communale, proche de l'hôpital d'alors le matin du jour où Ruibet et Gatineau ont fait sauté la carrière. Le ciel était noir dans cette direction. Bravo et merci à eux et aux aviateurs
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