samedi 12 juillet 2008

La belle au Fâ dormant...


La Charente-Maritime est riche en témoignages de la période gallo-romaine. Parmi les lieux les plus connus, Saintes, bien sûr, mais aussi le site du Fâ, à Barzan. Les fouilles s'y poursuivent et les projets ne manquent pas. La valorisation du théâtre antique, situé sur la colline, fait rêver, de même que les découvertes qui pourraient être faites dans l'ancien port, vers le lieudit Chandorat...



Samedi, s'inauguraient les nouveaux aménagements de la cité antique du Fâ dont les vestiges, ceux des thermes en particulier, ont fait l'objet d'une importante valorisation. Si les fouilles avancent en livrant des "indices", des questions restent en suspens : On ne sait toujours pas quel était le nom de cette agglomération, située non loin de Talmont, dont la disparition suscite de nombreuses interrogations. S'agirait-il de Novioregum ou du fameux Portus Santonum, le port des Santons, qui donna sa prospérité à Saintes, connue à l'époque sous le nom de Mediolanum Santonum ? Seules des découvertes feront avancer la connaissance. A ce jour, le site gallo-romain du Fâ est le chantier archéologique le plus vaste de la région. Selon les spécialistes, il faudra plus de cent ans pour l'explorer totalement. Cette réflexion révèle l'étendue de cette ville énigmatique qui sommeillait, sous terre, en bordure d'estuaire...


Une machine unique dans toute la Gaule

Depuis plus de dix ans, les chantiers se succèdent. Alain Bouet, chercheur au CNRS de Bordeaux, travaille sur les Thermes et les entrepôts tandis que Karine Robin, archéologue départementale, axe ses recherches sur le temple.
Édifié à l'époque flavienne, il a connu son heure de gloire au IIe siècle. Dédiées à Mars, le dieu de la guerre, « ces imposantes ruines correspondent au podium d'un temple circulaire monumental. Sa forme de tradition indigène, centrée et ouverte à l'Est, est la copie de la Tour de Vésone à Périgueux. Il était entouré par une galerie, péribole délimitant l'espace sacré ». De cette formidable construction, il ne subsiste que les fondations, un moulin ayant été construit tardivement sur son emplacement. Grâce à une installation, le visiteur peut en faire le tour et penser au temps d'avant grâce à une charmante vestale qui conte ses aventures!
En ce qui concerne l'établissement thermal, vaste bâtiment de 3000 m2, des images de synthèse permettent d'imaginer ce qu'il fut. Il avait fière allure avec ses colonnes corinthiennes : « il était en partie connu depuis les premiers sondages effectués en 1938. Ensuite, le périmètre avait été rebouché » soulignent les spécialistes.


Datant de l'époque de Trajan, son architecture est classique avec un couloir, une schola (pièce de réunion) et des salles de sudation et de gymnastique. Alternant salles chaudes et froides, le bain romain était codifié. La première étape était le bain de propreté, favorisant l'élimination, suivi du bain de délassement : «c'était un lieu de convivialité au cœur d'une grosse agglomération». Non loin, ses trouvaient boutiques, maisons d'habitation et latrines publiques.
La découverte la plus intéressante concerne le système d'alimentation en eau. Il comprenait un large puits de seize mètres de profondeur dont le mécanisme servait à transporter l'eau grâce à une roue entraînée par une chaîne à godets.
En tombant, ce dernier, préservé par la nappe phréatique, ne s'est pas altéré. L'état du bois est exceptionnel : « il s'agit de la machine la mieux conservée à ce jour dans toute la Gaule. Elle est unique» remarque Alain Bouet. Ses "consœurs" italienne, espagnole ou anglaise ne peuvent guère rivaliser ! Un travail de reconstitution a été engagé : chaque morceau est dessiné et répertorié. Vu qu'il n'existe aucun élément de comparaison, les scientifiques avancent doucement, mais sûrement. L'idéal serait d'exposer cet ensemble unique au Fâ, une fois remis en état de marche.


Voici quelques années, les maçonneries des thermes, quant à elles, ont été rehaussées. Elle sont passées de cinquantaine centimètres à un mètre, une lamelle d'ardoise séparant les parties anciennes et modernes. Cet aménagement, qui donne un meilleur aperçu au public, comprend une maquette. Ainsi, le lieu, que complète un musée, devient de plus en plus "lisible".

Fouiller la ville portuaire

Parmi les projets évoqués par Jacky Quesson, figure le théâtre antique qui comptait quelque 5000 places. Restauré, nous aurions un amphi extraordinaire avec vue sur la baie de Talmont ! « Ça fait rêver » dit l'élu qui enchaîna sur la ville portuaire, elle aussi endormie depuis des siècles : « à proximité, nous avons acquis un hôtel restaurant qui servira de base archéologique, d'hébergement et de stockage des objets trouvés ».
Une initiative dont se réjouit Claude Belot qui suit le dossier depuis ses débuts. Il est évident que cette ville en bordure d'estuaire et Mediolanum Santo-num étaient liés. Un jour viendra où les richesses gallo-romaines seront mises en commun avec les villae et le camp militaire d'Aulnay. Un grand musée archéologique à Saintes serait le bienvenu, « projet que soutiendrait le Conseil Général ».
Dominique Bussereau remercia son prédécesseur pour le travail réalisé ainsi que les équipes qui s'activent pour raviver la mémoire de la "belle" ensevelie.
En fermant les yeux, on imagine les bateaux transportant des marchandises, l'animation auprès des entrepôts, les notables venant se prélasser aux Thermes ou les femmes utilisant, dans leur vie quotidienne, ces poteries exposées dans les vitrines. C'était aux premiers siècles de notre ère... avant que les Barbares ne déferlent sur la région. La ville a-t-elle été saccagée ?
Colonnes jetées pêle-mêle et traces d'incendie sont visibles en tout cas. Toutefois, une chose est sûre, on n'y parlait pas encore de port méthanier...


Infos en plus : De nombreux objets sont présentés dans le musée, poteries, amphores, pièces, ornements, fragments de mosaïque, chapiteaux. Une maquette du site permet de mieux comprendre son agencement. L'ensemble est bien fait, instructif et agréable. Un film, diffusé dans la pièce jouxtant, apporte des informations.
Site ouvert tous les jours de 10 h à 19 h. Renseignements 05 46 90 43 66.

Photo 1 : La célèbre photo de Jacques Dassié où l’on voit les ruines du temple et des colonnes jetées pêle-mêle.

Photo 2 : L'inauguration samedi matin en présence de Dominique Bussereau, président du Conseil Général, Claude Belot, sénateur, Jacky Quesson, président délégué du syndicat mixte pour la valorisation du site de Barzan, Daniel Hillairet, conseiller général de Cozes, Robert Maigre, maire de Barzan, Alain Bonnifleau, président de l'ASSA de Barzan, Francis Savin, conseiller général de Montguyon, Isabelle Pichard, conseiller général de Saintes, de nombreux élus et personnalités de la région.

Photo 3 : Les Gallo-romains sont de retour…

Photo 4 : ...avec leur vestale préférée !

Photo 5 : Reconstitution des thermes du site du Fâ.

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