Jeudi dernier aux Archives de Jonzac, Étienne Petitclerc, archiviste et historien, spécialiste du patrimoine hippomobile animait une conférence sur le haras de Saintes, ancien établissement de l'Institut français du cheval et de l'équitation, dont la mission première était la sélection, l'amélioration et la conservation des races équines. Un endroit connu de tous les Saintais !
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En 2014 au haras, magnifique spectacle équestre avec le cheval ibérique Tissao présenté par Benoit Lemaire (archives N. Bertin) |
C’est à une conférence passionnante sur l’histoire des haras que le public était convié jeudi dernier. Il y a une dizaine d’années, invité de l’Université d’Eté, Etienne Petitclerc avait présenté le patrimoine hippomobile. « Et le cheval dans tout ça ? » lui avait-on dit. « Aujourd’hui, je vais vous parler du haras national de Saintes » propose-t-il. Haras qui a fermé ses portes, le site ayant été vendu à la société Védiaud en 2019 sous la mandature de Jean-Philippe Machon.
« Ce haras a une histoire singulière, il occupe une place tout à fait intéressante. J’ai travaillé sur les documents d’archives nationales, départementales, municipales, les procès-verbaux d’inspection, les fonds préfectoraux » explique le conférencier qui fait remonter son histoire au XVIIIe siècle. En effet, des observations de la Généralité de La Rochelle permettent d’en savoir plus sur cette activité qui fournit alors des chevaux pour l’armée (animaux robustes et solides) et les tâches quotidiennes (agriculture, transport, etc). On y apprend que la région est propice aux élevages qui ont bonne réputation et rivalisent avec ceux de Bretagne et de Normandie. A cette époque, l’administration des haras royaux, dont la vocation est de veiller à la préservation des meilleures races équines, achète des chevaux qu’elle confie à des gardes, lesquels les mettent à disposition des éleveurs pour leurs juments. Ce système disparaît avec la Révolution. En 1790, les reproducteurs sont vendus et dispersés, d’où une diminution des effectifs.
En 1806, un décret impérial met en place une structure centralisée rattachée au ministère de l’Intérieur. La Saintonge produit des chevaux vendus tant en France qu’à l’étranger. Six arrondissements sont créés dont dépendent les dépôts. L’un d’eux se trouve à Saint-Jean d’Angély. Au XIXème siècle, le cheval devient un enjeu politique, économique et social en raison des mutations agricoles et des nouvelles mobilités (postes, messageries). La société d’agriculture de Saintes s’empare de la question chevaline. Avoir un dépôt d’étalons à Saintes permettrait de répondre aux sollicitations des éleveurs et développer les corps de métiers qui gravitent autour de la profession (une trentaine dont palefreniers, maréchaux-ferrants et bourreliers). En 1844, le projet prend forme, soutenu par les autorités locales qui voient en cette perspective un
"créneau porteur". Des études sont lancées par la municipalité et après plusieurs
« tentatives », le projet d’un haras à Saintes est validé en 1846 sous Louis Philippe.
L'investissement est important, la Ville est prête à participer à hauteur de 264.000 francs, le Conseil général s'engage également financièrement. L'ensemble sera placé sur la rive droite de la Charente, près de la route Cognac/Niort. Les plans sont confiés à l'architecte renommé Victor Fontorbe. Ils sont validés en 1847. Au total, les travaux s’élèvent à 324.599 francs, prix inférieur à l’enveloppe prévue initialement.
Les bâtiments comprennent un grand pavillon central encadré de deux ailes symétriques, des écuries et une vaste demeure pour le directeur. La première tranche est livrée en 1850 et la réception définitive a lieu en 1854.
« Les bâtiments sont inclus dans un parc clos de murs de 9 hectares aux allées sinueuses dédiées aux chevaux. Sur les côtés et l'arrière, se trouvent un paddock et une carrière. L'entrée est encadrée de deux pavillons de concierge. L'infirmerie, les logements et la maréchalerie se trouvent le long de la rue d'entrée, avec une serre ».
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Le haras au début du XXème siècle |
La construction s'étale sur 7 ans. Bientôt, arrive le premier étalon Xénophon, un demi-sang normand gris. La liste s’allonge avec des Pur-sang anglais, arabes et anglo-normands. Tout pourrait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes si le rayonnement du haras s’étendait sur tout le département. Hors, le nord dépend d'un autre dépôt ! Mailhard de la Couture est nommé directeur du haras de Saintes. Il occupe ce poste durant 23 ans. Avec lui, émerge un cheval de type charentais.
En 1872, l’industrie chevaline est à son apogée et la Vienne est rattachée à Saintes. Le haras, qui travaille avec le dépôt de remonte de Saint-Jean d’Angély et l'école de dressage de Rochefort, subit peu les effets de la guerre de 1870. Lors du conflit 1914/1918, la cavalerie acquiert des chevaux destinés aux militaires et se développe, en parallèle, un commerce consacré à l’agriculture et aux attelages.
Le haras appartient à un réseau dynamique soutenu par les syndicats d’élevage, de dressage, les sociétés hippiques. Les années passant, le cheval de trait s’incline peu à peu devant la motorisation des matériels.
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Affiche de 1875 (archives bibliothèque municipale) |
Le haras de Saintes abrite des étalons à l’année qui partent vers des stations de monte de mars à juillet pour la reproduction. Au début du XXe siècle, l'établissement abrite une centaine d'étalons. Au fil du temps, l'établissement va acquérir une dimension patrimoniale et architecturale. Des bâtiments et le parc sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1934.
En 2001, la France compte 23 haras ou dépôts, 220 stations de monte et plus de 1470 chevaux. En 2003, l’Etat envisage la réduction de nombre des sites, passant de 23 à 17. En 2008, la seule mission des haras reste l’étalonnage. Le 1er février 2010, un nouvel établissement public administratif, l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), issu du regroupement des Haras nationaux et de l'École nationale d'équitation (ENE), entre en vigueur. Il est placé sous la tutelle des Ministères chargés des sports et de l'agriculture.
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Le haras, lieu emblématique de Saintes |
En novembre 2015, l'IFCE présente une liste de haras qui seront mis en vente, dont celui de Saintes. Sur place, nombreux se mobilisent afin que les décideurs politiques reprennent en main le destin de ce fleuron. Au conseil municipal en particulier, les débats sont animés ! La question est de savoir comment promouvoir ce site magnifique et quelle destination lui donner... La vente à un privé (agence de publicité) est confirmée en 2019. De nombreux habitants regrettent la disparition du haras qui figurait parmi les structures emblématiques de la ville.
Avant sa fermeture, le haras a proposé diverses manifestations, faisant découvrir son patrimoine à travers des visites, des événements culturels et sportifs. Une sélection de poneys a même eu lieu pour la création d'un poney-club à Pékin (dans le cadre de la plateforme de coopération initiée par le Département "Horizon Chine"). Une page s’est tournée, emportant avec elle cette mémoire qui a marqué de son sceau la ville de Saintes. Fort heureusement, il reste suffisamment de documents pour inspirer la rédaction d’ouvrages détaillés…
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Animations au haras avec des poneys. Certains partiront en Chine ! |
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Découverte des différentes races locales |
• Le haras était doté d'un laboratoire, de boxes et de structures adaptées à l'élevage des chevaux de selle, de trait, ainsi que des races locales, tels les baudets du Poitou ou les mules poitevines. Il possédait une collection de voitures hippomobiles. A ce sujet, une collection hippomobile est désormais présentée à Saumur. Elle évoluera au fur et à mesure des restaurations, des recherches historiques et de l’apport de nouveaux biens culturels.
• En avril 2019, à la mairie de Saintes, a eu lieu la signature du compromis de vente entre l’Institut Français du Cheval et de l’Equitation (IFCE), propriétaire du haras, et l’acquéreur du site Philippe Védiaud (agence de publicité). Prix de vente du haras : 1,2 millions d’euros.
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