Combien de fois les Jonzacais ont-ils foulé la place de l’Église, ignorant que sous leurs pieds, dormaient des hommes et des femmes enterrés en ce lieu depuis des lustres ? Ces présences invisibles les ont accompagnés, passant allègrement du VIe au XXIe siècle !
Des fouilles, entreprises par le Département dans le cadre de la réhabilitation du quartier, ont révélé de nombreuses sépultures mérovingiennes. Le point avec l’archéologue du Conseil Général, Léopold Maurel.
Voici plus de dix ans, la découverte de sépultures mérovingiennes, non loin de l’église de Chadenac, avait fait grand bruit. Durant plusieurs semaines, archéologues et chercheurs bénévoles avaient travaillé pour percer les secrets de ce cimetière dont une vigne avait masqué l’existence. Certes, les regards avertis avaient remarqué des détails laissant supposer une occupation ancienne mais, à une époque, le patrimoine retenait peu l’attention.
Les manuels d’histoire, d’ailleurs, ne faisaient pas preuve d’une grande objectivité. Les Gaulois, par exemple, semblaient arriérés par rapport aux Romains. Sur les gravures, on les voyait dans des cabanes misérables au milieu des cochons. De nos jours, on admet que nos ancêtres n’étaient pas ignares et possédaient une technologie avancée.
Il en est de même pour les Mérovingiens, issus du roi Mérovée, grand-père de Clovis (célèbre pour le vase de Soissons et son baptême dans la religion catholique, célébré le 25 décembre 498 à Reims par l’évêque Rémi).
Après la chute de l’empire romain d’Occident, victime des Barbares, Clovis, chef d’une tribu de Francs, s’imposa et conquit la Gaule presque entière. Habile stratège, il obtint de l’Empereur d’Orient le titre de Consul, titre que le fit accepter des Gallo Romains, inquiets à juste titre de leur sort.
Malheureusement, et alors qu’il s’illustra dans les combats, sa postérité connut une destinée peu enviable. Parmi les « rois fainéants », se trouve en effet ce cher Dagobert que tous les écoliers connaissent pour avoir mis sa culotte à l’envers. On s’éloigne des exploits héroïques !
Une découverte importante pour l’histoire locale
Jusqu’à présent, les Jonzacais ignoraient que les Mérovingiens avaient habité leur ville. Si les témoignages de l’époque médiévale y sont nombreux, subsistait un blanc entre la fin de l’occupation romaine (dont la villa des Antilles est un vestige) et le commencement du Moyen Âge. Une heureuse fortune l’a partiellement comblé.
Les fouilles menées actuellement devant l’église plonge le visiteur dans une période dite «"obscure ", les VIe et VIIe siècles en particulier.
L’apogée de Rome n’est plus qu’un souvenir et une nouvelle organisation a été mise en place. Jonzac (qui ne porte pas encore ce nom) est un lieu habité, fort de deux collines (emplacements de l’actuel château et de l’église). Imaginez-vous quinze siècles en arrière, avec des coteaux verdoyants et un habitat réparti autour de la rivière !
Grâce aux travaux conduits par Léopold Maurel, nous savons désormais que, devant l’édifice religieux (et sans doute dessous et au-delà de maisons d’en face), se trouve une nécropole mérovingienne qu’un précédent chantier laissait supposer. En effet, des sarcophages coupés avaient été repérés près de la balustrade.
« Le périmètre où se succèdent les fouilleurs est important » souligne l’archéologue départemental. On y remarque des sépultures de pierre organisées autour d’un bâtiment.
Le lieu était-il renommé au point d’y attirer les fidèles en ce début de christianisation ? Mystère. On parlerait alors d’inhumation « ad sanctos », acte qui consistait à se faire enterrer auprès de saints afin de bénéficier de leurs immenses bienfaits. Bien sûr, les travaux actuels ne permettent pas de dire si un honorable personnage reposait dans l’édifice (d’une quarantaine de m2) dont les bases ont été dégagées. Ou bien y avait-il une fontaine aux eaux curatives (ancêtre de la cure thermale) ?
Deux périodes cohabitent…
De nombreuses questions restent en suspens. Les sarcophages apparaissent les uns auprès des autres et les uns sur les autres en partie. Des inscriptions dans la pierre seraient les bienvenues pour éclairer les lanternes.
Près des squelettes, quelques objets ont été retrouvés, dont un fragment de statue gallo-romaine qui a servi de remblai.
L’agencement de la nécropole et les superpositions de sépultures à flanc de colline, littéralement calées contre la construction, soulève des interrogations. Serions-nous en présence d’une survivance du paganisme rural (culte à une divinité), aucun objet lié à la pratique chrétienne n’ayant été localisé ?
L’intérêt que présente cet espace est d’abriter deux époques distinctes. En effet, à quelques encablures des Mérovingiens, Léopold Maurel et son équipe ont remarqué d’autres tombes (avec emplacement creusé pour la tête). Pouvant remonter au Bas Moyen Âge, elles sont de construction différente et disposées selon un agencement réfléchi.
C’est une aubaine pour les chercheurs qui ont deux époques sous les yeux à décrypter. « On y verra plus clair en fin d’année quand mobilier et ossements auront été étudiés » estime Léopold Maurel.
Chaque jour, il encadre une vingtaine de personnes, passionnées par cette aventure saintongeaise. Le chantier durera jusqu’au 28 août.
Si vous êtes intéressé, n’hésitez pas à contacter la mairie de Jonzac. Toutefois, avant d’être opérationnel, une formation de deux semaines vous sera prodiguée car l’archéologie est une discipline minutieuse.
Il y a tout lieu de penser que le site n’a pas encore livré tous ses secrets. L’office de Tourisme y organise des visites guidées.
L'info en plus
• Anthème : Où est la vérité ?
À l’évocation d’un saint ayant pu être vénéré dans le bâtiment, Anthème vient à l’esprit puisque ses reliques auraient disparu de l’église (au moment des guerres de religion, dit-on). Cependant, il y a fort peu de chances qu’il s’agisse de lui pour une question de date. D’après Fouché, chanoine honoraire et curé de Jonzac, Charlemagne aurait réuni un concile à Jonzac au VIIIe siècle et fait déposer dans la chapelle les restes de l’évêque de Poitiers.
Cela reste à vérifier ! « Le Pseudo Turpin », qui sert de référence, est une fausse chronique historique rédigée au XIIe siècle par l’évêque de Compostelle, le pape Calixte II et l’abbé de Saint-Denis qui obéissaient aux ordres d’Alphonse VII et Louis VI. Il s’agissait pour eux de décrire la valeureuse attitude de Charlemagne et ses preux chevaliers venus délivrer des Maures le tombeau de Saint Jacques. De l’importance du récit, dépendait l’impact auprès des fidèles !
Léopold Maurel est réaliste : « Pour donner une valeur à un lieu de culte, rien de mieux que de constituer une légende » !
• Les Mérovingiens de Haute Saintonge étaient-ils chevelus ?
En effet, les historiens prétendent que les plus puissants d’entre eux tiraient leur force de leur opulente chevelure…
Les rois francs étaient en principe élus par les hommes libres du peuple, un concept juridique qui recouvrait à l’origine des situations sociales diverses. Ces hommes libres, que l’historien de l’église Grégoire de Tours désigne sous le nom de Francs, furent progressivement assimilés à un groupe supérieur de la société, des « Grands » qu’on ne peut pas encore appeler noblesse. Cependant le principe héréditaire prévalut et les « Grands » durent choisir le souverain parmi les descendants mâles de la famille mérovingienne, ainsi érigée en dynastie. Les rois mérovingiens détenaient le mund, puissance charismatique et surnaturelle transmise par le sang et légitimée par les victoires du chef. On pensait alors que l’ascendant magique du roi franc résidait dans sa chevelure : ils sont surnommés les « rois chevelus » (en latin reges criniti). C’est pour cette raison que le dernier des rois mérovingiens, Childéric III, fut tondu avant d’être enfermé par le nouveau roi, comme nombre de ses prédécesseurs qui avaient été écartés du trône. En 750, les derniers Mérovingiens, appelés ultérieurement « rois fainéants » par Eginhard pour légitimer la prise de pouvoir carolingienne, avaient depuis longtemps perdu tout pouvoir, excepté dans les apparences. Ce fut le temps d’une nouvelle dynastie franque issue de l’aristocratie austrasienne : les Carolingiens, dont le premier roi, Pépin III, dit le Bref, aussi nommé Pépin le Pieux, fut couronné et sacré après avoir déposé Childéric III, le dernier Mérovingien, avec l’aval du pape Zacharie.
(Extrait de Wikipedia)
Photo 1 : Léopold Maurel, archéologue départemental sur le chantier de fouilles de Jonzac
Photos 2 et 3 : Le chantier devant l'église de Jonzac
Photo 4 : Des sarcophages coupés avaient déjà été repérés près de la balustrade située devant l'église.
Photo 5 : Ces sarcophages sommeillaient à faible profondeur depuis des siècles devant l'édifice religieux
Photos 6 à 11 : Le chantier attire chaque jour de nombreuses de personnes qui suivent l'avancement de la fouille
Photo 12 : Longtemps, des tilleuls ont poussé sur cette place. Leurs racines se sont littéralement glissées entre les ossements. Etrange impression…
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