mercredi 11 mai 2011

In memoriam :
Pauline Reverchon


François Julien Labruyère, ancien directeur de l'Académie de Saintonge, rend hommage à cette femme remarquable :


Pauline Reverchon vient de mourir dans sa maison de retraite de Cognac où elle vivait retirée depuis 2006, ayant conservé toute sa tête mais ayant du mal à marcher.
Elle était née à Nancy le 10 juin 1924. Son père était officier dans l’aviation, sa mère charentaise, ayant la double nationalité, française et anglaise. Son attachement au pays charentais date de ses vacances d’enfant chez ses grands-parents. Très vite, elle avait manifesté un goût profond pour l’art. La peinture, la musique, la littérature...

Son premier poste, elle le tient aux Beaux-Arts d’Angoulême : nommée officiellement en 1953, juste après avoir terminé l’Ecole du Louvre, option Histoire de l’art, elle en devient la première conservatrice professionnelle, succédant au sculpteur Émile Peyronnet auprès de qui elle avait travaillé comme assistante durant ses études. Elle reste à Angoulême seulement deux ans et en 1955, prend la direction cumulée de la bibliothèque et du musée de Cognac qu’elle conservera jusqu’à sa retraite en 1989. Parallèlement, elle publie plusieurs textes historiques, toujours sur Cognac. Mais son sujet principal, sa passion, ce sont les expositions qu’elle organise dans son musée et les catalogues toujours fort documentés qui les accompagnent.

Très naturellement, Pauline Reverchon fit partie de l’Académie de Saintonge dont elle fut longtemps la trésorière, puis de celle d’Angoumois. Tous ceux qui l’ont eue comme collègue dans l’une et l’autre se souviennent de son immense culture, notamment en matière de peinture, de son attachement à Cognac qu’elle défendait coûte que coûte, mais aussi de son franc-parler. Elle savait en quelques mots croquer un portrait qui souvent saisissait son auditoire par sa justesse, même et peut-être surtout quand elle en faisait la caricature. Andrée Marik, une de ses amies les plus proches, longtemps secrétaire de l’Académie d’Angoumois, dit volontiers d’elle que son grand œuvre était oral, dans sa façon d’être une grande animatrice culturelle. Cognac lui doit beaucoup, à commencer peut-être par l’idée d’un grand musée du cognac que ses successeurs ont finalement réalisée. Elle avait créé en outre une association œcuménique où, pour la première fois dans l’histoire de Cognac, protestants et catholiques se retrouvaient pour œuvrer à la cohésion religieuse, mais aussi sociale.

Personnellement, je l’ai surtout connue comme auteur. Elle a participé à plusieurs livres collectifs du Croît vif : Charente fleuve et symbole, Grands Charentais, Histoire des protestants charentais et surtout le Dictionnaire biographique des Charentais pour lequel elle a assuré la grande majorité des notices de peintres et de sculpteurs (comme elle l’a d’ailleurs fait pour l’ouvrage coordonné par Aubisse, Les Peintres Poitou-Charentes, Vendée). Un auteur idéal, précis, concis, boute-en-train en réunion et toujours le premier à rendre sa copie… Qui plus est, elle était la meilleure iconographe de son temps, une perle pour un éditeur, sachant dénicher les illustrations inédites et surtout négocier leur prix avec talent !

Le souvenir le plus cher que je garde d’elle est celui d’une Pauline jeune et belle, symbolisant l’enthousiasme de l’après-guerre. Son profil apparaissait sur un bas-relief d’Émile Peyronnet destiné au monument aux morts de Ruelle. Il représentait La Charente brisant ses chaînes ; malheureusement, suite à une décision pour le moins regrettable de la municipalité, le bas-relief a été détruit, il n’en reste qu’une photo reproduite dans le Dictionnaire biographique des Charentais. Un jour, je lui ai posé la question de savoir si elle avait été résistante. Elle m’a souri, n’a démenti et m’a répondu d’un ton modeste : « Il y a ceux qui y ont participé et ne s’en vantent pas, il y a ceux plus nombreux qui y sont venus sur le tard et ont cherché à s’y encarter pour quelque décoration… Vous savez, j’avais un grand-père anglais, je l’adorais. » C’était tout elle, trouvant son charme dans la discrétion dont elle savait entourer son personnage en même temps que l’humour quasi britannique avec lequel elle lui donnait ses couleurs.

F. Julien-Labruyère

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