lundi 28 février 2022

Hôpital des Pèlerins/Pons : L'une des plus belles restaurations de Charente-Maritime

L’hôpital des Pèlerins, étape sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle inscrite au Patrimoine Mondial de l’Unesco en 1998, est l'un des fleurons de la ville de Pons en Haute-Saintonge. Vendredi après-midi, le préfet de Charente-Maritime, Nicolas Basselier, y a fait étape aux côtés d'Estelle Leprêtre, sous-préfète de Jonzac et Jacky Botton, maire de Pons. La présentation de ce patrimoine exceptionnel avait été confiée à Julien Werbrouck, guide à l'office de tourisme. 

Retour sur le passé de ce monument, riche en histoire. Il rouvrira ses portes à partir de Pâques. Expositions, graffiti, vitraux, jardin médiéval attendent les visiteurs. 

Ensemble de l'Hôpital des Pélerins. Autrefois, la Route Nationale passait sous le porche...
Visite guidée par Julien Werbrouck aux côtés du préfet Nicolas Basselier et d'Estelle Leprêtre,
sous-préfète de Jonzac

Dans les années 60, Pons, ville située sur l'axe Bordeaux-Saintes, était traversée par la Route Nationale et les voitures passaient sous la voûte de l'Hôpital qu’ils remarquaient à peine. Les hauts chargements endommageaient la structure et le porche faillit être démoli. A part quelques historiens (dont le regretté Pierre Senillou), la population ne portait guère attention à ce vieux témoin décrépi. Fort heureusement, la sauvegarde du patrimoine devint bientôt une préoccupation et de nombreuses municipalités se penchèrent sur leurs "trésors". 

Dans la région, Daniel Laurent, maire de Pons (élu en 1995), et son équipe ont rapidement compris qu’ils vivaient au cœur d'un site exceptionnel. Une "manne" historique que résume cette phrase célèbre : « si Roi de France ne puis, Sire de Pons voudrais être » ! Aucune ville en Saintonge, pas même Saintes pourtant riche en vestiges, ne possède de telles rues moyenâgeuses et le donjon, bien que flanqué de créneaux à la Viollet-le-Duc qui n’existaient pas dans sa version d'origine, a fière allure sur son promontoire rocheux. 

Hors les murs, le second pôle à découvrir est l’hôpital des Pèlerins. Soucieuse de le valoriser, la mairie a lancé des travaux en 1996 dirigés par Philippe Oudin, architecte en chef des Monuments historiques. L'ensemble, inauguré dans les années 2000 par Renaud Donnedieu de Vabres, alors ministre de la culture, est classé au Patrimoine mondial de l'Unesco. Les vitraux ont été réalisés par Jean-Dominique Fleury, maître-verrier à Toulouse.

Archives : La ville salue l'inscription de l'hôpital des Pèlerins au Patrimoine Mondial de l’Unesco sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle
Archives : Henri Méjean, alors maire (de 2008 à 2014) qui nous a quittés en 2016,
et des pèlerins

Sa conservation est un miracle !

Geoffroy de Pons fonde l’hôpital des pèlerins en 1160 « dans le but de recevoir et de réconforter les pauvres de Jésus-Christ ». Un hôpital “neuf” est créé et un porche enjambe la route. De l’autre côté, est située l’église (dont on voit encore des vestiges). Le prieur de l’hôpital doit faire l’aumône aux passants « à tous allans et venants ».

Le fameux censif de l'hôpital de Pons qui recense les biens et revenus de t'établissement 

Jusqu’à la première moitié du XVIe siècle, l’établissement, dont la mission est "sociale", est placé sous le dépendance du diocèse de Saintes et des sires de Pons. Comment est-il agencé ? « Le chœur de l’église dans lequel il y a trente ou quarante sièges pour les religieux et les paroissiens, une grande nef, le tout d’une étendue de cent cinquante pieds environ, item la grande salle pour loger les pauvres en laquelle il y a douze à quinze lits » mentionnent les archives. Un cimetière se trouve du côté du chevet de l’église ainsi qu’une chapelle charnier au nord et un logis pour le prieur et les religieux. 

Durant les sanglantes guerres de religion, l’hôpital perd ses voûtes, ses toitures et l’église est détruite par un incendie. En 1718, la messe n’y est plus célébrée et les bâtiments sont en bien mauvais état. Face à la précarité, l’hôpital joue un rôle nouveau en accueillant les enfants trouvés ou orphelins. Ils y sont élevés jusqu’à l’âge de 7 ans. Du pain est servi aux plus démunis dans le vestibule de la chapelle. 

Les choses changent à la fin du XVIIIe siècle avec l’arrivée de Charles de Lorraine. Le seigneur de Pons réalise des aménagements : « les anciennes constructions sont transformées en deux salles, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes. L’administration est confiée à quatre sœurs grises ». En outre, le bureau de l’hôpital est composée d’un magistrat de police et de notables.

Parmi les graffiti, la fameuse main du pénitent (© Nicole Bertin)

Après la Révolution, l’abbé Barraud est nommé curé de St-Vivien et fait venir près de lui les religieuses du Mas d’Agenais. Elles deviennent les sœurs hospitalières de Pons. En 1803, l’hôpital est transformé en école gratuite pour les enfants nécessiteux, puis en pensionnat. En 1880, « l’église n’a plus que sa porte d’entrée et ses murs latéraux, la salle des malades est une sorte de grange et le logis construit au XVIIIe siècle sert de logement aux pauvres de la ville » constate Julien Laferrière.

Au XXe siècle, la vétusté s’aggravant, le préfet demande au maire de détruire carrément le passage voûté : la route nationale et son “trafic” passent en effet en dessous. Les voitures ont remplacé les pèlerins ! Faut-il croire au miracle, toujours est-il que cette démolition n’a jamais été réalisée. Réjouissons-nous car de nombreuses cités ont perdu des constructions magnifiques comme le pont médiéval qui enjambait la Charente à Saintes (détruit au XIXe siècle sous le regard attristé de Victor Hugo)… 

Pons a pu conserver une grande partie de son patrimoine que les maires successifs ont traité de diverses façons. Avec plus ou moins de bonheur, comme ce fut le cas pour F. Pierre Delapeyronnie qui entreprit la rénovation du logis par le biais d’une société d’économie mixte. Si l’idée d’en faire des logements sociaux était louable (comme le fit Michel Baron dans l’enceinte de l’Abbaye aux Dames à Saintes), la restauration proprement dite a suscité des commentaires : « l’intérieur a été vidé et recloisonné. Les cheminées anciennes ont été vendues, la charpente d’origine a été remplacée, de même que les boiseries et la porte à moulures chantournées » soulignent les spécialistes. Par ailleurs, à cette époque, la mairie entrepose le matériel municipal dans la grande salle. 

Déclic en découvrant le censif…

Le renouveau de l'hôpital des pèlerins est lié à une rencontre entre Daniel Laurent, maire de Pons, et Pascal Even, alors directeur des Archives de la Rochelle : « il m’a montré le censif de cet hôpital. Le fameux registre en relate la vie quotidienne à partir du XIIe siècle. Les choses ont été claires pour la municipalité. Le bâtiment devait être restauré car il occupait une place importante dans la cité ». 

Le 12 juillet 2004, le ruban tricolore salue la renaissance de l'édifice : après des siècles de quasi abandon, il retrouve son âme, huit années ayant été nécessaires pour y parvenir. Bien sûr, tout n'a pas été simple, ne serait-ce qu'entre le maire et Philippe Oudin "chef d’orchestre de l’opération". « Nous n’avons pas toujours été d’accord, mais nous avons toujours trouvé un compromis » ! Aux côtés du talentueux architecte, les entreprises ont apporté le meilleur d’elles-mêmes.

Charpente du XIIIe siècle (© Nicole Bertin)

L’élément le plus remarquable est la charpente... d’origine. Les bois, coupés entre 1220 et 1240, se trouvent dans un parfait état de conservation. Seuls 11% d’entre eux ont été changés lors de la restauration. Elle n’est pas assemblée mais simplement posée, selon le savoir-faire des compagnons de l’époque. La disposition des voliges en châtaignier constitue un formidable témoignage sur les techniques d’antan.  Ce souci de "fidélité" ne fait pas oublier la modernité : le chauffage et les différents circuits sont invisibles. 

Le passage voûté a été entièrement rénové avec pose de pavés. A l’extérieur, le visiteur est invité à découvrir le jardin médiéval dédié à l’anguille, poisson-symbole de Pons. Diverses variétés des plantes, aux propriétés curatives, y sont cultivées dont bardane, sauge officinale, armoise, germandrée, iris, etc. Plusieurs carrés ont été réalisés : femmes, humeurs, vulnéraires, fièvres et refroidissements. Une plaquette détaille les vertus de ces simples, utilisés au Moyen-âge pour soigner les malades. 

En mettant cet ensemble hors des atteintes du temps, en le transmettant de généreuse façon, la municipalité a rempli sa mission en élaborant un "pont" entre les générations. 

Depuis, les pierres racontent le passé aux visiteurs invités à les découvrir. Au Moyen-âge, le chemin de Saint-Jacques et la ferveur des pèlerins signifiaient « une mystique forte » dans une Europe où les hommes circulaient librement. L’hôpital des Pèlerins est une alliance entre passé et avenir, spiritualité et architecture, humanisme et tolérance, patrimoine et histoire, reconstitution et création contemporaine.

Le porche actuel a perdu un étage et les bâtiments de gauche ont disparu

• L’hôpital neuf de Pons, édifié au XIIe siècle pour accueillir les pèlerins, "s’ajoutait" à l’ancien hospice Saint-Nicolas situé à l’intérieur des remparts.

• Il manque à l'Hôpital des pèlerins une parcelle (appartenant à un privé) qui correspond à l’emplacement de l’ancienne chapelle (à gauche lorsqu'on est sous le porche). 

• La charpente d’origine : pour éviter aux bois d’être attaqués par les insectes, ils étaient mis dans l’eau qui calcifiait les réseaux de sève. D’où leur solidité à l’épreuve du temps...

Dans les sculptures, cherchez la fameuse anguille de Pons dont la légende est célèbre !

• Histoire : 

Au début du XVIIIe siècle, un vestibule aménagé à l’entrée de la chapelle est utilisé pour donner du pain aux indigents. Le prieur, qui prend en charge quelques orphelins, fait distribuer à chaque pèlerin qui se présente une livre de pain et une chopine de vin. Dans la seconde moitié du siècle, le séjour des pèlerins semble limité à une journée, sauf en cas de maladie.

Miracle que ce porche ait été conservé ! A une époque en effet, on voulait le démolir....

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