mardi 19 avril 2016

Mortagne : « En alerte rouge
comme pour la tempête Martin,
le port sera évacué de gré ou de force »...

« Edifier un muret le long du chenal, 
c'est la fin du port ! »


Après les tempêtes Martin en 1999 et Xynthia en 2010, les zones côtières gardent en mémoire de tristes souvenirs. Les habitants ayant subi Martin n'ont pas oublié le raz-de-marée qui a submergé l'estuaire de la Gironde, provoquant de graves dégâts à quelques kilomètres de la centrale nucléaire du Blayais dont les digues se sont avérées trop basses. Bref, on l'a échappé belle.
Jeudi dernier, la municipalité de Mortagne, en présence des conseillers départementaux Loïc Girard et Françoise de Roffignac, avait invité la population à une présentation des projets anti-submersion du port s'inscrivant dans le Plan de Renforcement des Protections Littorales. Ces deux projets avancés sont loin de faire l'unanimité…


Vivre en bordure d'un estuaire comporte des risques, c'est pourquoi les anciens savaient que face à une rive droite construite, se trouve une rive gauche servant de zone d'expansion en cas de débordement. « Faut savoir s'étendre sans se répandre » dit la chanson, sinon les maisons sont inondées, le mobilier foutu et le moral des occupants au plus bas.
Dans la région, on a connu le pire. Si Xynthia a touché le Nord du département et la Vendée, la tempête Martin (1999) s'est abattue avec une telle violence sur la zone côtière de l'estuaire de la Gironde qu'elle y a provoqué un raz-de-marée. Ce phénomène n'ayant pas été annoncé, les habitants ont été pris au piège. On se souvient du port de Vitrezay dans la peine, d'habitants ayant attendu des heures sur les toits des maisons, d'une jeune home tué dans une tonne, d'un énorme cargo ballotté comme un fœtus de paille aux Monards, de Port Maubert et Mortagne qui pansaient leurs plaies et de la partie girondine pointée du doigt puisque la vague ne s'était pas arrêtée, comme le nuage de Tchernobyl, à la frontière entre les deux départements. Que de drames et de traumatismes auraient pu être évités si le bulletin émis par Météo France avait été suffisamment explicite pour permettre à la population de s'organiser. En effet, si les vents violents étaient prévisibles, la déferlante, quant à elle, n'avait pas été mentionnée. Pour preuve, les autorités, confrontées à cette situation extrême, ont demandé à Alain Juppé d'évacuer Bordeaux face à une éventuelle menace nucléaire…

Bref, cette sombre nuit appartient au passé, mais elle doit rester présente dans les esprits pour une simple raison : une telle situation peut se renouveler. C'est pourquoi un plan digues a vu le jour en Charente-Maritime comprenant trois phases de réalisation et quelque 430 ouvrages.
Les deux tempêtes ont mis en évidence la fragilité des côtes de la Charente-Maritime face à des événements climatiques exceptionnels et notamment les risques de submersion marine. Pour disposer d'outils plus efficaces, l'Etat a décidé de lancer de nouveaux appels à projets, à travers les Programmes d'Action de Prévention des Inondations (PAPI) et le Plan Submersions Rapides (PSR). L'ensemble de ces projets pour la Charente-Maritime constitue ce qu'on appelle le Plan de renforcement des protections littorales (PRPL). Dans ce cadre, l'Etat a imaginé deux hypothèses pour le port de Mortagne. Elles ont été présentées jeudi soir dans la salle de l'ancien cinéma.


« Catastrophiques »…

Représentant le maire, Lucile Savary va droit au but : « quand nous avons découvert ces deux propositions, elles nous ont semblé catastrophiques en terme de travaux et de contraintes budgétaires. La situation a été dédramatisée par le Conseil départemental. Il s'agissait d'inscrire avant tout des projets dans les enveloppes financières, projets qui peuvent être réajustés ». Quoi qu'il soit, la mairie de montagne et ses habitants aimeraient être associés aux aménagements !
A ses côtés, Sébastien Lys rappelle que les submersions ne datent pas d'aujourd'hui. Il suffit de se replonger dans les archives ! Port prospère et animé dans le passé, Mortagne se trouve dans un goulot. De temps à autre, en présence de gros coefficients de marée et de vents tumulteux, l'eau s'invite comme une grande à la table des riverains.
Après Martin, marquante par son intensité, des travaux ont été réalisés : « en 2010, si les digues n'avaient pas été refaites, l'eau aurait monté beaucoup plus haut. Mortagne est un couloir ! ». Jusqu'à 1,30 mètre en 1999, seulement 40 centimètres en 2010.
Sébastien Lys parle avec son cœur. La tempête Martin l'a blessé : « J'étais dans mon bateau, mon gagne-pain, et j'ai été traumatisé par les événements. Pendant trois ans, je me suis réveillé toutes les nuits avec des visions cauchemardesques. J'ai très vite alerté le Smiddest sur la nécessité de protéger le port, mais moi, je suis pêcheur, je ne suis pas ingénieur ! ». Et d'ajouter : « De nos jours, la météo émet des bulletins complets. En 1999, ce n'était pas le cas. Je me souviens qu'Etienne Dérat a été trouvé noyé dans sa maison. On n'a pas le droit de revivre des situations aussi terribles. En cas de nouvelle alerte rouge, la population du bas de Mortagne sera évacuée de gré ou de force ». « Digues ou pas digues, nous sommes en zone inondable » poursuit Stéphane Cotier, « la priorité est la sécurité des personnes et les biens ».

Aux côtés de Lucile Savary, Françoise Mouchel, Sébastien Lys et Stéphane Cotier, 
Françoise de Roffignac et Loïc Girard ont apporté des précisions sur ce dossier 
qui a suscité de nombreuses prises de position.
Un muret autour du port ? 

Sébastien Lys, pêcheur et membre de l'équipe municipale
Suit la présentation des scénarios ou des scenarii si vous aimez le pluriel à l'italienne, le résultat est le même : ils n'emballent personne ! Le cabinet d'études a imaginé la réalisation d'une deuxième digue derrière les maisons jusqu'à Pampin et un mur autour du port. Réaction d'un habitant : « nous allons nous retrouver avec encore plus d'eau. C'est comme si on faisait une baignoire ! ». Ambiance.
Le second projet propose de rehausser les écluses et d'édifier un muret en béton le long du chenal, d'une hauteur entre 80 cm et 1,40 m. Nouvelle réaction : « alors là, c'est réussi. Le port sera caché, perdra son charme et son attrait touristique ». Un témoin cite l'exemple du port des Callonges qui a choisi de bétonner. Résultat des courses : en 2010, les sinistrés réfugiés sur les toits des maisons ont dû être hélitreuillés alors qu'en 1999, ils étaient restés sur le toit du camion des pompiers.
Le prix des projets, 2600.000 euros pour l'un et 1440.000 euros pour l'autre, laisse également méditatif d'autant que le bloc communal participera à hauteur de 20% (La commune ne pouvant faire face, elle sollicitera la CARA). S'y ajoute l'entretien. Le Département, quant à lui, est maître d'ouvrage.


Dans la salle, plusieurs personnes hochent la tête : «  Comment un bureau d'études peut-il proposer des projets aussi peu réalistes ? Demandez aux Hollandais ! Au moins ils savent de quoi ils parlent ! ». Lucile Savary rappelle que ces propositions ne seront pas actées : elles sont seulement des perspectives visant à inscrire des travaux et à solliciter des subventions.
Tour à tour, le public fait part de ses sentiments personnels et de son vécu. Si tous gardent dans leurs cœurs des stigmates - comme l'épouse d'un sapeur-pompier qui tremble chaque soir de grande tempête - ils aiment Mortagne, lieu enchanteur quand le brille brille sur les blanches falaises.
Parmi les pistes évoquées : Pour protéger les maisons, il est recommandé de mettre des batardeaux d'eau ou des sacs de sable… mais si les voisins n'agissent pas, une invasion aquatique est toujours possible ; diminuer par un rétrécissement l'arrivée d'eau dans le chenal ; surélever ou élargir les digues existantes ; rehausser la route du chantier naval jusqu'à la Rive ; apprendre à vivre avec le risque comme l'explique un Hollandais (un vrai !) qui s'est installé dans la commune : « Mortagne, c'est un trou, il est possible d'arrêter l'eau avec des sacs de sable devant les habitations et aussi derrière. Quand on achète une maison en zone inondable, on sait à quoi on s'attend ». Pourquoi pas des boudins gonflables le long du port ou bien laisser une large zone d'expansion vers le quai aux pêcheurs ou encore créer un barrage devant Royan ? Sur ce dernier point, Didier Quentin risque de ne pas être d'accord...



Après un long débat où chacun s'est exprimé librement, un élément apparaît clairement : il convient de ne pas faire n'importe quoi dans la précipitation ! Un véritable bon sens est recommandé et sur ce chapitre, les avis des anciens de la commune sont toujours les bienvenus. Par ailleurs, protéger les lieux des submersions conditionne les achats de maisons, la tranquillité des habitants et favorise le volet touristique. Toutes les idées sont recueillies par la mairie qui les transmettra aux responsables. Souhaitons qu'elles soient prises en compte !

L'une des dernières tempêtes à Mortagne. Opération de nettoyage
A droite Michel Suire, organisateur du salon du livre de Mortagne, 
que nous sommes nombreux à regretter
• Les personnes habitant dans les zones à risques ont été listées et seront informées en priorité en cas de nouvelle alerte météo.

• En 2010, la digue a été endommagée, mais n'a pas cédé. L'alerte avait été donnée la veille et les véhicules déplacés dans un point haut de la commune. Une vingtaine d'immeubles ont été sinistrés et ainsi que les restaurants du port.

En 1999, les ports dévastés (© Nicole Bertin)


• Yves se souvient : « Lors de la tempête Xynthia, j'étais dans mon bateau puisque je vivais à bord. Face aux éléments, on ne peut rien faire. le bateau s'est couché à 45 degrés, mais il a tenu le coup. Je rends hommage à Pierrot, un ami scaphandrier, qui nous avait suggéré de faire de solides ancrages. Le port de Mortagne a un point faible  : les bateaux devraient être dans le lit du vent dominant, ce qui n'est pas le cas. C'est un problème que les responsables du port devraient prendre en compte ».





Partout, la désolation...
• Les marais commencent au pied des falaises mortes et s’étendent jusqu’à la Gironde. La construction d’une digue en a fait des polders parcourus par un réseau de fossés et de canaux d’irrigation ou de drainage.
Au-delà des marais envahis par les eaux saumâtres, au gré des marées de la Gironde, les prairies humides asséchées et cultivées par l’homme reste le lieu de villégiature, aux beaux jours, des vaches et des moutons qui autrefois rejoignaient les rives du Médoc en gabare.
On désignait jusqu’à la guerre ces marais de « vaine pâture ». En effet, les paysans profitaient de ces lieux humides qui étaient encore propriété de l’Etat.
 Aujourd’hui, ces domaines, appelés Grande Roselière, sont préservés et permettent la pratique d’un élevage de plein air où les animaux côtoient en toute quiétude les aigrettes et autres oiseaux migrateurs.



La zone littorale (alentours Mortagne) © Nicole Bertin

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pourquoi ne pas construire des portes dans la Gironde et qui se lève comme cela se passe pour protéger Venise. Cela réglerait le problème pour tout l'Estuaire de la Gironde. L'avantage de se système éviterait de disperser l'argent un peut partout dans les ports et autres la Gironde.