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dimanche 22 novembre 2009
Pitié pour la justice,
le nouveau livre de Xavier de Roux
Les éditions Bordessoules viennent de publier le nouveau livre de Xavier de Roux "Pitié pour la justice". Fruit d’une observation minutieuse du monde judiciaire, il dresse un état des lieux sans complaisance et s’interroge sur l’avenir de la justice : en son état actuel, répond-elle aux attentes des citoyens ? La question est posée.
En toile de fond, se devinent la réforme de la procédure pénale et la suppression du juge d’instruction, dont le texte de loi sera étudié dans quelques mois par le Parlement. Il répond à nos questions :
À votre sens, pourquoi faudrait-il avoir pitié de la justice ?
Il faut avoir pitié de la justice parce que depuis des années, on dit qu’elle n’a pas suffisamment de moyens et en même temps, la classe politique ou d’autres parties de la société se mobilisent régulièrement contre les juges et leurs jugements. Enfin, les juges eux-mêmes ne sont pas exempts de critiques. Le drame d’Outreau en a été l’exemple. Finalement, tous les observateurs ont pensé qu’avec le système actuel, ils pouvaient y avoir beaucoup d’affaires d’Outreau.
Vous avez siégé dans la commission d’Outreau. Que retenez-vous de ce travail qui a mobilisé ses membres pendant des mois ?
Nous avons effectivement beaucoup travaillé, non pas pour juger un juge comme cela été dit, ce n’était pas l’objet de la commission. Elle n’avait aucun pouvoir pour juger le juge Burgaud. Nous avons tenté d’analyser le dysfonctionnement de la procédure accusatoire française puisque cette merveille, que le monde nous envie, avait réussi à faire emprisonner durant trois ans des personnes déclarées plus tard innocentes.
Se posait donc clairement la question de la détention provisoire, de l’incarcération et enfin et surtout du pouvoir du juge d’instruction. C’est donc à cette analyse que nous nous sommes livrés. Nous avons compris très vite que la solitude du juge, qui doit théoriquement instruire à charge et à décharge, le conduisait en réalité à instruire selon son intime conviction, en dehors de tout équilibre possible puisque dans une procédure accusatoire, la défense ne peut pas, à ce stade, s’exprimer complètement.
La commission d’Outreau a donc fait un certain nombre de propositions, de réformes de la procédure pénale, en mettant en question la procédure accusatoire. Malheureusement, les conclusions de la commission qui, pour une fois, étaient le fait unanime de parlementaires de la majorité comme de l’opposition, ont été vite enterrées sous les pressions corporatistes de la magistrature.
Cette Commission n’aurait donc servi à rien ?
Si l’on mesure les conclusions de la Commission aux mesures effectivement prises, on peut dire que ces huit mois de travail intense n’ont malheureusement pas servi à grand-chose.
Si l’on raisonne à terme, on peut dire toutefois qu’il y a eu une véritable prise de conscience du rôle de la justice dans la vie quotidienne des Français. Plusieurs millions de spectateurs ont, en effet, suivi régulièrement les séances de la Commission lorsque ces débats étaient télévisés.
Quand la réforme de la procédure pénale et la suppression du juge d’instruction seront-elles examinées ?
Le projet de loi sur la réforme de la procédure pénale n’est pas encore bouclé. Michèle Alliot-Marie, Garde des Sceaux, en annonce prochainement une version. Je ne crois pas qu’une date soit encore fixée dans le calendrier de Parlement. En 2010 sans doute.
Dans votre livre, vous déplorez que tous les acteurs de la justice ne soient pas issus du même creuset. Vous semblez souhaiter une seule et même formation pour les juges et avocats ?
Je pense, en effet, que la séparation de la formation des juges et des auxiliaires de justice, notamment des avocats, n’est pas une bonne chose.
Lors de mes débuts au Barreau, cette séparation n’existait pas et il me semble qu’il y avait beaucoup plus de convivialité entre les magistrats et les avocats. On se parlait librement « sous la foi du palais ». J’ai personnellement assisté à la montée d’une certaine méfiance entre les deux corps. Le comble a été atteint lorsque certains magistrats comme Eva Joly se sont mis en tête de perquisitionner les cabinets d‘avocats au mépris du secret professionnel et de la confiance qu’un client doit avoir vis-à-vis de son défenseur. Je suis d’ailleurs personnellement intervenu à l’Assemblée Nationale lors du débat sur le secret professionnel de l’avocat pour que ce dernier continue à être respecté.
Penser, comme cela a pu être écrit et publié par certains magistrats, notamment dans le journal Le Monde, que les cabinets d‘avocats étaient les sanctuaires du crime, me semble être la preuve d’un divorce fort entre les deux professions.
Faire des études ensemble, se connaître, serait aller dans le bon sens de la tolérance entre deux professions qui se complètent nécessairement.
D’où vous est venue l’envie d‘écrire ce livre ?
Tout simplement d’une longue expérience de la vie juridique et judiciaire. Je me suis inscrit au Barreau de Paris en 1962. J’ai mené une carrière d‘avocat à la tête d‘un grand cabinet français qui m’a amené à pratiquer, outre le droit français, le droit international et notamment la justice pénale internationale.
Vice-président de la Commission des lois à l’Assemblée Nationale, j’ai eu à connaître et à débattre d’un certain nombre de réformes et parfois à en être le rapporteur. J’ai donc suivi attentivement les évolutions parfois douloureuses de la justice française. Il me semblait normal d’en rendre compte alors que justement, le débat rebondit.
Photos 1 et 2 : Samedi dernier, dédicaces à la Maison de la Presse de Saintes
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