Le Tour de France a été créé en 1903 par Henri Desgrange et le journal L'Auto . Tous les ans en juillet, les coureurs s'élancent sur la ligne de départ. Actuellement, le Tour se déroule sur plus de 3000 kilomètres ! Xavier Louy, qui donnera une conférence à Jonzac lundi 24 juin à 21 h, a dirigé ce formidable rendez vous sportif. Il répond à nos questions.
Xavier Louy |
La passion en elle-même est née en 1953 à Bagnères de Luchon dans les Pyrénées. J'avais alors six ans. J'y étais en vacances avec mes parents et mon frère faisait une cure. Le 14 juillet, j'ai eu la chance d'assister à l'arrivée d'une des étapes du Tour de France. Il régnait une véritable effervescence dans la ville, d'autant que la fille de la boulangère devait remettre la gerbe au vainqueur. Nous sommes donc partis pour rejoindre la ligne d'arrivée et j'ai vu Jean Robic gagner l'étape tandis que Luison Bobet endossait le maillot jaune. Notre lieu de résidence n'était pas très éloigné de la maison où Vincent Auriol, président de la République, venait se reposer. Avec de telles rencontres, à mon retour à Paris, j'avais deux envies : suivre une étape dans la voiture du directeur du Tour et devenir Président de la République !
Quand je suis entré dans la vie active après études à Sciences Po, je suis devenu membre du cabinet de Jacques Chaban Delmas qui était alors Premier ministre. Comme suis-je arrivé au Tour ? Après avoir quitté Matignon, l'affection particulière que j'avais pour le vélo ne m'avait pas quitté. Lorsque je me suis occupé de Sécurité routière, j'ai été en contact avec la Fédération française de cyclisme et la direction du Tour de France pour la sécurité des deux roues. En tant que sponsor, j'ai été invité sur l'épreuve. C'était l'étape Pau Saint-Lary Soulan. A 28 ans, j'étais heureux de suivre Thévenet, Eddy Merckx et tant d'autres ! Quelques années plus tard, l'un des responsables, Felix Lévitan, m'a invité à le rencontrer. Il m'a dit que Jacques Goddet et lui-même se faisaient vieux. Ils cherchaient un successeur et j'étais l'homme qu'ils voulaient. J'ai accepté en tant que directeur adjoint. Mon premier Tour date de 1977. Je suis resté douze ans à ce poste avant de devenir directeur en 1987 et 1988. Les différents directeurs ont été Henri Desgrange, Jacques Goddet, Felix Lévitan, moi-même, Jean François Naquet-Radiguet, Jean-Marie Leblanc et Christian Prudhomme. Je suis le seul de tous à ne pas être journaliste, à ne pas avoir de carte de presse. On me l'a assez reproché…
• Ces cyclistes de haut niveau, quels souvenirs vous ont-ils laissé ?
La compétition cycliste est un sport très difficile. Ce sont des gens simples et entiers. J'ai du respect pour eux, ce sont des garçons intéressants. J'ai toujours été fasciné par le véritable spectacle qui accompagne le Tour, surtout dans les étapes de montagne.
Entraînement |
Le plus sensationnel pour moi a été le départ de Berlin, le plus éloigné de Paris. Il suffit de se replacer dans le contexte de l'époque. Partir d'Allemagne en 1987, devant le mur, il fallait le faire ! J'ai la chance de parler allemand. L'idée avait été lancée dès 1984 alors que je participais à la Course de la paix où j'avais pris des contacts avec les pays de l'Est. J'ai exposé mon projet au maire de Berlin d'aller de l'autre côté du mur, en Allemagne de l'Est. Il m'a répondu qu'il ne pouvait pas faire cette démarche.
Nous étions en pleine perestroïka de Gorbatchev. J'ai donc rencontré Georges Marchais, le patron du Parti communiste français. Il est parvenu à convaincre Mme Honecker, ministre des Sports, qui elle-même a convaincu son mari Premier ministre. Finalement, alors que tout semblait bouclé, le président du Comité olympique s'est opposé au projet au prétexte que nous étions des professionnels dont la motivation était matérialiste. Conséquence, nous sommes restés devant le mur de Berlin, en Allemagne de l'Ouest ! La photo qui a fait le tour du monde est celle où l'on voit des cyclistes s'arrêter pour faire un besoin pressant sur le mur. Ce jour-là, de nombreux observateurs ont dit qu'il commençait à se lézarder !
Il y a eu des tas de moments formidables sur les Tours de France. Ainsi, en 1983, un coureur colombien a été le premier à franchir le Tourmalet.
Le célèbre Tour de France ! |
En effet, j'aime le patrimoine et pour moi, la France s'écrit en capitales. Les cent plus beaux détours ont été imaginés par Jean-Jacques Descamps, ancien ministre du Tourisme. On s'est rencontré quand j'étais directeur du Tour en 1987. Il était maire de Loches et moi maire adjoint de Sarlat, chargé de la communication, du tourisme et de la culture. Il est venu avec son équipe à Sarlat. On s'est rendu compte que de nombreuses villes disposaient d'atouts touristiques évidents, mais qu'elles étaient handicapées parce qu'elles étaient à l'écart des grandes routes. Il s'agissait donc de les regrouper. Nous avons alors élaboré ce guide qui constitue un outil. C'est le premier guide national par son tirage, 210000 exemplaires. Michelin nous apporte son expertise. Le nombre de villes recensées est de 100 dans tout le pays. Pour y figurer, il faut répondre à des critères précis : authenticité, patrimoine architectural, bâtiments classés, avoir moins de 2000 habitants, être à l'écart des grands réseaux routiers et bien sûr, proposer des événements dans l'année. Quand une ville est partante, nous nous rendons sur les lieux, il n'est pas question d'y venir en cachette ! Le réseau a été créé fin 98. Les retombées touristiques sont véritables. Nous travaillons dans la transparence : le prix de la page est de 3600 euros.
• Autre sujet qui vous intéresse : Dans France sur mer publié avec Philippe Folliot aux éditions du Rocher, vous estimez que la France deviendra la première puissance mondiale maritime dans la seconde partie du XXIe siècle (2058). Quels sont les éléments qui vous conduisent à cette analyse ?
Provocation ? Utopie ? La tendance actuelle veut que l'on parle plutôt du déclin de la France et de l'essor prodigieux des économies émergentes du continent asiatique, la Chine et l'Inde. Et pourtant, l'Hexagone ne se réduit pas à la métropole. Le pays dispose du deuxième espace maritime mondial et s'étend sur trois océans et quatre continents. Avec cet empire maritime et ses savoir-faire, la France a le potentiel pour répondre avec succès aux trois grands défis du siècle : La pénurie en eau potable, l'alimentation problématique de 9 milliards d'êtres humains et la question récurrente des ressources énergétiques. Nous avons essayé de démontrer comment la maîtrise et l'exploitation raisonnée des océans constitue une formidable chance pour l'humanité. Et un véritable projet de développement pour la France de métropole et d'outre-mer.
• Qu'est-ce qui vous rend si optimiste alors que l'heure serait plutôt à la morosité ?
Mon gaullisme ! On aime son pays comme on aime sa mère, c'est charnel ! De Gaulle a toujours parlé de la grandeur de la France.
• Lundi, vous serez à l'université d'été de Jonzac. Etes-vous déjà venu dans cette ville ?
Oui, pour le départ d'un Tour de France. Par ailleurs, quand j'étais gamin, je venais en vacances en Charente et je possède une maison dans l'île d'Aix.
• Vous y parlerez du Tour, bien sûr !
Ce sera le thème principal : le Tour, c'est l'ambassadeur de la France. J'en reprendrai l'historique, la première retransmission du Tour, les grandes dates, la mondialisation du Tour, l'apparition sur le web, le départ de Berlin, les Américains, la Chine, l'ouverture sur le patrimoine, l'envers du décor. Nous aborderons forcément les questions de dopage. A ce sujet, on contrôle beaucoup les coureurs mais peu les joueurs de tennis ! Les coureurs qui ont été contrôlés positif, on ne le sort pas de nulle part : ceux qui durent et qui gagnent, ce sont des champions. Ils ont des santés extraordinaires.
Propos recueillis par Nicole Bertin
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