mardi 12 juin 2018

Rave-parties clandestines dans le Sud-Saintonge : Nicolas Morassutti, maire de Montlieu La Garde, dit stop !

• Jean-Michel Rapiteau, maire d’Orignolles « On ne peut plus calmer la population. Ça va finir mal »… 

Réunion à Montlieu La Garde. Le maire Nicolas Morassutti au micro aux côtés d'Elise Dabouis, sous-préfète, Nicolas Septe, procureur, le capitaine Hoarau, M. Plaize de Bédenac, Lise Mattiazzo, maire de Bussac, Jean-Michel Rapiteau, maire d'Orignolles, Guy Pasquet, maire de Clérac et Michel Louassier, maire de Chepniers
L’affaire ne date pas d’aujourd’hui. Déjà, en 2013, les maires de Clérac et d’Orignolles avaient attiré l’attention des autorités sur les nuisances que provoquent les rave-parties. Fin mai, un rassemblement au Maine Perrier, entre Originolles et Clérac, a de nouveau mis le feu aux poudres. Malgré l’intervention de la gendarmerie, rien n’y fait et c’est pourquoi vendredi, une réunion était organisée à Montlieu la Garde, la situation étant devenue intolérable pour les riverains. Si les organisateurs admettent que certains lieux sont « de mauvais sites pour leurs fêtes », ils n’en campent pas moins sur leurs positions. En déclarant leurs manifestations, c’est-à-dire en respectant la loi, ils éviteraient les tensions. Encore faut-il qu’ils le veuillent ! Récemment, un habitant, excédé, a soulevé la voiture d’un "teuffeur" avec un engin de chantier alors que ce dernier était à l’intérieur…

Les organisateurs de rave-parties dépasseraient-ils les bornes ? Brandissant leur indépendance de mouvement et leur volonté d’action, adeptes du jeu « le chat et la souris » qui consiste à organiser des rassemblements clandestins invitant à se retrouver en des lieux secrets, on pourrait les qualifier d’électrons libres hostiles à toute servitude si ces manifestations, outre leur but de satisfaire les amateurs de musique techno, ne prenaient des tournures discutables. Le "boucan" que génèrent ces rencontres et le climat d’insécurité qu’elles provoquent exaspèrent les habitants... impuissants à les faire cesser.

Le capitaine Hoarau
C’est précisément pour débattre de ces questions qu’une réunion était organisée vendredi à Montlieu La Garde en présence d’Elise Dabouis, sous-préfète, Nicolas Septe, procureur de la République, le capitaine Hoarau, Raphaël Gérard, député, les maires des communes concernées, Brigitte Rokvam et Bernard Seguin, conseillers départementaux. A l’entrée, la présence de gendarmes signifiait l’importance du rendez-vous. Elle s’explique par l’ambiance délétère qui règne actuellement dans le Sud Saintonge, des gestes inconsidérés pouvant être commis si la paix ne revient pas au milieu des pinèdes.

Un nombreux public
Appel à la mobilisation citoyenne, faites le 17 !

Le maire de Montlieu La Garde, Nicolas Morassutti, dresse un constat : « depuis 8 mois, nous avons eu treize rave-parties, peut-être plus, sur les secteurs d’Orignolles, Clérac, Bédenac, Bussac, Montlieu et Chepniers. Je dis stop aux excès, chacun doit trouver sa place ». Deux rave-parties ont été particulièrement délicates, Pâques, puis les deux jours de la Pentecôte où le matériel a franchi le mur du son. Cerise sur le gâteau, les responsables d’une course à pied à Orignolles ont dû revoir le parcours des coureurs en raison de cette manifestation qui, elle, n’avait pas été mentionnée aux autorités.

Elise Dabouis détaille le cadre légal qui entoure ces rassemblements festifs à caractère musical : « Ils doivent être déclarés. Nul n’est censé ignorer la loi, elle s’applique à tous ». Il s’agit de protéger les participants et bien sûr les habitants, victimes des nuisances sonores. Sont verbalisés les stationnements gênants (135 euros) ainsi que les automobilistes sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants (peines pouvant entraîner un retrait du permis de conduire). « Quand un événement réunissant un grand nombre de festivaliers est prévu dans un endroit non aménagé à cet effet, il est du devoir de l’organisateur de le signaler au Préfet » souligne Elise Dabouis. Elle invite les riverains à composer le 17 « dès qu’ils constatent quelque chose d’anormal ». Cette participation citoyenne permettra aux services de gendarmerie d’intervenir rapidement.
Dans la salle, circule un flyer (reproduit ci-dessous) que présente le capitaine Hoarau. « Nous avons besoin de vous, continuez à composer le 17, devenez des lanceurs d’alerte, recueillez des éléments afin de régler cette problématique du territoire ». 

Le flyer distribué lors de la réunion

Nicolas Septe apporte son témoignage. Le procureur, en poste à Saintes, évoque son passage dans le Lot « où la situation était identique avec des rassemblements non autorisés ». Le matériel sonore peut être saisi et confisqué, l’amende atteindre 1500 euros. Au-delà de l’infraction, la politique pénale est sévère. Les agressions sonores sont passibles du Tribunal, de même que le trafic et la consommation de drogue : « Notre objectif est de travailler avec une population apaisée ». Conscient de cette réalité, le député Raphaël Gérard a saisi le Ministère de l’Intérieur afin de solliciter des financements et rechercher des terrains d’entente entre les parties.

Nicolas Septe, procureur, et Raphaël Gérard, député
Le Sud-Saintonge parmi les grands sites nationaux de rave-parties !

Un débat s’instaure. Un riverain exprime sa déception : « vous nous dites de composer le 17. Ça me fait rire, on tombe sur un standard à la Rochelle ! Personnellement, je n’ai pas dormi pendant deux jours pour la Pentecôte. Que faire quand on vous balance 30.000 ou 40.000 watts ? Ce ne sont pas les deux gendarmes de garde à Montendre qui changeront quelque chose. A la Supérette, la caissière disait avoir peur des clients qui venaient dans le magasin ». Réaction d’Elise Dabouis : les appels du 17 sont transmis à la sous-préfecture et une participation citoyenne réduira les délais. Et d’ajouter : « Nous avons empêché trois rave-parties le mois dernier. Avec la lutte contre les cambriolages, c’est un axe majeur du travail de la police de proximité nouvellement créée par le Gouvernement ».

Le capitaine Hoarau comprend l’irritation qui règne dans les rangs : « nous avons invité des élus à se joindre à nos effectifs sur le terrain et avons contré des installations. Plus vous serez nombreux à nous prévenir, plus vite nous déploierons nos moyens. Et surtout, ne faites pas justice vous-même ». Un habitant reste sceptique : « j’habite à 600 mètres de la rave-party. Ils passent tous par le même chemin, ce serait facile de les épingler. Les gendarmes préfèrent se mettre au monument aux morts pour aligner les gens du coin. A côté, les raveurs font ce qu’ils veulent »
« Je ne peux pas vous laisser dire cela. Dès que nous avons connaissance d’un rassemblement, le Commandant se rend sur le site avec son équipe » rétorque la sous-préfète.

Bruno Albert, ancien maire de Montlieu La Garde
Attentif aux propos, l’ancien premier magistrat de Montlieu la Garde, Bruno Albert, apporte une précision : le contrôle d’une rave-party n’est pas du ressort du maire, « il n’a donc pas à patrouiller ». Par ailleurs, l’aéroport de Bordeaux étant proche, il est facile pour les organisateurs d’attirer une clientèle nationale et européenne : « Le Sud Saintonge figure parmi les grands sites de rave-parties répertoriés en France »…

La parole est aux organisateurs de rave-parties : « Nous ne sommes pas des inconscients, ni de irresponsables »

Samuel Raymond assure des missions de médiation
Au nom des organisateurs de rave-parties, Samuel Raymond se veut rassurant. Passionné des questions de politiques publiques et d’intérêt général dans la culture, il a participé à la création de Technopol et au lancement de la première Techno Parade. Depuis 2013 avec l’association Freeform, il dirige la seule organisation assumant à l’échelon national des missions d’accompagnement et de médiation entre les collectifs d’organisateurs de free-party, les services de l’Etat et les collectivités locales, notamment au sein du Groupe de Travail Interministériel sur les rassemblements festifs. S'adressant aux élus, il insiste sur la volonté de dialogue... « et ceux qui ont commis des débordements reconnaissent leurs erreurs ». La sous-préfète en profite pour rebondir : « il faut un cadre, en conséquence déclarer les manifestations et si les choses dérapent, on entre dans le cadre judiciaire ». Le maire de Clérac, Guy Pasquet, voudrait bien connaître les organisateurs des rave-parties d’Orignolles. S’ils étaient dans la salle, ils sont restés discrets !

Le message du collectif Poitou-Charentes Sound Systems Techno
En réponse, un représentant du collectif Poitou-Charentes Sound Systems Techno donne lecture d’un communiqué : « Nous sommes avant tout des passionnés de musiques électroniques. Nous y investissons notre temps et une partie de notre argent. Etudiants, salariés, fonctionnaires, entrepreneurs et parfois sans travail, nous sommes aussi vos voisins. DJ, techniciens, chauffeurs de poids lourds ou simples soutiens, nous nous sommes donnés les moyens d’apprendre à organiser ces manifestations et faire qu’elles se déroulent sans incident. Nous sommes pour la plupart basés en Charente-Maritime ou dans les départements limitrophes. Nous ne sommes pas des inconscients, ni des irresponsables. Nous savons bien que nos fêtes sont bruyantes et qu’elles peuvent inquiéter car nous ne prévenons pas quand nous nous installons dans un endroit. Nous comprenons que notre culture puisse faire peur, tout cela sort de l’ordinaire. Cependant, nous faisons au mieux pour éviter de vous déranger en choisissant des lieux écartés. Parfois, nos sonos peuvent devenir de vraies plaies pour les riverains. Ce sont des erreurs que voulons éviter de renouveler. Nous avons des propositions à faire et sommes prêts à discuter avec les pouvoirs publics. Les free-parties existant depuis 25 ans, elles font partie du paysage culturel des jeunes Charentais, que vous le vouliez ou non. Ensemble, nous pouvons trouver des emplacements adaptés qui ne gêneront personne ». La crainte actuelle des organisateurs est l’impact des nouvelles politiques de sécurité publique sur les festivals. 
« Notre mouvement a été montré du doigt dès le départ. Nous avons fait un travail sur nous-mêmes de prévention, d’auto-gestion. Nous, on s’est toujours débrouillés. Aujourd’hui, la balle est au centre, prenez-la car de notre côté, ça ne s’arrêtera pas » ajoute son voisin.


Faut-il y voir de la provocation ? Elise Dabouis est claire : il ne s’agit pas de répression, mais de faire respecter la loi. Une loi qui protège les festivaliers des accidents qui peuvent survenir dans un lieu isolé (feux de forêt, risques de noyade, santé). Un habitant abonde dans son sens : « les raveurs disent qu’ils gèrent, mais qui ramasse leurs déchets après leur départ parmi lesquels seringues et préservatifs ? ». Une mère de famille parle aussi de la vitesse excessive des véhicules dans les petites routes du Sud Saintonge.

Des riverains excédés par les nuisances sonores

Du côté de la Seguinerie, un porteur de projet (table et chambres d’hôtes) a tout abandonné : « on avait les odeurs de la déchetterie, maintenant les rave-parties. Je m’en vais. Au niveau tourisme, c’est mort ». Nicolas Morassutti acquiesce : « Pour la Pentecôte, l'un de mes administrés a payé l’hôtel à sa femme et son fils pour qu’ils puissent dormir. Les rave-parties doivent se faire oublier sur ce territoire pour un bon bout de temps. Notre patience a des limites ». Sentiment partagé par Jean-Michel Rapiteau, maire d’Orignolles : « la musique se propage jusqu’à 10 km à la ronde, soit 10.000 habitants qui sont "emmerdés" par vos décibels. On ne peut plus calmer la population. Ça va finir mal ». Bref, faites comme le Free Music de Montendre où l’encadrement est étudié depuis des mois avec les différents partenaires.

La réunion se termine. L’échange a eu le mérite de réunir les deux camps et d’établir un contact positif. Les uns prônent leur indépendance ; les autres ne veulent plus subir 48 heures de techno avec des volets qui tremblent. Les représentants de l’Etat ont exprimé leur fermeté quant à la législation et le maintien de l’ordre public. Le collectif Poitou-Charentes Sound Systems Techno pourrait servir de médiateur.
A suivre…


• La rave, de l'anglais to rave, délirer, battre la campagne, est le nom qu'on donne à ces longues fêtes arrosées de musique techno, organisées, selon l'occasion et les saisons, dans une clairière ou d'anciens entrepôts.

• Ce n’est un secret pour personne, la drogue circule durant les rave-parties et constitue une bonne aubaine pour les dealers. S’y ajoutent l’alcool et d’autres produits qui permettent aux "teuffeurs" de supporter des décibels qui font généralement exploser le tympan et provoquent à coup sûr des acouphènes. Un monde particulier et une économie souterraine évidente qu’on préfère ne pas révéler au grand public. Pour vivre heureux, vivons cachés surtout quand le business est florissant en sous-main !

• Christophe, DJ : « Normalement, quand on organise une soirée, il faut payer la Sacem et le bruit doit cesser à deux heures du matin ». Non déclarées, les rave-parties échappent à cette réglementation.

Un habitant : « 40.000 watts de son deux nuits de suite, c’est de l’irrespect total  pour les riverains ». Et que penser de ceux qui sont aux premières loges…

Le député Raphaël Gérard a interpellé le Ministre de l'Intérieur au sujet des rave-parties

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