lundi 30 avril 2012

Bernard Lévêque :
« Avec la Haute Saintonge,
j’ai vécu une belle aventure professionnelle » !

Avec l’édition numéro 17 du journal La Haute Saintonge, se termine la carrière professionnelle de Bernard Lévêque, directeur de cet hebdomadaire depuis près de quarante ans. Une belle réussite dans la presse de province puisque ce titre est le premier en tirage des hebdomadaires du groupe Sud-Ouest. 

 L’heure de la retraite a sonné. Difficile à croire. On se dit que ce n’est pas encore fini, que le temps retiendra son souffle. Et pourtant, le 30 avril, Bernard Levêque, directeur du journal la Haute Saintonge, fera valoir ses droits à la retraite. Retour sur cette belle aventure faite de courage et de détermination.
 
Bernard Lévêque : Quarante ans dans la presse hebdomadaire régionale !
Une famille d’imprimeurs 

Bernard Lévêque est né après la deuxième Guerre Mondiale, dans une famille d’imprimeurs. À Jonzac, qui ne connaît pas l’imprimerie Lévêque implantée boulevard Denfert Rochereau, en face de la Caisse d’Épargne ? En 1909, Gaston, son grand-père, a racheté « l’Écho de Jonzac », l’ancien organe bonapartiste du baron Echassériaux, un élu qui a largement compté dans le paysage politique saintongeais. Il l’a débaptisé pour l’appeler « Le courrier de Jonzac ».
 Son fils Pierre en a hérité. Soucieux de le moderniser, il l’a transformé en « Voix Jonzacaise ». Bernard, l’un de ses fils, lui succède en 1974. Il a abandonné son métier (contrôleur dans les PTT) pour reprendre l’entreprise familiale. Un acte à souligner car ce courage, teinté d’audace, a souvent caractérisé son comportement. Il tente l’aventure du privé quand d’autres auraient privilégié la sécurité qu’offre le fonctionnariat !

 Il revient donc à Jonzac où il retrouve cette imprimerie chère à son cœur. Il faut avoir connu ces ambiances particulières, le bruit rythmé des Ofmi, les grincements de la presse Heidelberg, les odeurs d’encre flottant dans l’air et les papiers jonchant le sol près du massicot pour comprendre combien cet univers est passionnant.
Avez-vous déjà vu des casses contenant de minuscules lettres en plomb ? Assemblées une à une (les typographes avaient une étonnante dextérité), elles formaient des phrases, puis des articles entiers. Quand l’ensemble était composé, on posait « les formes » sur le marbre pour effectuer les corrections. Il en était de même pour les affiches et autres documents.

 La Haute-Saintonge 

Quand il reprend le journal familial, Bernard Levêque voit éclore le nouveau territoire de Haute-Saintonge qui s’étend de Jonzac à Saint-Aigulin. Il est porté sur les fonts baptismaux par le conseiller général de Jonzac, Claude Belot. Historiquement, cette entité géographique n’existe pas, sa création remonte donc au XXe siècle !
Pour coller à l’actualité, le nouveau titre du journal coule de source : ce sera « La Haute Saintonge » et les informations seront étendues à ce périmètre. Jusque-là, le journal de l’imprimerie Lévêque n’allait guère au-delà de la région de Jonzac ! Autrement dit, la surface rédactionnelle est appelée à s’agrandir.
Bernard se pique au jeu : ce journal l’intéresse, il a envie de le faire vivre et prospérer. Dire que tout se déroule selon ses plans serait erroné. En effet, à cette même époque et fait rarissime dans la presse de province, un autre titre voit le jour sur Jonzac. Il s’agit de « Saintonge hebdo » que lance Serge Cecarello, un ancien apprenti de Pierre Lévêque. Durant des décades, les deux titres concurrents se livrent une bataille acharnée. En découle une émulation qui, loin de les affaiblir, leur donne l’envie de progresser. Aujourd’hui, Serge Cecarello sourit à l’évocation de ce passé tumultueux : « quand on est jeune, on déplace des montagnes ! Malgré cette rivalité, j’ai toujours eu le plus grand respect pour la famille Lévêque ».

Précurseur, Bernard avait bien senti que d’importants changements allaient s’opérer autour de la saisie des textes et de l’impression. Il achète une linotype, combinaison de machine à écrire et de micro fonderie imaginée aux États-Unis (composition chaude). Un clavier permet de composer une ligne de texte complète en un seul bloc de plomb. La révolution technologique est en marche. Elle se poursuit avec les photocomposeuses qui offrent des textes impeccables sur le papier après développement. Ils sont ensuite filmés au laboratoire pour le montage. Ce dernier s’effectuait généralement le mercredi soir dans une joyeuse ambiance boulevard Denfert Rochereau. Le tirage et la mise sous bandes des journaux avaient lieu dans les locaux de l’imprimerie.

L’étape suivante, importante, salue l’arrivée des premiers ordinateurs en 1986. Novateur, Bernard réalise que l’imprimerie, qui n’avait guère évolué depuis Gutenberg, est en profonde mutation. Quand les premiers Macintosh sont installés à Jonzac, le journal entre dans l’ère de la modernité. Certes, nous ne sommes pas encore aux écrans plats ! L’ordinateur est gris, il ressemble à une boîte avec un écran. Son avantage est de posséder une mémoire de sauvegarde (disquette utilitaire), ce qui évite aux journalistes de perdre leur travail. Durant toute sa carrière, Bernard Lévêque est resté fidèle à la pomme de Steve Jobs ! Aujourd’hui encore, le journal est équipé avec du matériel Apple.

Un tirage multiplié par 20 depuis 1974 

Avec le temps, la Haute Saintonge a pris son envol et son nombre de pages s’est étoffé. En 1974, le journal ne tirait qu’à 500 exemplaires. Son rachat, par le groupe Sud-Ouest à la fin des années 80, lui a permis de s’étendre et de disposer de moyens indispensables à son essor. Chaque canton dispose d’un correspondant sur les secteurs de Jonzac, Saint-Genis, Archiac, Mirambeau, Cozes, Montguyon, Montlieu, Montendre, Gémozac, Saintes et Pons.

Au sein du groupe SEPL, la Haute Saintonge a conservé le tirage le plus important. Deux ans de suite, elle a eu la chance de dépasser les 10 000 exemplaires vendus par semaine. Aujourd’hui et même si la crise a affecté de nombreux titres, Bernard Lévêque peut être satisfait de quitter un journal qui garde la tête hors de l’eau au sein des hebdos que dirige Philippe Delavaud. En effet, ce groupe réunit l’Hebdo de Charente-Maritime, le Journal du Médoc, le Résistant à Libourne et La Haute Gironde à Blaye (qui a d’ailleurs été créée par Bernard Lévêque en 1988).

Avec le départ de Bernard Lévêque, une page se tourne. Pas seulement parce qu’il quitte un titre bien connu, mais aussi parce qu’il y a laissé une empreinte. Sa patte, sa plume, vraie, originale et talentueuse, celle qu’on avait plaisir à lire.

L’équipe de La Haute-Saintonge - dont certains membres l’accompagnent depuis un bon bout de chemin - le remercie pour son engagement au sein d'un journal dans lequel elle s’est toujours sentie à sa place et à l’aise. Bernard Lévêque était un patron à part, celui qui souhaitait d’abord accomplir son projet dans une ambiance fraternelle, comme l’avaient fait avant lui ceux qui lui avaient transmis le flambeau, son grand-père, Gaston, et son père, Pierre.

Nicole Bertin


 Avec les correspondants de la Haute Saintonge. On reconnaît de gauche à droite Rémi Marquizeau (Montendre), Gérard Mounier (Mirambeau), Daniel Bougès (Archiac), Michel Richard (Pons), François des Mesnards (Saintes), Joëlle Daoudal (Montlieu), J. Isambert (Saint-Genis), Gilbert Chevallier (Gémozac), Bernard Lévêque, directeur de la publication et rédacteur en chef, Daniel Salmon (Jonzac). Manquent sur cette photo Nicole Bertin, rédactrice en chef adjointe, Sophie Charrier-Tardy (Saintes), Armelle Sageot-Chomel (Montendre), Jacky Berthelot (Saint-Genis) et François Hubert (Cozes).

2 commentaires:

Unknown a dit…

Toutes mes amitiés à Bernard et à vous, Nicole

Pierre-henri Ciraud

FOURNIER a dit…

J'ai lu avec un vif intérêt ce long article sur l'action de Bernard. Je le connais depuis le début des années soixante, d'autant plus que j'ai réalisé mon apprentissage dans cette imprimerie de 1960 à 1964. Pierre Lévêque la dirigeait avec son père Gaston. On y trouvait Serge Ceccarelo revenant de l'armée, Michaud, le père Jean et votre serviteur...Michel Fournier.
Partie à Bayonne et ensuite à Paris je revenais un peu à Jonzac voir mes parents et je lisais "La Haute Saintonge". Que de chemin parcouru depuis "La Voix Jonzaçaise" qu'il fallait mettre à la poste avec 19 h chaque jeudi ! Tout fait à la main et tirée sur la "Winbraü" (une machine typo impressionnante" en N&B).
Bonne retraite comme moi d'ailleurs Bernard !

Michel Fournier
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