jeudi 27 novembre 2025

« Grand acte de décentralisation » : Alain Rousset, président de la Région Nouvelle-Aquitaine, « d'abord clarifier le qui fait quoi ? »

Un plaidoyer et des propositions concrètes d’Alain Rousset pour une régionalisation ambitieuse et dotée de moyens pérennes

Alain Rousset, président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, a remis au Premier ministre Sébastien Lecornu sa contribution au grand acte de décentralisation. Il y appelle à franchir « un véritable cap dans la régionalisation sur la base du modèle européen démocratique » et à garantir enfin aux Régions des ressources pérennes à la hauteur de leurs responsabilités. Il avance des propositions concrètes couvrant l’ensemble des compétences régionales et propose de lancer dès maintenant une expérimentation dans le domaine de la formation professionnelle.
 
Dans le courrier adressé au Premier ministre pour accompagner sa contribution, Alain Rousset rappelle que la décentralisation doit d’abord répondre à une exigence de lisibilité pour les citoyens et d’efficacité pour l’action publique : clarifier le « qui fait quoi ». Il souligne que la spécialisation des compétences issue de la loi NOTRe a démontré sa pertinence, là où l’éparpillement des responsabilités allonge les délais, multiplie les financeurs et déresponsabilise les acteurs. Il alerte par ailleurs sur la fragilité et l’instabilité des ressources régionales, incompatibles avec les missions confiées aux Régions : « sans pérennité de leurs ressources, les Régions ne peuvent agir dans la sérénité ».
Fidèle à son engagement en faveur du fait régional, le président de Région se dit « pleinement mobilisé » pour contribuer à la réussite du grand acte de décentralisation, en appelant à une reconnaissance de la Région comme un acteur territorial responsable et autonome.
 
La contribution d’Alain Rousset détaille « des propositions concrètes dans tous les champs qui confèrent à l’action régionale la robustesse d’une action cohérente » : développement économique et emploi, éducation, formation professionnelle et apprentissage, santé, aménagement du territoire, transitions écologique et énergétique, transports et mobilités, gestion des fonds européens.
En premier lieu, il revendique une action économique recentrée autour des Régions, dénonçant la multiplication des acteurs « là où deux suffiraient ». Il propose de créer des Banques Publiques Régionales d’Investissement pour accélérer la réindustrialisation et soutenir les filières locales, de confier à la Région le pilotage du service public de l’emploi, et de transférer aux Régions la gestion des aides du pilier 2 de la PAC, notamment les aides surfaciques. Il appelle également à une décentralisation étendue des politiques culturelles, incluant le livre, le cinéma, l’audiovisuel et les jeux vidéo.
             
Concernant l’éducation et la formation, Alain Rousset préconise une gestion régionale complète des lycées, la décentralisation totale des lycées professionnels, agricoles et maritimes, ainsi que le transfert aux Régions des moyens de l’Education nationale consacrés à l’orientation, mais aussi le retour d’une maîtrise régionale de l’apprentissage, aujourd’hui dérégulé, ce qui menace le tissu de l’artisanat. Il demande aussi la maîtrise par les Régions de la carte des formations initiales et continues.

En matière de santé, il propose que les Régions deviennent responsables de l’offre de soins, de la médecine scolaire et d’une partie de la recherche, avec la fixation régionale des quotas de formation (y compris pour les médecins), la présidence du conseil d’administration des ARS, afin de lutter plus efficacement contre les déserts médicaux, et une coopération renforcée sur l’innovation et la recherche, via une convention pluriannuelle État-Région.

Pour l’aménagement du territoire, il demande que la Région dispose de l’ingénierie territoriale aujourd’hui recentralisée, notamment via l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), que la définition et la gestion des zones de revitalisation rurale soient gérées à l’échelon régional, et que la géographie des contractualisations territoriales de l’Etat soit mise en cohérence avec celle des Régions.

Sur les transitions écologique et énergétique, Alain Rousset propose notamment de confier aux Régions la gestion des fonds chaleur et économie circulaire actuellement pilotés par l’ADEME, ainsi que la gestion complète des sites Natura 2000 et des aires protégées de l’Etat.
Du côté des transports, le président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine préconise une loi de programmation pluriannuelle portant sur les réseaux ferroviaire et routier. Il plaide pour que l’État assume pleinement ses responsabilités de propriétaire des infrastructures ferroviaires, et propose une augmentation de 2,5 milliards d’euros par an de la dotation de l’Etat pour SNCF Réseau. Les Régions doivent, selon lui, disposer des ressources nécessaires pour exercer pleinement leur rôle d’autorités organisatrices de la mobilité.
 
Au-delà de la clarification des compétences, Alain Rousset appelle à « mettre fin à la mise sous tutelle de fait » et à reconnaître enfin les Régions comme des « acteurs responsables et adultes ». Il propose la restauration d’un contrat de plan État–Région de plein exercice, l’activation réelle du droit à l’expérimentation et un pouvoir réglementaire régional sur des sujets structurants.
Face à une recentralisation croissante, il demande également la consolidation du rôle des Régions comme autorités de gestion des fonds européens (FEADER, FEDER et FSE+), le renforcement des capacités régionales accompagné d’une simplification de la mise en œuvre, et une territorialisation renforcée des politiques européennes.
Alors que les Régions font face à un mur d’investissements et à l’érosion de leurs ressources, Alain Rousset propose enfin des pistes pour garantir un cadre financier solide aux Régions :  création d’une loi de financement et d’orientation dédiée aux collectivités territoriales, abandon progressif de la fiscalité carbonée au profit d’une fiscalité pérennes, l’attribution de recettes dynamiques, création d’une dotation climat énergie, réforme du financement et de la fiscalité de l’économie circulaire et de la gestion des déchets ménagers, et création d’une taxe biodiversité liée à l’artificialisation des sols.
 
Sans attendre un nouveau cadre législatif qui résulterait du grand acte de décentralisation, Alain Rousset propose au Premier ministre d’expérimenter en Nouvelle-Aquitaine la délégation pleine et entière par l’Etat de la carte des formations professionnelles initiales, qu’elles relèvent du statut scolaire ou de l’apprentissage. Prévue par l’article L1111-8-1 du Code général des collectivités territoriales, cette expérimentation permettrait à la Région de piloter de manière intégrée l’ensemble formation-emploi : décisions d’implantation des formations, création d’une carte régionale de l’apprentissage dotée des moyens afférents, gestion complète de la formation professionnelle incluant les GRETA. Cette capacité nouvelle permettrait d’adapter plus rapidement l’offre aux besoins économiques, de mettre fin à la concurrence entre CFA et lycées professionnels, de simplifier le parcours des usagers via un guichet unique, et d’optimiser les investissements en plateaux techniques. Elle pourrait aller jusqu’à la création de Maisons de l’éducation et de la formation intégrant enseignement supérieur court, organismes de formation et acteurs économiques.
Avec cette proposition, Alain Rousset appelle à « initier dès aujourd’hui une démarche d’expérimentation entre l’État et la Région », premier acte concret du nouveau mouvement de décentralisation.
 

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