samedi 14 novembre 2009

Chute du mur de Berlin :
Suse Pouillet « la liberté n’a pas de prix »


Cette semaine, l’actualité a célébré la chute du mur de Berlin, « ce fameux mur de la honte » construit en août 1961 à l’initiative de la République démocratique allemande. Vingt-huit ans plus tard, un formidable mouvement populaire insufflé par les Allemagne séparées, l’a jeté à bas dans la nuit du 9 novembre 1989. En septembre 1990, les deux parties, qu’un destin absurde avait scindées, se sont enfin retrouvées.
Suse Pouillet, qui a vécu sa jeunesse en Allemagne avant d’épouser un militaire français, originaire de Montendre, apporte son témoignage sur cette page d’histoire contemporaine :



En 1961, quand a été construit le mur de Berlin, quel sentiment avez-vous éprouvé ?

J’étais jeune à l’époque, mais j’ai aussitôt éprouvé un sentiment d’injustice, une emprise sur la liberté, quelque chose d'affreux qui arrivait au peuple allemand. Qu'une partie de la population se retrouve de l’autre côté du mur nous a complètement désemparés.

Aviez-vous de la famille en Allemagne de l’Est ?

Ma famille, qui habite la Rhénanie-Palatinat, n’avait pas de parents résidant en RDA. Nous n’étions donc pas touchés par cette séparation, mais nous compatissions en pensant à ceux qui étaient victimes du mur…

Quels souvenirs gardez-vous de cette époque ?

J’ai épousé un militaire qui allait régulièrement à Berlin en mission. Il me racontait que le train était entièrement bouclé et qu’on ne pouvait rien apecevoir des fenêtres. Il passait de la RFA à la RDA en vase clos car il ne fallait pas que les gens voient ce qui se passait à l’Est, je suppose. Le nombre de policiers était important. J'ai toujours refusé de l'accompagner car l’idée d’un pays séparé en deux m’était insupportable.
J'ai vu des films qui montraient la souffrance des habitants et en même temps, l’envie de s’en sortir. Je me souviens d’un couple qui a fabriqué une montgolfière pour s’enfuir à l’Ouest. Il a réussi !
Mon père, qui était artiste peintre, est mort un peu avant la chute du mur. Il détestait cette séparation car c’était un homme généreux et soucieux de l’entente entre les peuples. Quand le mur est tombé, j’ai beaucoup pensé à lui et j’ai pleuré en regardant la télévision. Il aurait aimé être là ! Mon père a passé cinq ans sur le front russe et mes deux oncles sont morts à Stalingrad. La charge émotionnelle était donc importante.
Le mur tombé, la réunification a commencé. Elle coûte très cher, d’où une certaine rivalité qui existe parfois entre l’Ouest et l'Est. Les contribuables de l’Allemagne de l’Ouest, en effet, apportent une contribution de 5,5% sur leurs salaires pour moderniser l'Allemagne de l'Est. Un travail colossal de reconstruction a été fait.

Aujourd’hui, quel regard portez-vous sur la symbolique de ce mur ?

C'est une souffrance énorme de savoir que la liberté n’existe plus, que l’on peut se faire tirer dessus, donc être tué, si on essaie de franchir le mur… Les habitants étaient prisonniers. Les familles qui vivaient de chaque côté de cette barrière dite infranchissable étaient dans une situation épouvantable. Beaucoup en veulent au communisme qui a empêché les gens d’évoluer, de bouger.

Cette tragédie pourrait-elle se reproduire ?

Pas en Allemagne, mais je pense que de par le monde, on peut toujours tomber sur un cas de figure semblable. Je repense à ce que disait mon père : il croyait en l’Europe car seule une entité forte peut protéger des vieux démons. L’ampleur des cérémonies organisées à Berlin est compréhensible. Elles ravivent la mémoire en rendant hommage à ceux qui ont souffert ou sont morts. La liberté n'a pas de prix...

Photo : Comme son père, Suse Pouillet est peintre. Elle expose actuellement à Saintes, à la librairie du Croît Vif.

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