vendredi 22 mai 2015

Saintes : La majorité conduite
par Jean-Philippe Machon
résistera-t-elle aux turbulences ?

La semaine dernière, les habitants de Saintes apprenaient, surpris, que leur premier magistrat avait fait acheter son ancien 4 x 4 de fonction par la mairie. L'affaire, portant sur 25000 euros, dépassa rapidement les frontières de la Charente-Maritime pour sensibiliser les rédactions de la presse nationale. Aujourd'hui, se posent de nombreuses questions. Par delà les apparences de réconciliation, la majorité est fracturée. Jean-Philippe Machon parviendra-t-il à retrouver une entente avec ses adjoints « désolidarisés », lesquels l’ont critiqué ouvertement ? « L’unité est fragile » admettent certains conseillers. 
Après la gauche déchirée, la droite va-t-elle connaître le même sort ?


Elus en mars 2014, Jean-Philippe Machon et ses adjoints
Saintes : la gauche divisée, la droite aussi…

Pour mieux comprendre le contexte saintais, un historique des dernières décennies municipales est nécessaire. Depuis des lustres, le cœur de Saintes, ville cheminote, bat à gauche et son dernier maire emblématique, Michel Baron, le démontre. 24 ans de mandat ! En 2001, il tend le flambeau à son poulain, Jean Moulineau, écartant dans la foulée l’un de ses anciens adjoints, Jean Rouger. La brouille socialiste remonte à cette époque. La gauche fissurée entraîne l'élection de Bernadette Schmitt, ingénieur de formation. Le député maire de Chaniers, Xavier de Roux, trouve en cette candidate issue de la société civile, peu teintée politiquement, une alliée porteuse d'espoir. De plus, elle incarne la modernité et l'accession des femmes aux postes à responsabilités. 
Sa victoire est largement saluée. En effet, elle devance deux listes, celle de gauche et celle de la droite officielle conduite par Alain Bougeret, soutenu par deux éminentes personnalités, Jean-Pierre Raffarin (futur Premier Ministre) et Claude Belot, alors président du Conseil général. 
La principale faiblesse de Bernadette Schmitt, qui « veut mettre du soleil sur la ville », est d'être novice. Les vieux renards du département ne lui épargnent aucun coup bas (normal, elle a battu l’un des lieutenants de Claude Belot !) alors qu'elle aurait été parfaitement capable de constituer la Communauté d'agglomération.

Bernadette Schmitt : elle a rapidement compris que la politique politicienne n'était pas sa tasse de thé. C'est sa démission de la Région qui a permis à Bruno Drapron d'y siéger.
Cette structure voit finalement le jour avec son successeur Jean Rouger. Persévérant, ce dernier retente sa chance en 2008 et il l’emporte. Les blessures de la gauche sont-elles enfin cicatrisées ? Pas du tout ! En 2013, la période pré-municipale est l’objet de toutes les tensions, les primaires socialistes ayant désigné tête de liste Isabelle Pichard, conseillère générale. Et pas le maire sortant Jean Rouger ! Sentant la manipulation, il se retire de la consultation. A la sauce des militants, dont le nombre enfle subitement, le maire sortant aurait été noyé dans le ketchup ! 
Victorieuse, Isabelle Pichard se met en campagne… avec le tort de penser que les plaies du PS sont pansées. Les rancunes sont tenaces. En mars 2014, les observateurs assistent à un remake de 2001 : elle est battue comme l’avait été Jean Moulineau. Le soir des résultats, certains ne sont pas dupes : « La liste de gauche n’a pas fait le plein, des voix se sont reportées sur Jean-Philippe Machon ». Comme aux Présidentielles où Sarkozy désavoué a favorisé l'avènement de François Hollande ! 

Issu lui aussi de la société civile, Jean-Philippe Machon devient maire. S’attend-t-il vraiment à occuper le fauteuil ? Oui et non si l'on en croit le temps qu'il met à quitter ses fonctions chez Nexans. Comme Bernadette Schmitt, il n'a pas affiché d'étiquette particulière durant la campagne : « il n’en voyait pas l’intérêt » disait-il. Ce qui n’était pas le cas de deux co-listiers, Bruno Drapron, conseiller régional UDI, et Frédéric Neveu, conseiller municipal de l’opposition, candidat UMP aux Législatives contre Catherine Quéré.
Jean-Philippe Machon prend les rênes de la ville. Il ignore que derrière le rideau, on murmure à son sujet : « il travaille seul, fait preuve d’autorité, est parfois blessant dans ses propos, n’écoute pas les Services ». Le climat se dégrade rapidement, les adjoints voulant être associés aux décisions. 
Jean-Philippe Machon se rend-il compte que ses méthodes de travail sont contestées ? Ce n’est pas certain. Peut-être n’a-t-il pas (encore) réalisé que la gestion d’une mairie demande plus de doigté et de diplomatie que l’élaboration d’un business plan dans une entreprise privée ? Il parle d’économies, se met à dos les travailleurs sociaux… jusqu’à la première "affaire" gênante, celle de son 4 x 4 où la procédure n’aurait pas été respectée. La goutte d'eau qui fait déborder le vase ?
Ses principaux adjoints, qui craignent d’être éclaboussés par le scandale, clament haut et fort que s’ils avaient été avertis de la transaction, ils auraient raisonné le maire. On pressent sa démission. Elle ne vient pas puisqu’après des heures de négociation, le premier magistrat fait amende honorable et annonce qu’il va racheter le véhicule (avec une difficulté : comment acheter légalement un véhicule acquis illégalement ?). 
Un malaise s’installe et les couteaux restent tirés, des intérêts personnels venant compliquer une situation qui l’est déjà. Avec une question en filigrane : qui a contacté la presse ?…

« Une erreur politique doublée d'une faute de goût »

Si Jean-Philipe Machon avait présenté sa démission, tout porte à croire que Bruno Drapron aurait été sur les rangs pour lui succéder à la mairie et Frédéric Neveu à la CDA. Ces deux élus sont actuellement confrontés à une véritable ambiguïté : candidats à de futures élections régionales et législatives, comment seront-ils perçus par l’électorat s’ils restent aux côtés de Jean-Philippe Machon (d’autant que la gauche vient de remporter les Départementales sur Saintes) ? Certains observateurs estiment qu’ils auraient dû quitter leurs fonctions, prouvant ainsi qu’ils ne cautionnaient pas « la faute de gouvernance » commise par le maire. « En France, les gens sont vent debout contre la classe politique, tous partis confondus. D’où la montée du Front National. Montrer qu’on a des valeurs et qu’on s’y tient est un signe envers les citoyens. Cela aurait provoqué un électrochoc qui serait allé dans le bon sens ». 
Officiellement, la majorité du conseil s’est rabibochée depuis la réunion au sommet du jeudi de l'Ascension. Toutefois, la « solidarité » affichée n’est pas assurée.

 Idem à la CDA où il y a des remous. Pour calmer le jeu, Jean-Philippe Machon a adressé une lettre aux délégués où il déclare : « Après la tourmente médiatique de ces derniers jours et dans une volonté de totale transparence, j'ai souhaité personnellement vous apporter des clarifications sur les événements. La volonté de faire faire des économies à la collectivité en achetant un véhicule d'occasion plutôt qu'un véhicule neuf m'a décidé d'acheter, auprès de la société de leasing Alphabet, le véhicule BMW que louait mon ancien employeur Texans. À ce stade, je précise que le fait d'autoriser cette transaction n'est générateur d'aucun enrichissement personnel. En prenant cette décision d'achat, j'étais convaincu d'accomplir un acte de bonne gestion. J'accomplissais en fait une erreur politique doublée d'une faute de goût. De surcroît, et à cause d'une décision trop rapide, une erreur a été commise dans la procédure administrative relative au code des marchés publics ».


L'opposition, conduite par Isabelle Pichard, montera au créneau lors du prochain conseil municipal
L'opposition saintaise, quant à elle, a trouvé en l'affaire Machon un sujet à approfondir. Elle joue pleinement son rôle, même si elle n'attend rien dans l'immédiat, si ce n’est des réponses aux recours qu’elle a déposés. 
Le prochain conseil, à la mi-juin, devrait connaître des records d'affluence. Ce sera, à n'en douter, une grande soirée d'explications. Spectacle et tirades assurés ! 

• Jean-Philippe Machon, Frédéric Neveu : 
Que reste-t-il de leurs amours ?

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