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mardi 7 décembre 2010
Théâtre : Un rhinocéros
peut cacher un loup !
Au théâtre du château de Jonzac, Jean-Marie Sirgue a présenté le rhinocéros d’Eugène Ionesco, pièce qu’il a adaptée et mise en scène. Un succès.
Mardi dernier, le public avait rendez-vous avec “Le Rhinocéros“. Nombreux s’interrogeaient et dodelinaient de la tête : « cette pièce, qui fut le premier succès théâtral de Ionesco, écrivain d’origine roumaine, n’a-t-elle pas pris un sérieux coup de corne ? » disaient-ils. En effet, les “pachydermes“ en question, qui envahissent l’univers du héros Béranger, ne sont autres que ceux qui ont embrassé l’idéologie nazie après 1933. Bruit de bottes, pensée unique, intimidation…
En englobant toutes les formes de dictatures, Ionesco ne s’est pas cantonné à une seule menace : « Prenez garde à ceux qui ne font que propager les “rhinocérites“ et soutenir les hystéries collectives dont les peuples entiers deviennent périodiquement la proie ». Hitler, Staline, Mao. Le contrôle des masses, qui évoluent sur la scène idéale du théâtre de l’absurde, relève d’un système rôdé et connu. D’ailleurs, pour assurer sa survie et s’imposer, la classe dirigeante se pare elle-même d’une épaisse cuirasse !
Par une adaptation subtile et nuancée, Jean-Marie Sirgue, directeur du Théâtre de la Fronde, offre une version moderne de la pièce. Il l’a jouée pour la première fois lors d’un festival au Portugal. C’était dans les années quatre-vingt-dix, une période où la belle langue de France était largement comprise. D’autres pays ont suivi. Les spectateurs ont été conquis par son jeu et sa façon d’occuper l’espace.
Ne pas se laisser embrigader…
Béranger, le personnage principal ne se laisse pas envahir par le phénomène dévastateur de la propagande. Semblable à une maladie, elle se répand dans la sève de l’âme et la souille d‘égoïsme, d’hypocrisie et de violence. Pire, elle croît, se multiplie et voilà des centaines et des centaines de rhinocéros dans la ville. Ou d’autres bêtes.
Quand lui-même veut baisser les armes et ressembler à ses semblables métamorphosés, il ne le peut. « Hélas, je suis un monstre, hélas je ne deviendrai jamais un rhinocéros… Contre tout le monde, je me défendrai. Contre tout le monde, je me défendrai ! Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitulerai pas ». Malédiction ou différence ?
Jean-Marie Sirgue incarne un Béranger à la fois narrateur d’une étrange histoire et observateur d’une savane humaine où les rhinocéros, qui ont remplacé les loups, écrasent des chats.
L’assistance a salué ce comédien qui “mouille sa chemise“ comme on dit ou plutôt son gilet de corps. Un corps qu’il soumet à l’épreuve des émotions et des interrogations multiples, au milieu d’un décor d’une pudique discrétion. Belle prestation en vérité !
• L’histoire se déroule dans une petite ville où apparaît un rhinocéros venu de nulle part. Il écrase un chat et la population s’émeut de la situation. Bientôt, d’autres rhinocéros viennent grossir les rangs, dont le mari de Mme Bœuf qui ne peut plus venir travailler au bureau ! A la radio, on n’entend plus que des barrissements assourdissants. La petite ville tout entière est la proie de la contagion, sauf Bérenger qui reste seul contre tous les autres.
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