jeudi 26 décembre 2019

Rétrospective 2019 : en juillet à Jonzac, rencontre-débat sur l’implantation d’une trentaine d’éoliennes en bordure d’estuaire de la Gironde

Eoliennes : Vers une ZAD Notre-Dame de l’Estuaire si EDF-Renouvelables valide son projet ?


Lundi au centre des congrès de Jonzac. Rencontre-débat sur l’implantation d’une trentaine d’éoliennes en bordure d’estuaire de la Gironde. Les anti-éoliens (plusieurs centaines) font entendre leurs voix, des élus aux associations, des pêcheurs et chasseurs aux protecteurs de l’environnement, des animateurs économiques aux amoureux de la faune et la flore. La grande majorité des participants est opposée à ce projet qui concerne huit communes : Saint-Bonnet, Saint-Dizant du Gua, Saint-Sorlin, Saint-Thomas de Conac en Charente-Maritime ; Anglade, Braud Saint-Louis, Saint-Ciers et Saint-Androny en Gironde, soit une bande de 30 km.


La faute à Ségolène ?

Dernière des réunions organisées par EDF-Renouvelables après Bordeaux et Braud Saint-Louis, le "sommet" de Jonzac permet à la population d’échanger et d’exposer directement ses points de vue.
D’autres actions s’y sont ajoutées : communications, registres en mairie, distribution de documents, articles de presse, site internet avec possibilité de s’y exprimer jusqu’au 12 juillet.
Depuis qu’il est connu, le projet d’implantation d’éoliennes dans l’estuaire provoque une vague de mécontentement. Voire un tsunami d’incompréhension et de colère.
Les représentants d’EDF-R, David Augeix, directeur régional, et Antoine Hanz, directeur de projets, expliquent à une salle visiblement remontée qu’il découle de la transition énergétique. A l’époque de Ségolène Royal (dont le nom est un peu sifflé), l’objectif était de ramener la part d’électricité d’origine nucléaire à 50% en 2025. Depuis, cette date a été reportée à 2035.  
« Il faut développer d’autres sources d’énergie, éolien, photovoltaïque, etc. EDF ne fait qu’appliquer la loi, réduire la part du nucléaire dans la production ». D’autant que depuis Tchernobyl et Fukushima, les dégâts que peuvent engendrer les accidents nucléaires sont fortement préoccupants. La centrale nucléaire du Blayais, mise en service en 1981, l’a échappé belle en décembre 1999 lors du ras-de-marée qui a submergé ses digues. Vieillissants, ses quatre réacteurs sont concernés par une fermeture progressive.
David Augeix se veut rassurant quant à l’éolien : « le projet présenté ce jour peut se poursuivre, être amendé ou abandonné ».
Walter Acchiardi et Julie Dumont sont, quant à eux, les garants de la concertation désignés par la Commission nationale du débat public. Un premier bilan des consultations sera dressé le 12 août. Pour l’instant, la grande majorité des contributions est défavorable à ces grands mâts se dressant dans le marais.

« Le projet présenté ce jour peut se poursuivre, être amendé ou abandonné ». 


Eddy Puyjalon : « ce projet, je ne peux pas le voir ! »

Conseiller régional, président de Chasse, Pêche, Nature et Traditions, Eddy Puyjalon ne mâche pas ses mots pour critiquer cette perspective d’implantation : « que faites-vous de la protection de nos paysages ? Des écosystèmes ? Ce projet est désapprouvé par une majorité d’élus et une motion a été signée par de nombreuses personnalités. Nous avons entre autres le soutien d’Alain Rousset, président de la Nouvelle-Aquitaine, de Dominique Bussereau, président du Conseil Départemental, Didier Quentin, député, Yannick Jadaud, député européen. Alors qu’on nous incite à préserver les zones humides et développer le tourisme rural, vous êtes en train de faire tout le contraire ». Et de s’interroger : « pourquoi faut-il diminuer la part du nucléaire dans l’électricité ? ».

« Je reconnais qu’il y a pas mal d’élus hostiles au projet » admet David Augiex qui insiste sur le suivi des parcs éoliens en France : « contrairement à ce que vous avancez, ils n’excluent pas les activités en place ». Quant à la réduction du nucléaire, elle résulte des volontés gouvernementales depuis Lionel Jospin en 2000 : « ce n’est pas EDF qui veut diminuer le nucléaire, il n’est qu’un acteur du cadre législatif voté ». 

L'intervention d'Eddy Puyjalon
Lionel Quillet, représentant Dominique Bussereau, s’attarde sur le choix EDF-Renouvelables : « nous avons ici le plus bel estuaire d’Europe, le gardien même de l’environnement durable ». Et de critiquer les implantations anarchiques d’éoliennes : « 275 en activité, 225 à venir sans aucune concertation avec le Département et que dire des méthodes commerciales ! Si la parole de Dominique Bussereau ne compte pas à vos yeux, au moins que l’environnement compte ! Comment pouvez-vous installer des éoliennes dans des zones humides ? Pas ça ni en Charente-Maritime, ni en Gironde ». Les applaudissements fusent. Le sénateur Daniel Laurent rappelle qu’il est « ardemment » contre ce projet : « je suis pour les énergies renouvelables, mais pas n’importe où et n’importe comment. La Haute-Saintonge ne veut pas d’éoliennes, le choix s’est porté sur le photovoltaïque qui peut être implanté facilement sur des zones isolées ».
Par contre, il n’est pas hostile à l’éolien en mer (projet de l’Ile d’Oléron). Et de conclure par une phrase retentissante : « votre éolien, allez le mettre ailleurs. Arrêtez de nuire à l’être humain sur Terre ! ». Paroles qui lui valent les faveurs de la salle.

Réunion organisée par EDF-Renouvelables
En face, les responsables d’EDF-R sont exposés à des rafales de critiques, du Sirocco insinuant quelques manœuvres souterraines à la bise soufflée par des riverains désabusés face à ces immenses structures tournant leurs pales par les pâles matins d’hiver. Leurs arguments ne séduisent guère l’auditoire : présence de vent dans l’estuaire, proximité d’importants réseaux électriques pour l’acheminement (ceux de la centrale). Ils sont aussitôt contestés par les participants qui dressent un état de la situation tout en arborant des banderoles : « les investisseurs choisissent des territoires dociles où des propriétaires fonciers sont prêts à vendre leurs parcelles et leurs âmes pour des deniers sonnants et trébuchants ». Le ton monte…

Un habitant de Saint-Ciers sur Gironde fait part de sa surprise : Philippe Plisson, président de la CDC de l’Estuaire, a déclaré publiquement qu’il n’y aurait pas d’éoliennes en raison de la Loi littorale. « A quel jeu joue EDF ? Qui croire ? »…

Des habitants de Saint-Thomas s’inquiètent à la fois pour la nature et l’avenir des activités économiques (camping, chambres d’hôtes, etc) en cas d’éoliennes à l’horizon : « l’estuaire de la Gironde, c’est Notre-Dame. Il est magnifique, il faut en prendre soin, on doit le protéger ». Un femme lui a dédié un poème. Elle le lit comme un message d’amour adressé à ce long cordon d’argent !


« Vous ne nous entendez pas »

Jean-Lou Reverier énumère les effets pervers de l’éolien dont la baisse du prix de l’immobilier (des jugements le confirment) : « On en a marre. Comment pouvez-vous savoir ce qui est bon pour les gens ? Nous sommes pour les énergies renouvelables et la région le montre avec la géothermie à Jonzac, les parcs photovoltaïques, les ombrières par exemple. Il faut être à l’écoute, il y a un problème d’acceptabilité sociale. D’où ce front de refus ».

Propos confirmés par le maire de Saint-Sorlin, Véronique Piaceski : « Je suis élue depuis 1989. Au sein de la CDCHS, nous avons défendu la ruralité avec l’aménagement du port de Vitrezay, l’acquisition de parcelles pour développer l’élevage dans le marais, la valorisation des villages, du patrimoine. Il n’y a plus une seule maison à rénover. C’est un travail de plusieurs décennies. Ce projet va tout bouleverser. Vous ne prenez pas en compte nos préoccupations, vous ne les entendez pas ! ». 

J-François Mazzocchi, maire de Saint-Dizant du Gua, abonde dans son sens : « Ça fait deux ans que vous êtes venus nous parler de ce projet. Vous ne voulez pas nous entendre. Dans ces conditions, nous ne vous entendons pas non plus. Vous dites que vous avez communiqué, mais il y a des milliers de personnes qui ne sont pas venues vous voir  ».

Le représentant de Stop éolien regrette qu’EDF ne soit plus le fer de lance en matière de nouvelles technologies, comme il l’était dans le passé : « ces éoliennes sont d’origine américaine ou allemande ».
Son voisin souligne que le nucléaire est largement suffisant : pour preuve, on a battu des records d’exportation vers l’Italie et l’Espagne en février 2019. David Augeix rétablit l’équilibre : « tantôt on est en tension, tantôt en excédent ». 

 

Les interventions, dont celle de Laurent Nivard, maire de Saint-Bonnet, se concentrent sur les méthodes employées par les commerciaux d’EDF-R : des propositions alléchantes financièrement, en apparence tout au moins, ne peuvent que retenir l’attention.
Guillaume Boraud, président de l’association de défense des marais de l’estuaire, regrette que le sort des oiseaux migrateurs n’ait pas été évoqué. Il dénonce, preuves scientifiques à l’appui, l’inanité des mesures effectuées par EDF-R à un moment de l’année non significatif pour l’activité réelle de ces oiseaux.
Il est également question des effets constatés par l’Académie de Médecine sur la santé des personnes vivant à proximité d’éoliennes. Si l'éolien terrestre « ne semble pas induire directement des pathologies organiques, il affecte au travers de ses nuisances sonores et surtout visuelles la qualité de vie d'une partie des riverains » estime l'Académie nationale de médecine. Son rapport, rendu public le 15 mai 2017, est intervenu après celui publié par l'Agence nationale de sécurité sanitaire et environnementale (Anses) sur les impacts sonores.

A part l’intervention de Chantal Bourry, pro-éolien qui a eu du mal à faire passer son message, on peut dire que cette réunion, qui s’est terminée vers 22 heures, a permis aux opposants massivement présents de présenter leurs opinions avec passion et conviction.
Remontés, les chasseurs et les pêcheurs prédisent une ZAD si le projet venait à être validé (Notre-Dame de l’Estuaire ?). Présent dans la salle, le maire de Jonzac, Claude Belot n’a pas pris la parole, mais il s’était déjà prononcé contre les éoliennes en lisière d’estuaire. A ses côtés, un responsable d’EDF, venu en observateur, a constaté la levée de boucliers…

A suivre…

• Des habitants de Nantes et de Lorraine ont apporté leurs témoignages sur « les nuisances des éoliennes et les méthodes intrusives d’EDF. »


• Elisabeth de Dieuleveult a fait remarquer aux garants qu’ils avaient omis de rencontrer la Chambre de Métiers alors qu’ils ont été en contact avec la Chambre d’Agriculture. Selon leur réponse, c’était à la Chambre des Métiers de faire la démarche…

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