Directeur de recherche au CNRS, l’astrophysicien Jean-Philippe Beaulieu poursuit ses recherches. Cet ex-jonzacais, fils de Françoise et Jean-Claude Beaulieu, conseiller général, est le responsable français de la mission spatiale Echo (lancement en 2022) ainsi que du programme micro lentilles à bord du satellite Euclid (lancement en 2020). Ces deux satellites sont européens.
Parmi les sujets abordés dans l’entretien qui suit, la joie que provoquent les résultats exceptionnels obtenus est teintée d’inquiétude. En effet, faute de moyens, l’avenir paraît sombre pour la recherche fondamentale…
• Jean-Philippe Beaulieu, le ciel n’en finit pas de livrer des secrets. Deux de vos anciens étudiants ont participé à une découverte intéressante : il y aurait au moins une planète par étoile dans notre galaxie. Pour les néophytes, qu’est-ce que cela veut dire ?
C’est une longue histoire, commencée il y a neuf ans. Deux étudiants en thèse de mon équipe souhaitaient mesurer l’abondance des planètes extrasolaires.
Pendant ces années, un très gros travail a été effectué par une quarantaine de personnes, des centaines d’heures avec les télescopes au Chili, Afrique du Sud, Tasmanie, Nouvelle Zélande, etc, pour finalement obtenir ce résultat.
En moyenne, toutes les étoiles du ciel ont au moins une planète. Avoir au moins une planète pour une étoile, c’est la règle ! Lors d’une nuit sans nuages, quand on regarde le ciel et l’immense majorité des points lumineux, les étoiles ont autour d’elles des planètes en orbite…
Pour la petite histoire, les deux étudiants à l’origine de l’étude au sein de l’équipe ne sont plus étudiants aujourd’hui. Arnaud Cassan, le leader, est désormais maître de conférences à l’université Pierre et Marie Curie, Institut d’Astrophysique de Paris. Daniel Kubas vient d’obtenir un poste d’avocat au bureau des brevets de Munich.
• Nous cherchons toujours une planète qui serait aussi accueillante que la Terre. Où en sont les recherches ?
Ça avance ! Je pense que c’est le projet américain Kepler qui devrait, sous peu, annoncer les premières découvertes. Nous avons des planètes comme la Terre, gelées ou alors trop chaudes.
Celles à la bonne température vont sortir bientôt, d’ici la fin de l’année sans doute. Nous avons des petites planètes en stock, toutes petites, mais gelées. Pas encore de planètes où l’on pourrait planter un peu de vigne !
Outre ses nombreuses fonctions, Jean-Philippe Beaulieu assure la Collaboration Planet qui vient de publier, dans la célèbre revue Nature, un dossier sur la présence de planètes en orbite autour des étoiles.
• Quelles ont été les dernières grandes découvertes faites en astrophysique ?
Vaste sujet ! J’ai évidemment un avis un peu personnel. Je classerai la découverte du Boson de Higgs comme la grande découverte de ces derniers mois.
C’est le chaînon manquant du modèle standard de la physique des particules, ces lois qui gouvernent notre univers. Des chercheurs français y sont associés.
Sur le thème des exoplanètes, il y a un vraiment un boum ces derniers mois : des planètes de types très variés, en grande abondance, certaines tournant autour de deux étoiles (comme le système dans Star Wars), des Terres chaudes (Kepler). Nos mesures montrent l’abondance de ces planètes, les résultats de Kepler comptent près de 2 000 exoplanètes. La prochaine étape sera le satellite ECHO, un projet à l’horizon 2022 pour observer les atmosphères de planètes extrasolaires et y déceler les premières traces de vie. C’est un projet soumis à l’Agence spatiale européenne et j’en suis le responsable français.
• En France, les moyens dont disposent les chercheurs sont-ils suffisants ?
Malheureusement, la situation en France est en passe de devenir absolument catastrophique. La recherche fondamentale n’a jamais été autant en danger, étant incomprise par nos dirigeants. Nous avons une baisse nette de 50 % des crédits dans notre laboratoire, ce qui veut dire qu’une fois payés les impôts, les factures d’électricité, d’eau et de téléphone, il ne reste rien. Je n’ai pas pu garder les membres de mon équipe. Ils étaient sous contrats temporaires, même après des années de collaboration. L’un d’eux change d’orientation en devenant avocat, l’autre part aux USA, un troisième est retourné en Australie. Ce sont des chercheurs de talent que la situation catastrophique de la recherche fondamentale ne permet pas de garder. Nous allons bien sûr partir à la chasse aux crédits européens pour financer le projet.
Il est aussi assez paradoxal de voir que l’Agence spatiale s’engage sur des projets à hauteur de centaines de millions d’euros (des projets où nous sommes impliqués très fortement), mais qu’au final, on a des bouts de chandelle pour l’organisation du quotidien en France !
Nous avons encore nos mécènes étrangers (malheureusement touchés par la crise). Mais actuellement, la situation n’a jamais été aussi critique. Il est regrettable que nos dirigeants ne comprennent pas que ce n’est pas en améliorant la technologie de la lampe à huile que l’électricité a été découverte.
Bref, nous sommes dans une situation mitigée. Une grande joie en voyant les résultats exceptionnels obtenus, de l’espoir avec deux projets satellites sur les rails, mais aussi une très grande inquiétude devant un avenir sombre pour la recherche fondamentale et ceci dès 2012…
Propos recueillis par Nicole Bertin
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