dimanche 28 novembre 2010

Des Vikings à Taillebourg ?
Et pourquoi pas ?


Dans les années 2000, des fouilles subaquatiques ont été menées dans la Charente, entre Taillebourg et Port d’Envaux. Différents objets ont été mis à jour, datés entre les VIe et Xe siècles. Quelques-uns semblent être d’origine scandinave. Les Vikings auraient-ils eu une base en Saintonge ? Il n‘est pas interdit de le penser.

Parmi les archéologues ayant prospecté dans la Charente, se trouvent Jean-François Mariotti, archéologue à la DRAC, Annie Dumont, du Département des recherches subaquatiques, et des bénévoles ayant une bonne connaissance des lieux.


Dans le vaste domaine de l’archéologie, les lits des cours d’eau peuvent livrer des secrets. En effet, depuis que l’homme sait construire une embarcation, il navigue sur les fleuves. Productions agricoles, céramiques et marchandises diverses étaient transportées par voie fluviale, d’où l’importance et surtout le nombre de ports. Outre ce trafic, s’ajoutaient les activités liées à la pêche. Les rivières étaient donc encombrées aux heures de pointe et il arrivait que des bateaux y terminent leur carrière en coulant. Certains y dorment encore…

Soucieux de connaître les occupations humaines successives, les chercheurs ciblent précisément ces témoignages. Taillées dans des troncs d’arbres, plusieurs pirogues, datant du haut Moyen-Âge, ont été repérées dans la Charente. N’ayant pas été altéré par l’eau, le bois livre des indications. Son âge peut être daté au carbone 14, tandis que ses cercles de croissance apportent de précieuses indications.

Pour mener à bien ses objectifs à Taillebourg, l’équipe a travaillé à partir d’un relevé des fonds effectués par l‘Équipement, qui a fait apparaître des courbes de niveaux. Elle a opéré par zones, selon un quadrillage établi. Une suceuse, fonctionnant grâce à une autopompe située en surface, a permis de nettoyer les vestiges. Basée sur les données recueillies, une topographie du site a été faite sur ordinateur. En 2002, par exemple, une ancienne digue et l’emplacement de pieux, preuves de l’existence d’un port à cet endroit, ont été localisés. Des tessons de poterie, ainsi que des outils et des armes, ont également été remontés.

En 2004 et 2005, le groupe a évolué dans une zone où l’on pratiquait la pêche : « des lests de filets, en pierre et en plomb, ont été observés non loin des pirogues. Le but que nous poursuivons est d’avoir une vision d’ensemble du chenal » souligne Annie Dumont. Les recherches se sont poursuivies jusqu’en 2009.

Comment ces objets d’origine scandinave sont-ils arrivés ici ?

L’aménagement portuaire ne fait aucun doute. Taillebourg était bien un port fluvial à l’époque carolingienne. Des épaves sont apparues ainsi que des outils, épées, faux, couteaux, etc. « L’économie se concentrait autour de la pêche et la batellerie » remarque Jean François Mariotti. Seules deux pirogues sont visibles dans leur ensemble.

Originales sont les armes, haches, ancre, bijoux, lests ayant des décors d’embarcations scandinaves. Les Vikings seraient-ils restés quelque temps à Taillebourg, piton stratégique bénéficiant d’une marée montante et descendante ? Certains historiens le pensent.

La présence de ces objets, en cours de traitement à Poitiers, est troublante. Ils ne sont pas tombés du ciel, d’autant que le pillage de Saintes par les Vikings se situe vers 845. Après la mort de Charlemagne, ils se livrèrent dans le pays à de fréquents actes de piraterie. Organisés par petites bandes, ils menaient des raids dévastateurs en remontant les fleuves. De là à aller jusqu’à Port d’Envaux ?…

« Certains de ces éléments, en cours d’études, ont incontestablement une influence scandinave. Comment sont-ils arrivés en Saintonge ? C’est bien la question. Ils auraient pu être échangés, par exemple. Toutefois, nous sommes face à un recoupement d’indices qui vient appuyer l’hypothèse d’une implantation viking à Taillebourg, base arrière de Saintes, émise par M. Debord » souligne Éric Normand, archéologue à la DRAC.

Annie Dumont et Jean François Mariotti travaillent actuellement à une publication sur le sujet. Analyse que nous attendons avec impatience !


Les plongeurs évoluent à sept mètres de profondeur environ et la clarté des eaux est un élément important pour conduire leurs opérations dans de bonnes conditions. Le temps de plongée est d’une heure et demie environ.


Objets trouvés à Taillebourg. « La Charente est un site intéressant où le bois et les métaux ont été bien conservés » remarque Annie Dumont. Les environs étaient habités à l’époque gallo-romaine puisque les murs d’une villa sont apparus en dehors de la zone inondable.

• L'info en plus


Extrait du livre Charente-Maritime, d’Aunis et la Saintonge, des origines à nos jours :

Les Vikings apparaissent dans la région pendant l’été 844. En 845, ils lancent un raid au cours duquel périt Seguin, comte de Bordeaux, cependant que Saintes est détruite et pillée. Adémar de Chabannes décrit l’événement un siècle plus tard : « Seguin, comte de Bordeaux et de Saintes est capturé par les Normands et tué. Saintes est incendiée et ses précieux trésors sont emportés ». Dès lors, l’Aquitaine est périodiquement attaquée. L’expédition viking de 863 est particulièrement importante et meurtrière. Turpion, comte d’Angoulême est tué en aval de Saintes. En 865, les annales de Saint Bertin rapportent un combat victorieux livré par les Aquitains contre les Normands « établis sur la Charente ». L’historien André Debord a formulé l’hypothèse,interessante, que la base navale stable des Vikings dans la région était située à Taillebourg, dont la forme primitive serait «Trelleborg».
Le lieu présente des conditions idéales pour établir un port, à savoir une plage où l’on peut faire échouer les bateaux et rembarquer en profitant de la marée du jusant. Aux IXe et Xe siècles, le site était protégé par des marais côtiers et par les masses forestières des deux rives de la Charente. Les Vikings n’y seraient pas restés après les premières années du Xe siècle. Cependant, on les vit reparaître sporadiquement dans l’ancienne Aquitaine jusqu’au début du XIe siècle.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,
Pourquoi parler de raids ?

Les annales de Saint Bertin, notre meilleure source sur la période déclarent qu'apres avoir pris Saintes, les Danois "s'installent tranquillement."

Il est vrai que cette information est contraire a l'image de pillards réalisant un raid et que certains, conditionnes par cette image, refusent d'envisager cette possibilité.

Par ailleurs, ces quelques lignes remettent en cause la théorie générale des invasions popularisée par le normand Lucien Musset qui veut que les Vikings procédèrent par étapes. D'abord des raids, puis une installation militaire, une colonisation enfin.

A Saintes, il semblerait que les trois phases se soient déroulées en quelques jours ce qui remettrait en cause cette théorie générale, conçue par l'historien normand pour décrire l'installation normande en Normandie.

Evidemment, si Musset avait etudie les invasions au sud de la Loire, il n'aurait jamais émis sa théorie. Il se trouve que seuls parmi les Vikings, les fondateurs de la Normandie l'intéressaient.

La réalité, c'est que jamais personne n'a etudie les invasions au sud de la Loire.

Mais a quoi bon ? Puisqu'ils ne sont jamais venus...