lundi 4 juin 2018

Jonzac : Heidi Hartke se souvient du cimetière des prisonniers allemands situé au Cluzelet, près du moulin

A l’occasion d’un séjour en Haute-Saintonge, Heidi Hartke évoque des souvenirs d’enfance quand elle a rejoint son père, alors prisonnier de guerre, à Jonzac

Heidi (à droite) aux côtés de ses amis Agnès et Gilles Clavel
Ce jour-là, Heidi a fait étape à Ozillac chez la fille de Madeleine Cramier, son amie d’enfance. Par les hasards de la vie, elle l’a rencontrée après la Seconde Guerre Mondiale quand elle habitait Jonzac avec ses parents. L’heure est aux souvenirs qui restent gravés dans sa mémoire.

Avant la Seconde Guerre mondiale, sa famille résidait dans la région de Dantzig. Prisonnier de guerre en France à la fin du conflit, son père est affecté à la base sous-marine de Saint-Nazaire, puis il est dirigé vers les camps de La Rochelle et Jonzac. « Ma mère et moi nous trouvions alors en zone russe et avons été prises en charge par la Croix Rouge. Nous sommes revenues à Berlin » se souvient Heidi.
Dans les années 1946-1947, les prisonniers de guerre allemands sont parqués dans des baraquements situés au Cluzelet. Surveillés par des officiers alsaciens qui leur mènent la vie dure, leurs conditions sont plus que précaires. Tous les témoignages abondent dans le même sens : « Ils mouraient de faim. Comme ils pouvaient travailler pour les Jonzacais qui avaient besoin de main d’œuvre, ce sont eux qui les ont sauvés en leur donnant de la nourriture. Nourriture dont ils rapportaient une partie à leurs camarades en cachette. Ils faisaient les jardins, travaillaient en usine ou à la campagne ». Malgré tout, seuls les plus costauds ont survécu. Nombreux sont morts de maladie et de malnutrition, inhumés dans un cimetière non loin du moulin.
« Mon père a eu de la chance, il a trouvé un emploi aux ateliers de chaudronnerie Endrivet, spécialisés dans les alambics. Cette stabilité nous a permis de le rejoindre ». Le voyage d’Heidi et de sa mère ne se fait pas sans difficultés. Elles font d’abord étape au camp d’Osthoffen où elles sont examinées sous toutes les coutures avant d’être mises dans un train en pleine nuit… à destination de Jonzac. On imagine facilement le périple, les lignes n’étant pas directes !

Jonzac de l'après guerre, des rues grouillantes d’activités !

A l’époque, le père d’Heidi habite la rue Sadi Carnot : « la première fois que je l’ai vu, j’avais six ans et je ne le connaissais pas. Ce fut un peu compliqué car j’avais l’impression qu’il me prenait ma mère » se souvient-elle en riant. Leur intégration se déroule plutôt bien et certains Allemands, anciens prisonniers, ont épousé des Françaises. Ceux qui habitaient l’Est de l’Allemagne ne voulaient pas y repartir. « Nous formions une petite communauté. Nous sommes restées quatre ans et j’ai fréquenté La Sagesse où j’ai rencontré Madeleine et appris à parler le français. Ma mère ayant le mal du pays, elle a tout fait pour que nous rentrions chez nous ».

Dessins réalisés par un prisonnier allemand rue des Guits (immeuble aujourd'hui détruit)
La famille choisit de s’installer dans la région du lac de Constance. Mais sur place, rien ne se passe comme prévu : « considérés comme des réfugiés, on nous a emmenés en Bavière, région où il fallait tout reconstruire. Nous résidions chez les habitants qui voulaient bien partager leurs maisons. Nous avons déménagé plusieurs fois car les propriétaires n’étaient pas forcément complaisants ! Mon père a été recruté par une grande fonderie ». La cellule se reforme et peu à peu, le moral revient. Le cercle s’agrandit avec la naissance d’un garçon prénommé Hjeörg.

Devenue adulte, Heidi devient dessinatrice, réalisant des motifs pour étoffes et tissus. Elle se marie, met au monde trois enfants et accueille en son foyer de jeunes Turcs dont l’un est adopté par le couple. Dès que l’opportunité se présente, tout le monde part en vacances en France où le camping à Royan ou dans les Pyrénées est apprécié : « dans la région, j’ai toujours gardé des contacts avec Madeleine et maintenant avec sa fille Agnès ». 

La retraite venue, Heidi revient à Jonzac où elle remémore les rues de l’après-guerre, grouillantes d’activités et de commerces. « J’ai constaté que les villages autour de Jonzac ont fait de gros efforts d’embellissement. A Jonzac, les Antilles me plaisent, mais le centre ville pourrait être mieux valorisé. Certains jours, on n’y croise pas un chat »…
Elle pense aussi aux baraquements du Cluzelet et au cimetière, longue ligne de croix avec des noms : « il a complètement disparu dans les années 60. J’aimerais bien savoir ce que sont devenues les sépultures ». Effectivement, de nos jours, le Cluzezet est connu pour son moulin, ses deux châteaux d’eau, son quartier d’habitations et une vigne plantée sur le coteau. Un lecteur aurait-il la réponse ?

Les baraquements se trouvaient entre le moulin et le château d'eau
Que sont devenues les sépultures du cimetière allemand ? Question...
Dynamique et volontaire, Heidi a toujours fait face aux situations avec optimisme. Esprit ouvert et tolérant, elle profite du moment présent. Au moment de nous séparer, cette grande marcheuse s’apprêtait à partir pour le Cap Ferret…

• L'info en plus : Des dessins oubliés...
http://nicolebertin.blogspot.com/2008/06/jonzac-les-dessins-oublis-des.html 

1 commentaire:

Unknown a dit…

J habitais à côté de ce camp qui était notre terrain de jeux. Des squelettes sous des planches faisaient partie de nos découvertes.