jeudi 3 décembre 2009

Marie-Antoinette,
la reine maudite


Un spectacle à en perdre la tête

Mardi soir, la comédienne Marianne Basler a fait revivre Marie-Antoinette à travers une partie de sa correspondance. Des heures de frivolité et d’insouciance à la Révolution grondante, ce spectacle est un long chemin douloureux…

Dernier spectacle des Feuillets d’automne, cette rencontre avec “l’Autrichienne“ fut riche en émotion. Comédienne magnifique, Marianne Basler a donné son visage à Marie-Antoinette, ses gestes et ses manières. Ses angoisses, ses interrogations et sa douleur aussi.
En montant sur l’échafaud, la veuve de Louis XVI, séparée à tout jamais de ses enfants, a connu une fin atroce. Une mort injuste, célébrée dans la liesse et l’incompréhæension qu’accompagnent les mouvements populaires, généralement sanguinaires et toujours prêts à faucher l’inconcevable passé.

Isolée dans sa tour d’ivoire, habituée à vivre selon son rang, Marie-Antoinette n’avait rien pressenti. Insouciante, elle s’est amusée quand d’autres avaient faim. La question est sempiternelle. Aujourd’hui encore, quand les ministres de la République se mettent à table, ont-ils une pensée émue pour les sans abri ?

Marie-Antoinette était si jeune et finalement si naïve. Et pourtant, tout avait bien commencé…
Quinzième enfant de l’empereur François 1er de Lorraine et de Marie-Thérèse, impératrice d’Autriche, Maria Antonia Josepha Johanna voit le jour le 2 novembre 1755, au Palais de la Hofburg, à Vienne. Une ville renommée au cœur des lumières du XVIIIe siècle.
Elle quitte sa ville natale en avril 1770, à l’âge de quatorze ans. Le 16 mai 1770, elle épouse le dauphin à Versailles. Qui est-il, ce mari qui ne manifeste guère d’émoi en la voyant ? Le mariage n’est consommé que bien des années plus tard. La France ne cherche pas à apprivoiser cette étrangère qu’elle ne reconnaît pas. La jeune femme se protège en s’isolant au Petit Trianon. Si elle respecte son mari, elle lui préfère la compagnie de Mme de Polignac, d’Axel de Fersen et se berce d’illusions.

À la mort de Louis XV, le 10 mai 1774, elle devient reine de France et de Navarre à 18 ans. Toujours sans héritier, elle s’inquiète. Quand son époux accomplira-t-il son œuvre ?
Le 19 décembre 1778, Marie-Antoinette accouche enfin de son premier enfant, Marie-Thérèse, dite "Madame Royale". Selon la coutume, une partie de la Cour assiste à l’événement. Le 22 octobre 1781, Louis Joseph Xavier François voit le jour. Le 27 mars 1785, elle met au monde un second garçon, Louis-Charles, suivi d’une autre fille en 1786, Sophie-Béatrice qui meurt onze mois plus tard.
Autour d’elle, règne toujours la suspicion. On ne l’apprécie guère. Qu’est-elle venue faire dans cette galère ? Et que peut lui offrir son pays d’adoption, sinon satisfaire des caprices qui lui permettent d’oublier la monotonie de son existence.

Pourtant, une page est en train de s’écrire qu’elle ne saura pas déchiffrer. Elle cherche un bonheur inaccessible dans un univers dont elle voudrait s’échapper pour vivre simplement. En reconstituant un hameau, elle renoue avec la sérénité de la campagne.
Le 5 mai 1789, les États Généraux lui décochent une flèche empoisonnée. En chaire, Monseigneur de La Fare dénonce publiquement le luxe de la Cour et ceux qui recréent « une imitation puérile de la nature ». Visée, Marie-Antoinette est ulcérée.
Le 9 juin 1789, quelques semaines avant la prise de la Bastille, le petit Dauphin meurt, signe annonciateur d’une fin programmée.

Le 20 juin 1791, sentant un danger imminent, le couple royal tente de quitter la France. L’évasion, organisée par Axel de Fersen, s’arrête brusquement à Varennes. La famille est arrêtée. Prise en otage, Marie Antoinette a peur : son pays natal lui viendra-t-il en aide ? La voici recluse. Le 13 septembre, Louis XVI accepte la Constitution. Le 30, l’Assemblée constituante est remplacée par l’Assemblée législative.
Le 10 août 1792, les Tuileries sont prises d’assaut. Le Roi et sa famille se retrouvent à la prison du Temple. La tête de la princesse de Lamballe est brandie au bout d’une pique devant les fenêtres de Marie-Antoinette. Horreur absolue…

Le 26 décembre, la Convention vote la mort de Louis XVI, exécuté le 21 janvier 1793.
Marie-Antoinette l’accompagne dans sa destinée, condamnée pour “haute trahison“. Sa tête tombe le 16 octobre 1793. Elle n’a pas trente-huit ans. « Mes yeux n’ont plus de larmes pour pleurer pour vous, mes pauvres enfants. Adieu » écrit-elle dans son testament.
De ces lettres qui s’étalent sur une période de vingt ans, se dégagent des sentiments multiples et contraires, de l’insouciance à l’accablement, de l’inocence à la sanction ultime.
Marianne Basler a bouleversé le public, l’entraînant au cœur d‘une existence brûlante et sacrifiée.

Ce spectacle est courageux car la France reste attachée à l’esprit de la Révolution et à ses symboles. Il fallait tuer l’Ancien Régime. Louis XVI et Marie-Antoinette ont payé de leur vie ce rituel sacrificateur, indispensable à l’éclosion d’une société nou velle. Avec le recul, on s’aperçoit que ces deux êtres, maudits et détestés malgré eux, se sont trompés d’époque. Cette période de bouleversements n’était pas faite pour eux. Régner leur a fait perdre la tête, au sens propre comme au figuré.



Photos : Marianne Basler a séduit le public
Marie-Antoinette suscitait les jalousies des courtisans qu’elle n’avait pas choisis, multipliait les fêtes coûteuses, organisait des séances de jeu, lansquenet et pharaon, où des sommes importantes circulaient. En pleine crise, elle ne pouvait qu’être pointée du doigt.

Photo 5 : Sur ce tableau, Marie-Antoinette est avec ses enfants. Un bien triste destin les attend.

Photos Nicole Bertin

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