Ancien bateau de la Marine Marchande, le Belem était à Royan la semaine dernière. Une bonne occasion de visiter ce Trois-mâts qui fait rêver…
Sur l’un des murs du carré, une photo ancienne du Belem attire l’attention. À l’époque, il traversait l’Atlantique, chargeant en ses entrailles des denrées venant du Brésil, de la Guyane et des Antilles. Fèves de cacao pour le chocolatier Menier, épices, rhum. Le parfum de l’exotisme.
Il n’a pas fière allure. Pire, il semble affligé d’être ainsi forcé de naviguer sur "la peau du diable". Ce Trois-mâts, sorti en 1896 des chantiers français Dubigeon à Chantenay-sur-Loire, est entièrement consacré au commerce. Pratique avant tout !
La coquetterie vient plus tard quand, ô miracle, le duc de Westminster le transforme en vaisseau doté de moteurs, équipement qui lui permet de filer doux sur les océans. En 1921, Sir Arthur Ernest Guinness lui fait vivre de folles épopées. Fantôme II - son nouveau nom - repart à la conquête du monde. My ghost ! Il en fait le tour en passant par Panama et le canal de Suez, sans jamais apercevoir le Cap Horn.
À la mort de son propriétaire, en 1939, il s’abrite à l’île de Wight. C’est un peu tôt pour les rassemblements hippies, mais il trouve un lieu suffisamment stratégique pour recevoir une unité des Forces Navales françaises libres. En 1952, après la terrible guerre, il aspire aux douceurs italiennes. À Venezia, la fondation Cini le transforme en navire-école pour les orphelins de la Marine. Le Giorgio Cini, ex Belem, connaît une reconversion. Ceci dit, il n’a rien d‘une gondole ! D’ailleurs, son gréement devient celui d’un Trois Mâts goélette, plus facile à manœuvrer selon les spécialistes. L’histoire se poursuit en 1979 quand les Caisses d’Épargne – les nôtres - s’en entichent. Elles ne l’abandonneront jamais.
L’ambassadeur du pavillon français
Redevenu tricolore et fier de l’être, il est encadré depuis cette acquisition avec soin et amour (si, si !) par la fondation Belem. Elle en a fait un navire-école qui propose une trentaine de stages par an aux amateurs. En 1984, privilège de l’âge, il est devenu monument historique. C’est dire si cet ancêtre est respectable ! Il est à la fois un merveilleux témoignage du patrimoine et l’un des ambassadeurs préférés des Français qui guettent son pavillon avec bonheur.
Mardi dernier à Royan, il ne passait pas inaperçu entre la pointe de Vallières et le port. Face à la plage, les baigneurs n’en revenaient pas de l’avoir pour horizon, rien que pour eux en reconstitution historique. Un tableau vivant façon Turner ! D’ailleurs, quand il est reparti, beaucoup l’ont cherché du regard, comme un vieux camarade dont on ne se lasserait pas.
Mercredi et jeudi matin, de nombreux visiteurs sont allés à l’abordage de ce bateau mythique, heureux de déambuler sur son pont. Accueillis par le président de la Fondation, Nicolas Plantrou, les groupes ont littéralement craqué pour ce navire aux élégantes voiles blanches. Les non initiés se sont familiarisés avec le vocabulaire de la Marine : dunette, spardeck, gaillard d’avant, quartier des officiers, petit et grand roof, batterie, cales, sans oublier l’atelier du charpentier et le magasin du bosco. Un univers dépaysant pour les terriens !
Jeudi, grand jour de la fête nationale, entouré des Pen Duick, le Belem a fait une escapade dans l’estuaire de la Gironde, avec à son bord, moult passagers. Sa majesté a salué son ami, le phare de Cordouan, qui célèbre ses 400 ans cette année.
Le lendemain, il a pris la destination de l’Espagne où l’attendent de nouvelles aventures. Rassurez-vous, il devrait revenir l’an prochain à la même époque flirter avec la Perle de l’Atlantique ! De prestigieux rendez-vous l’attendent : Londres pour les Jeux Olympiques de 2012 et Marseille en 2013, ville sélectionnée pour être capitale européenne de la culture.
Reportage/photos :Nicole Bertin
• Les grands voyages du Belem
En 2002, la Fondation a organisé le retour du Belem sur la route de ses premières navigations. Pour la première fois depuis 1907, il s’est amarré sur les quais de la ville de Belém au Brésil. En 2008, le navire a mis le cap sur Québec où il a participé au 400e anniversaire de la fondation de la ville par Champlain. En 2009, le Belem a effectué son premier voyage avec escales au Maroc et inauguré les nouveaux aménagements du port de Rabat.
• Des stages ouverts à tous
Chaque année, le Belem propose une trentaine de stages qui regroupent environ 1 200 personnes. Stage de Mahon en Espagne à Port-Vendres du 9 au 12 août, de Port-Vendres à Nice les 19,20 et 21 août, escale à Nice du 24 au 27 août, de Nice à Toulon stage 22, de Toulon à Marseille, stage 23 et 24 septembre, escale au Vieux Port de Marseille du 23 au 28 septembre. Du 31 octobre au 18 novembre, le Belem accueille la nouvelle promotion de l’École des mousses pour un premier apprentissage de la vie en mer et en équipage.
Prix des stages en fonction du nombre de jours (entre 400 et 1 500 euros).
• En 1902, le Belem était aux Antilles quand la Montagne Pelée est entrée en éruption. Fatalité, un bateau avait pris l’emplacement qui lui était réservé. Il est alors parti de l’autre côté de l’île, ce qui l’a sauvé de la fureur du volcan.
• Le Belem n’a jamais connu d’accident grave. Le seul gros pépin à souligner s’est produit en 1896 quand un incendie s’est déclaré à son bord. Il a pu être circonscrit.
• Le Belem, plus ancien trois-mâts d’Europe, représente le mécénat le plus long avec les Caisses d’Épargne. L’équipage compte 16 personnes qui encadrent les stagiaires et deux commandants qui se succèdent à tour de rôle. Ce voilier utilise tout de même du gas-oil, soit 100 000 euros par an. Son coût en fonctionnement est de 10 000 euros par jour.
• Ses mensurations : Longueur : 58 m, largeur 8,80 m, tonnage 531 tonneaux, tirant d’eau 3,60 m, nombre de voiles 22, hauteur du grand mât 34 mètres.
• Le Belem a conservé les boiseries en acajou very british de Sir Guinness. Les visiteurs les admirent encore aujourd’hui.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire