mardi 2 février 2010

Saintes :
La métamorphose du Présidial


Conservation et restauration des œuvres d’art

Non seulement la mairie de Saintes ne veut plus vendre le Présidial, mais elle a de l’ambition pour ce musée qu’on appelait autrefois la maison Henri IV…




Comme il a fait couler de l’encre, le musée du Présidial, jusqu’à provoquer une pétition sur internet ! Y est apparue une longue liste de personnes hostiles à la vente de cet édifice historique… En effet, la mairie, inquiète de sa vétusté, avait envisagé de le vendre. Plusieurs pistes avaient été évoquées (hôtel, résidence haut de gamme) et les agences immobilières se frottaient déjà les mains. Or, les élus - s’ils sont responsables - savent faire marche arrière quand la vox populi se fait entendre fortement. Jean Rouger s’est trouvé dans la même situation que Bernadette Schmitt avec la place Bassompierre. Se séparer du Présidial, l’un des fleurons du patrimoine saintais, l’exposait à des critiques. Le conseil a tranché : il restera propriétaire.

Double jeu !

L’hôtel particulier fait actuellement l’objet d’une restauration importante et d’une mise en conformité. Comme l’ont rappelé mercredi dernier Sylvie Barre, maire adjoint à la culture, et Sylvie Leperge, directrice du centre technique municipal, ce musée va connaître une nouvelle existence en jouant un double jeu. Il sera à la fois “réserve“ et “clinique“.


Les aménagements réalisés permettront de stocker les tableaux en attendant le regroupement des collections Beaux-arts au musée de l’Echevinage. Les pièces seront bien sûr équipées afin de conserver les toiles dans les meilleures conditions (hydrométrie). Le rez-de-chaussée sera consacré à la rénovation des œuvres dégradées qui nécessitent une intervention par des spécialistes. Dans la foulée, un recensement général des œuvres sera établi avec mise en ligne informatique.

Pour mémoire, rappelons que le Présidial, avant sa fermeture, abritait de nombreuses toiles venant d’un legs du comte Louis Lemercier au XIXe siècle. S’y ajoutaient des dépôts d’État ayant alimenté les musées de province, des dons de particuliers et des acquisitions faites par la municipalité. Outre des céramiques intéressantes (nous sommes dans la ville de Bernard Palissy !), les collections comprenaient des tableaux issus des écoles françaises, hollandaises, italiennes ou flamandes des XVIIe et XVIIIe siècles, des estampes, des aquarelles, des sculptures et des photographies. De grands artistes y étaient présents : D. de Heem, Van de Poel, Charles François de la Traverse, Étienne Allegrain, Gaspard Rigaud, Floris Van Schooten. Deux toiles retenaient l’attention, "Allégorie de la Terre" de Jan Bruegel, dit de Velours, réalisée vers 1615 ; la seconde de Gillis Coignet mettant en scène Mars et Vénus. Le plus ancien panneau sur bois datait du XVe espagnol (descente de croix de Martorell). Toutes ces “beautés“ sont stockées temporairement.


Le tableau consacré à Venus a d’ailleurs inspiré le printemps de poètes : « à cette occasion, un concert au clavecin sera donné au Présidial avec lecture de textes en relation avec le style maniériste flamand » souligne Gaby Scaon, conservatrice des musées de Saintes. Autrement dit, le Présidial est en travaux, mais ne ferme pas complètement ses portes ! D’ailleurs, on peut visiter la partie de "conservation préventive" sur réservation.


« Les restaurateurs d’art sont chargés de vérifier l’état des toiles, d’en faire une évaluation et d’intervenir si besoin est, tandis que les agents veilleront à l’entretien, au conditionnement, au dépoussiérage et au marquage. Des fiches seront faites pour chaque œuvre et les musées fonctionneront en réseau » explique-t-elle. Les grands formats seront abrités dans une pièce de plain-pied. Les salles des étages seront destinées aux petits et moyens formats ainsi qu’aux textiles (vêtements liturgiques et chasubles du trésor de la Cathédrale). S’y trouvera également une collection de coiffes venant de Pont l’Abbé d’Arnoult (Mme le Bouvier) acquise l’an dernier par le musée Dupuy Mestreau.

En l’attente d’un grand centre artistique et culturel qui pourrait voir le jour vers la Salle centrale (dans le périmètre de l’hostellerie Saint Julien), les trois autres musées (Archéologique, de l’Echevinage et Dupuy Mestreau) attendent les visiteurs. Ils peuvent d’ores et déjà noter ce rendez-vous : dimanche 21 mars à 15 h, au musée de l’Echevinage, Gaby Scaon leur proposera une visite guidée autour du fauvisme...

• L'info en plus

Un président du Présidial, ami de Rabelais

Appelé Maison Henri IV, le Présidial, qui voit le jour au XVIIe siècle, est la demeure des présidents du tribunal. La juridiction criminelle constitue alors la Cour d’appel de la province de Saintonge. « À cette époque, la justice réunit un personnel considérable sur la ville de Saintes » soulignent les spécialistes. Les procès entre Catholiques et Protestants sont légion. Parmi les magistrats qui habitent le Présidial, figure un homme que l’histoire a retenu, Briand de Vallée, seigneur du Douhet. Il deviendra conseiller éminent au Parlement de Bordeaux. Nous retiendrons surtout qu’il fut l’ami de Rabelais qui le cite dans ses écrits (Quart livre XXXVII).




Photos 1, 2, 3 : Le Présidial, l'ancienne maison Henri IV

Photo 4 : Mars et Vénus

Photos 5, 6, 7, 8 : Sandrine Jadot et Xavier Jallais, deux restaurateurs d’art dont l’atelier est situé dans la Vienne, ont pour mission d’estimer l’état des tableaux entreposés. Ceux qui nécessitent une restauration feront l’objet de soins particuliers. Les parasites seront traités par anoxie (réduction de l’apport d’oxygène). Une salle spéciale, dite de quarantaine, sera réservée aux objets “contaminés“.

Photo 9, 10 : Escalier et plafond en bois du XVIIe siècle

Photo 11 : Explications de Gaby Scaon, conservatrice des musées de Saintes

Photos 12 et 13 : Cave voûtée et travaux

Photo 14 : Conserver les toiles dans de bonnes conditions et intervenir si besoin est...

(Photos Nicole Bertin)

1 commentaire:

Michelaise a dit…

passionnant, étant un peu loin des rumeurs saintaises j'ignorais toutes ces péripéties, mais suis ravie d'apprendre que ce magnifique bâtiment va retrouver une âme et une utilité !