La conférence de Claude Belot, ancien maire de Jonzac et président de la Communauté de Communes de Haute-Saintonge, portait sur un bien précieux : l’eau ou comment cette ressource exploitée a fait de Jonzac non seulement une station thermale, mais une ville qu’on cite volontiers comme exemple de dynamisme en milieu rural. « Une belle aventure » à conter !
L’autre jeudi au cloître des Carmes, Claude Belot a donné un conférence devant un large auditoire - quelque 200 personnes - faisant deux heureux (au moins !), le conférencier lui-même « je ne pensais pas qu’un tel sujet attirerait la foule » et Pierre Triomphe, responsable des Archives de Jonzac « cette affluence va renforcer la moyenne de fréquentation de l’université d’été ! ».
A Jonzac, l’eau est une vieille histoire que Claude Belot s’est fait un plaisir de raconter. Quoi de plus naturel pour un géographe que de commencer par des notions géologiques et des observations quant à notre chère Seugne, laquelle serpente à travers la prairie avant d’exhiber sa verte splendeur en centre ville auréolée de blancs nénuphars ! A son sujet, on remarque un phénomène qui reste surprenant pour le non initié : nous sommes dans une région de relief calcaire karstique, c’est-à-dire que la circulation de l’eau y est surtout souterraine. C’est pourquoi la Seugne disparaît du côté de chez Beauregard avant de réapparaître à l’entrée de Jonzac. Claude Belot en profite pour apporter des explications sur le lit à sec du cours d’eau et de ses affluents en certains endroits durant l’été : « on lit dans la presse que c’est la faute des irrigants, mais cette situation est en rapport avec la composition du sous-sol. Elle était déjà vraie voici des décennies ». Traduire « avant l’arrivée des grandes surfaces de maïs » !
Dans l'auditoire, Pierre Jean Ravet, maire adjoint chargé de l'environnement |
Quelles que soient les bizarreries de dame Nature, la présence de l’eau explique pourquoi l'un de nos ancêtres, l’homme de Néandertal (1), s’est installé à proximité de la rivière (périmètre de l’actuel centre des congrès) et que plus tard, une villa gallo-romaine a été édifiée dans le même secteur (près du complexe des Antilles). Par la suite, la ville s'est développée sur l’éperon rocheux, sans doute pour des raisons de sécurité.
Au fil des siècles, elle s’étoffe et à l’époque de Louis XIV, elle est très renommée pour ses peaux. Elles sont lavées dans la Seugne (pas très écolo !) et sèchent dans les abouderies. Les habitants, quant à eux, creusent des puits assez profonds pour obtenir une eau potable de bonne qualité. Sinon, gare aux infiltrations dans les nappes et aux maladies qui en résultent (typhoïde, choléra)… L’électricité éclaire Jonzac dès 1904 quand d’autres communes ne l’obtiendront que dans les années 50. L’adduction d’eau est installée en 1934 grâce à l’intervention du député James Sclafer (dont une rue porte le nom).
Tout commence avec le chauffage urbain
Dans la seconde partie du XXème siècle, la France est bientôt confrontée à des problèmes d’approvisionnement énergétique, d’où le fameux slogan : on n’a pas de pétrole, mais on a des idées ! Une prospection pétrolière a lieu en Saintonge. En vain. Par contre, les coupes géologiques démontrent qu’il y a de l’eau chaude dans le Trias (ère précédant le Jurassique et le Crétacé). Claude Belot, maire élu en 1977 et conseiller général de Jonzac, lance alors un projet de chauffage géothermique pour la ville, remplaçant les traditionnelles chaudières. C’est là que l’aventure de l'eau commence réellement. Il faut un forage pour l'alimenter, une dépense de 5 millions d’euros actuels. Le conseil municipal donne son feu vert. Le chantier voit le jour en collaboration avec le BRGM. Fin 1979, il est terminé après avoir rencontré quelques retards. L’eau surgit enfin à Noël, comme un cadeau providentiel !
L'eau chaude ouvre une autre perspective : la création d’une station thermale. Grâce à la thèse d’un étudiant en médecine, le dr Louis Chalié, sont établies les vertus curatives de cette manne surgissant des entrailles de la Terre. Les analyses sont validées par l’Académie de Médecine à Paris. Jonzac sera donc une nouvelle station thermale "agréée", une première depuis 1941 ! Gérée par la Chaîne thermale du Soleil chère à Adrien Barthélémy, elle ouvre ses portes en 1986. « On a commencé modestement avec 186 curistes la première année. Il s’agit de l’unique station thermale de France à être située dans d’anciennes carrières de pierre qui se présentent sous forme de thermes troglodytiques » souligne Claude Belot. Depuis, l'eau a coulé sous les ponts ! La station a progressé et reprend son rythme de croisière après la période "covid".
1979 : L'eau du premier forage jaillit ! (coupure journal Sud-Ouest) |
La "naissance" des Thermes de Jonzac |
L'inauguration de la station thermale en 1986 |
Ça coule de source !
La physionomie de Jonzac a changé avec l’arrivée du thermalisme : d’un gros bourg, elle s’est transformée en cité animée avec la venue de nombreux curistes ; les locations s’y sont développées, les animations et le commerce aussi. Avec plus de 17 000 curistes, Jonzac se situe à la 100ème place au niveau national. Trois orientations de cures y sont proposées : rhumatologie, voies respiratoires et phlébologie. En 2022, les locations affichent carton plein « le mois d’août est historique ». Et le conférencier d’avouer qu’il a eu des difficultés à loger l’équipage d’un hélicoptère bombardier (lutte contre les incendies en Gironde) venu s’approvisionner en kérosène à Jonzac : « ils ont finalement été hébergés au domaine de Chailleret ».
Visite de la plateforme du troisième forage par le Préfet en 2021 |
Le chauffage urbain, quant à lui, se porte bien grâce à l’apport de thermies supplémentaires venant du bois. « Par ce système, nous n’avons pas besoin du gaz russe » déclare à juste titre Claude Belot.
Il poursuit sur sa lancée avec le complexe aquatique des Antilles, le casino et la gamme de produits de beauté "Jonzac". Proposés par Léa Nature, ils complètent, avec le joli sourire d'Audrey Fleurot, la panoplie de la belle aventure thermale ! Autre projet, la vente en bouteilles de l’eau minérale naturelle de Jonzac dont on voit des maquettes sur les ronds-points. Compte-tenu que la Ville souhaite rester propriétaire de la source, le partenaire idéal se fait attendre. Mais tout vient à point pour qui sait… vous connaissez la suite !
En conclusion et s’adressant à Christophe Cabri, son successeur à la mairie, Claude Belot rappelle que la commune dispose d’outils lui permettant d’évoluer dans de bonnes conditions et sans dettes. L’avenir du thermalisme est assuré avec le troisième puits, les Antilles attirent un nombreux public ainsi que le casino qui reverse des royalties à la ville. Reste l’eau en bouteilles, « on verra bien » dit-il. Dans un autre domaine, la pépinière aéronautique se développe avec des emplois à la clé. Malgré son faible nombre d’habitants (moins de 4000), Jonzac a tiré son épingle du jeu, en partenariat avec les élus de la Communauté de Communes de Haute-Saintonge qui ont accepté qu’elle exerce ce rayonnement dans le cadre d’une politique unie de territoire.
Ajoutons à ces différents atouts le volet patrimoine avec la restauration du châtelet et la perspective d’un musée dans le château datant du XVème siècle. Faisons nôtre la devise du blason figurant à l’entrée du castel : « Post Bella Otia Pacis » : « Après la guerre, les loisirs de la paix » !
Le châtelet en cours de restauration |
1 - Le gisement préhistorique de chez Pinaud a été fouillé en 2019 par le dr William Rendu, chercheur au CNRS (PACEA), ses collègues de l’Académie des Sciences de Russie et des Universités de Bordeaux et Novosibirskest (ville de Sibérie occidentale). Le site est internationalement connu pour la grande quantité de rennes abattus et exploités par les Néandertaliens il y a 70.000 ans. « La viande y était préparée chaque hiver durant de très nombreuses années » expliquent les chercheurs. Notons qu’à cette époque, en raison du climat (semblable à celui de la Norvège), la faune et la fore étaient différentes que celles que nous connaissons aujourd’hui ainsi que le tracé de la Seugne. Une nouvelle fouille est programmée prochainement.
• Selon les experts, le climat a commencé à se réchauffer vers 1850, succédant à la période du Petit âge glaciaire débutée vers 1500. Vers 1570 à Bordeaux par exemple, on traversait la Garonne gelée avec des charrettes chargées. La pluviosité était également plus importante.
Quand l'eau du troisième forage a jailli à son tour (© Nicole Bertin) |
• Avec un débit dépassant les 80 m3/h et une eau sortant à plus de 60 degrés, le troisième forage de Jonzac est plus performant que ses frères aînés, Soenna 1 (30 m3) en 1979 et Lomega (50 m3) en 1993.
• Reconstituer un port sur la Seugne ou plutôt un ponton touristique : Et pourquoi pas ? Il est probable que la Seugne, à l’époque où elle était navigable (c’est-à-dire quand elle n’avait pas encore de barrages) ait accueilli des embarcations pour le "petit" transport (foin, bois, etc) sur une distance de quelques kilomètres. Les habitants de la villa gallo-romaine possédaient sans doute des barques.
• Au XVIIe siècle, les Seigneurs de Pons rêvaient de créer un port sur la Seugne, affluent de la Charente. Perspective qui sous-entendait des destructions de moulins et barrages. Les démarches n’ont pas abouti. L’idée a été reprise vers 1750, sans succès.
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