samedi 4 juillet 2009

L'île Madame, entre le ciel et l'eau

De toutes les îles qui regardent la Charente-Maritime, l’île Madame est la plus petite et sans doute la plus émouvante. Mercredi dernier, Jean Louis Frot, vice-président du Conseil général, Robert Chatelier, maire de Soubise, conseiller général du Canton de Saint-Agnant, Jacky Laugraud, maire de Port des Barques et Marine Musson, du Conservatoire du Littoral, ont présenté les projets la concernant.




« Je m’ennuie » dit Madame
« Il vous faudrait une île pour rêver » répondit Renard, le regard amusé
« Mais où trouverai-je une île ? » rétorqua Madame que cette idée séduisait... sans savoir comment elle s'y rendrait. Elle ne savait pas nager.
Malicieux, Renard combla son vœu : « j’en connais une. Je vais vous transporter sur mon dos et cette île deviendra la vôtre, Madame ».
Cette histoire, comme celle de l’Abbesse de Saintes, fait partie des légendes qui gravitent autour des origines de l’île Madame. Selon les historiens, elle aurait tout simplement appartenu à Anne de Rohan de Soubise, d’où son nom. Madame avait une île, quelle chance. Peu importe si c’était celle du jour d’avant ou d'après !


Altantique, ouvre-toi !

Moins connue que ses trois grandes sœurs, Aix, Oléron et Ré, elle exhale un charme indéfinissable. Son accès se fait en fonction des marées : on peut alors s’y rendre par un chemin que les eaux dévoilent un moment avant de le recouvrir à nouveau. Les flots se retirent pour gagner la terre ferme et promise : à croire que l’Ancien Testament s’est inspiré de la Charente-Maritime ! Toutefois, gare à ceux qui ne consultent pas les horaires car l’eau reprend inévitablement sa place et ils peuvent être pris au piège.

La passe aux bœufs, telle est son nom, conduit à un espace naturel où le temps semble s’être arrêté. Les carrelets, juchés sur leurs longues pattes, ressemblent aux créatures préhistoriques que le paléontologue Didier Néraudeau a mises au jour pas bien loin, sur l’une des plages. Un varan marin inconnu, le carentonosaure, y a été découvert pour la première fois.
Le territoire est minuscule, un peu plus de 70 hectares, et la population clairsemée. Le hâvre sympathique est une ferme auberge tenue par Elisabeth et Jean-Pierre Mineau. Aux alentours, quelques rares maisons se dressent dont l’une appartient au député Didier Quentin. S’y ajoutent un camping et quelques gîtes.


Le fort mis en valeur

Cet endroit est unique, mais fragile. C’est pourquoi la collectivité a décidé de le protéger. Elle préconise aux promeneurs d’y arriver à pied ou en vélo plutôt qu’en voiture (allez, un peu de courage !), tout en sachant qu’une partie de l’île est interdite à la circulation pendant les vacances. Autant être averti : le style "je passe en vitesse et je ne profite pas des beautés du site" est à bannir.




Il faut prendre son temps pour sentir et comprendre l’Ile Madame, en admirer la flore, les étranges paysages, les fossiles abandonnés, l’horizon qui s’étire entre ciel et mer, les pieds dans l’eau, le regard pointé sur Fort Boyard. « La fréquentation de l’Ile Madame ayant explosé ces dix dernières années, des opérations de protection de ce site naturel classé sont nécessaires. Une phase expérimentale va être lancée avant la réalisation de travaux plus importants à long terme, notamment à l’entrée de la passe, côté continent. En effet, la décision a été prise en Comité syndical, de mettre la circulation à double sens sur une partie du parcours et de le laisser en voie piétonne sur une autre partie. Cette expérimentation sera accompagnée de panneaux d’informations » soulignent Jean-Louis Frot et Jacky Laugraud.



Le bâtiment principal de l’Ile est un fort. Au Nord, se trouvent une redoute, qui correspond à une ancienne fortification militaire édifiée en 1703, ainsi que des casemates. « Ces constructions participaient au système de défense de la rade de Rochefort à l’entrée de la vaste embouchure de la Charente pour protéger la ville et son arsenal » explique Marine Musson. L’objectif de la société anglaise Landmark Trust est d’y installer deux gîtes qui seront proposés à la location. Le Conseil Général a refait la toiture en 2008.





« Fondé en 1965 par un couple de mécènes pour préserver le patrimoine de la Grande-Bretagne, le Landmark Trust s’est donné pour mission d’acquérir et de restaurer le petit patrimoine bâti en déshérence ayant un intérêt historique. La démarche présente une originalité indéniable. Les travaux menés à leur terme, les édifices deviennent des résidences de vacances. L’organisation caritative réinvestit les revenus ainsi perçus dans l’achat de nouvelles propriétés » ajoute Marine Musson.

Un beau projet en perspective. Reste à obtenir les autorisations administratives. En l’attente, une balade à l’île Madame s’impose !

Photos 1, 2, 3, 4 : L'île Madame, sauvage et authentique

Photo 5 : Jean-Louis Frot (au centre) aux côtés de Jacky Laugraud, maire de Port des Barques.

Photo 6 : Nature protégée

Photos 7, 8, 9, 10, 11 : Marine Musson présente le projet d’aménagement du fort et des casemates ainsi que Jean Louis Frot.

Photos 12, 13, 14 : L'île Madame s'étire sur une longueur de 800 mètres et sur une largeur de 400 mètres. L'ostréiculture y est pratiquée ainsi que l'aquaculture. La ferme aquacole a été créée en 1980. La ferme auberge propose les produits de l'exploitation : huîtres, palourdes, bars, salicornes, sel récolté dans le marais salant.



Triste souvenir

Au Sud Est de l’île, une grande croix de galets, à même le sol, marque l’endroit où furent enterrés 254 prêtres déportés pendant la Révolution. Ils moururent de maladie et d’épuisement à bord des pontons de Rochefort, le Washington et les Deux Associés, deux anciens navires négriers. Il s’agissait de prêtres réfractaires ayant refusé de prêter serment à la nouvelle Constitution et de prêtres assermentés. Un pèlerinage en leur mémoire a lieu chaque année, en août.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Les communards ont également souffert atrocement sur les pontons de l'ile madame; ces hommes et ces femmes, dont on se refuse à rappeler la mémoire, ont construit le puits des fédérés qui se trouve sur l'ile au bout d'un ponton. Une plaque commémorative, située au fond du puits rappelle leur mémoire.