À l’annonce de la nouvelle carte départementale de Charente-Maritime, Dominique Bussereau n’a pas mâché ses mots : « On pourrait décerner au Parti socialiste le titre de meilleur ouvrier charcutier de France pour la découpe de la Charente-Maritime »...
• Dominique Bussereau, quelle a été votre première réaction en découvrant ce redécoupage ?
Ma première réaction a été de la colère parce que c’est un redécoupage purement politique. Je l’ai même qualifié de brigandage partisan. En disant cela, je ne mets pas en cause la préfète ou le ministère de l’Intérieur. Il a été fait par le Parti socialiste de Charente-Maritime qui s’en vante. C’est du charcutage, du tripatouillage faits dans un esprit partisan pour essayer de prendre, par le découpage des cantons, un département qu’il n’a pas obtenu par les urnes. Dans les années 80, le dernier découpage a été réalisé par Philippe Marchand et Josy Moinet, qui étaient alors aux affaires, pour fortifier la gauche. L’ironie de la situation, c’est que la droite, réunie autour du CDS François Blaizot, a remporté les Cantonales en 1985 ! Il y avait sans doute des choses à modifier, mais pas au stade que nous avons actuellement sous les yeux. On pourrait décerner au Parti socialiste le titre de meilleur ouvrier charcutier de France pour la découpe de la Charente-Maritime.
• Qu’est-ce qui va changer ?
Prenons la Haute-Saintonge. Les trois cantons du Sud, Montlieu, Montguyon et Montendre, composeront désormais le seul canton de Montendre. Soit 50 km entre la commune la plus au Nord et celle qui est la plus au Sud, La Barde. Ce canton sera énorme. Jusqu’à présent, chacun de ces trois cantons dispose, entre autres, d’un collège et d’une gendarmerie. Les communes qui ne seront plus chefs-lieux de canton vont perdre 15 % de leurs dotations. L’organisation va s’en ressentir. En mauvais état, la gendarmerie de Montlieu ne sera pas reconstruite puisque Montlieu ne sera plus chef-lieu de canton. Il y aura aussi une influence sur l’organisation des services publics de l’État, Sivom, Sivos qui gèrent des équipements sur une base cantonale, sans compter les associations sportives ou caritatives. Tout un maillage va s’étioler. Le canton de Jonzac sera également un vaste canton avec Archiac, une partie de Mirambeau et de Saint-Genis. À Pons, Daniel Laurent préfère garder une note d’humour : son canton aura désormais accès à l’estuaire. Il aura vue sur la mer par la commune de Saint-Bonnet sur Gironde ! On s’aperçoit que les efforts déployés pour mettre au point une intercommunalité de qualité n’ont pas été pris en compte partout dans ce découpage. Je pense en particulier à un canton « balafré », celui de Thénac qui comprend du Saintes, du Pons et du Gémozac. Il est à cheval sur trois intercommunalités, la CDA de Saintes, la CDC de la Saintonge Viticole de Gémozac et la CDCHS. Les communes qui se retrouveront dans un canton, en appartenant à une structure intercommunale différente, vont certainement rencontrer des situations compliquées. À Royan, le découpage datait des années 70 où la ville avait été coupée en deux. Maintenant, Saint-Palais sur Mer part à La Tremblade et Vaux est avec Royan et Saint-Georges de Didonne. On aurait pu faire une entité urbaine autour de Royan. Saint-Georges a, en effet, des liens avec Meschers. Or, Meschers est désormais chef-lieu de canton tandis que Semussac rejoint Saujon. C’est vraiment quelque de chose de bizarroïde, toutes ces additions faites par le PS pour obtenir la majorité.
• N’irait-on pas vers un redécoupage des circonscriptions législatives ?
On peut le penser. Le changement des circonscriptions est en arrière-plan. Le découpage des cantons révèle la volonté de briser la légitimité des élus actuellement en place. De plus, les conseillers départementaux seront deux sur un même canton. En compliquant le travail des élus, on va affaiblir les départements. Ils devront jongler avec différents interlocuteurs. Cela ne va pas simplifier la vie publique. L’application de ce nouveau découpage aura lieu en 2015 pour les élections départementales, prévues en même temps que les élections régionales. Toutefois, il n’est pas exclu que le Gouvernement, en raison des sondages effroyables qu’il recueille, puisse les repousser à septembre 2015. Dans ce cas-là, il faudrait légiférer et je ne suis pas sûr que le Conseil constitutionnel accepte. Le paradoxe serait alors que nous votions sur les anciens cantons plutôt que sur les nouveaux si la loi n’est pas adoptée…
• Quelles actions allez-vous mener ?
Les 472 maires de Charente-Maritime sont invités à délibérer avec leurs conseils municipaux et à donner un avis avant la date du 24 janvier où aura lieu la session extraordinaire du Conseil général. Ils participeront à cette réunion en présence de Mme le Préfet chargée de recueillir les différentes réactions. Les conseillers généraux, dont les cantons seront supprimés, vont réunir leurs maires et des conférences de presse seront organisées. Nous allons faire du contentieux administratif et saisir le Conseil d’État - section de l’Intérieur - pour lui indiquer que ce découpage ne nous paraît pas cohérent. Il s’agit de pré-contentieux. Ensuite, Conseil général, conseillers généraux, maires, citoyens qui le veulent et associations, nous n’hésiterons pas à attaquer le futur décret devant le Conseil d’État. Il pourrait y avoir plusieurs centaines de recours. La mobilisation sera très forte la semaine prochaine et après les fêtes, elle montera en puissance pour la session de janvier. Nous allons naturellement nous battre contre ce découpage injuste. Ce qui me choque, c’est qu’on veut créer un Conseil départemental à majorité urbaine en faisant fi de la ruralité. Le Conseil général a toujours été le défenseur des petites communes. Il ne pourra plus jouer ce rôle de redistribution envers les localités les moins bien loties.
Dominique Bussereau : « L’astuce de ce découpage consiste à mettre en rivalité sur un même canton Daniel Laurent, Bernard Louis Joseph et Jacky Quesson par exemple. Idem à Saint-Jean d’Angély ou à Montendre avec Bernard Lalande, Thierry Julien et Francis Savin ».
POINTS DE VUE
• Chantal Guimberteau, conseiller général UMP d’Archiac
En ce qui concerne le périmètre du nouveau canton, il n’y a pas de véritable bouleversement en ce sens où toutes les communes appartiennent à la Communauté de communes de Haute-Saintonge et que le canton d’Archiac n’a pas été partagé en deux. Le problème, c’est bien sûr qu’Archiac va perdre sa position de chef-lieu de canton et que l’existence du SIVOM puisse être remise en cause. En effet, il a en charge des installations cantonales. Qui pourra se substituer à lui si ce n’est la CDCHS dont le rôle n’est pas de financer le fonctionnement, comme le préconise le président Belot. D’ailleurs, si nous avons pu conduire à bien de grands projets, c’est précisément parce que la CDCHS privilégie l’investissement. Assumer de nouvelles charges ne pourra qu’entraîner une hausse de la fiscalité locale, ce que ne souhaitent pas les contribuables. Cette nouvelle délimitation des cantons va entraîner des bouleversements, ne serait-ce qu’à l’échelon des associations cantonales et plus simplement des en-têtes de lettres qu’il faudra réactualiser…
• Jean-Claude Beaulieu, conseiller général UMP de Jonzac
Cette manœuvre n’a qu’un seul objectif : faire disparaître les départements ». Si le nouveau canton de Jonzac ne connaît pas de grand bouleversement, je trouve totalement débile que deux élus soient chargés d’administrer les futurs cantons. Pour que les choses soient efficaces, il faut une seule unité de commandement. Comment ces élus définiront-ils leurs rôles ? Il est évident qu’ils devront être sur la même longueur d’ondes pour cohabiter. Pour moi, ce tandem homme/femme peut générer des conflits potentiels. Ils devront se respecter si l’on veut que le canton soit efficacement représenté. Par contre, je me réjouis de l’arrivée des femmes en nombre égal avec les hommes et je pense qu’elles devraient être plus nombreuses à l’Assemblée Nationale où elles ne sont que 17 %. Les concepteurs de ce découpage avancent des arguments de simplification, de répartition géographique, mais la manière incohérente dont le dispositif a été mis en place suscite des interrogations. De plus, dans certains cantons, on ne tient pas compte des intercommunalités et des réalités du monde rural en particulier. Tout cela est triste et navrant, voire irritant.
• Jacky Quesson, conseiller général DVD du canton de Saint-Genis : «Nous allons nous battre »
J’ai une réaction de dégoût. Les cantons de Mirambeau et Saint-Genis sont victimes d’un découpage farfelu alors qu’ils auraient pu tout simplement être réunis. Que dire quand on voit que Saint-Sigismond de Clermont va rejoindre Jonzac et que Courpignac, qui est proche de Montendre, sera à Pons ? On se moque de nous. Cette carte détruit un siècle d’organisation territoriale. Que vont devenir les chefs-lieux qui seront supprimés ? Ils vont perdre des dotations. Or, ils doivent s’occuper de leur collège à moins que la Région assume cette fonction à l’avenir. Deux millions d’euros ont déjà été supprimés qui étaient versés aux petites communes. Nous devons également prendre en charge la réforme des rythmes scolaires. Des bilans ont déjà été établis : à Châtelaillon par exemple, il faudra dépenser 20 000 euros pour l’année et Chantal Guimberteau a estimé que sur le RPI d’Arthenac, chaque enfant coûtera 300 euros. Sans compter les transports scolaires qui sont assurés par le Conseil général. Du côté des structures syndicales, le Sivom de Saint-Genis, qui s’est réuni lundi après-midi, va voler en éclat et je ne donne pas cher du Sivu. Vraiment, on ne s’attendait pas à un tel chambardement. Jusqu’à présent, sur la Haute-Saintonge, huit conseillers généraux portaient la parole du monde rural, ils ne seront plus que six. Les aides, qui atteignent 70 % pour le monde urbain, vont s’accentuer au détriment des petites communes. Je me bats aux côtés de Dominique Bussereau et de Claude Belot depuis des années pour dynamiser le tissu rural. Puisque tout va changer, je n’ai plus rien à faire au Conseil général ! Cela m’importe peu que je ne puisse pas me représenter au conseil départemental en 2015. Je ne pense pas à moi, mais aux habitants que j’aide au quotidien. Nous allons nous battre, mais il s’agit d’un décret. Dans ce cas-là, serons-nous entendus ?
• Bernard Lalande, conseiller général PS de Montendre
Je pense que le débat sur le découpage électoral des cantons n’est pas le sujet prioritaire des Charentais-Maritimes en cette fin d’année 2013. Ils demandent plutôt à leurs élus de consacrer toute leur énergie à autre chose que des querelles partisanes. Pour ma part, j’ai déserté le parti de la mémoire courte, Monsieur Sarkozy souhaitait la suppression des cantons.
• Francis Savin, conseiller général UMP de Montguyon
Les gens de Montlieu et de Montguyon ne veulent pas être rattachés au canton de Montendre. Cette idée les affole ! Qu’ils soient de gauche ou de droite, ils trouvent ce nouveau canton extravagant. Nous allons tout faire pour faire entendre notre voix auprès du Ministère. Une rencontre aura bientôt lieu avec les maires.
• Thierry Jullien, conseiller général PS de Montlieu- la-Garde
Concernant le nouveau canton de Montendre qui réunit ceux de Montendre, Montlieu-la-Garde et Montguyon (les trois Monts) ce sont des cantons qui se ressemblent au niveau du bassin de vie, de la proximité bordelaise, des besoins des gens etc. Il y a une cohérence sur ce territoire.
• Bernard Louis-Joseph, conseiller général de Mirambeau
Le canton de Mirambeau va disparaître. Pour moi, c’est la mort du monde rural car historiquement, le chef-lieu de canton est la référence. Le risque, c’est de voir des services comme la perception, les pompiers, les gendarmeries, être centralisés au niveau du nouveau chef-lieu de canton, c’est-à-dire Pons qui aura désormais un port, Vitrezay ! Je crains aussi c’est que cela produise des élus professionnels sans contact avec le terrain. Pons aura désormais un port… celui de Vitrezay !
• Loïc Girard, conseiller général de Gémozac
Je pense que le choix de Meschers comme chef-lieu n’est pas définitif et pourra être modifié. L’association des cantons de Cozes et Gémozac ne me semble pas incohérente au regard de l’état démographique. Nous allons voir baisser nos dotations générales. Gémozac c’est 89 000 euros de dotation de solidarité rurale.
• Daniel Laurent, conseiller général UMP de Pons
Tout d’abord, je trouve anormal que les élus n’aient pas été consultés, à commencer par les maires. On nous place devant le fait accompli. Ce découpage est scandaleux. Que Pons englobe Saint-Bonnet et Courpignac se passe de commentaires. Et que dire des communes de Brives, Salignac, Pérignac et Coulonges qui dépendront du nouveau canton de Thénac, tout en appartenant à la Communauté de communes de Haute-Saintonge. C’est incohérent. Je vais réunir les maires pour que nous fassions le point et puissions exprimer nos doléances. J’ai eu certains d’entre eux au téléphone, ils sont remontés comme des pendules ! Les territoires vont en pâtir. Le but de cette stratégie est de permettre à la gauche de prendre les rênes du département. Il est évident que la représentation va changer. Déjà, des conseillers généraux ont compris qu’ils ne pourraient pas se représenter faute de cantons. Personnellement, je suis favorable à la parité qui enrichit le débat démocratique. Nous allons nous battre contre les apparatchik politiques, dont fait partie Fabienne Dugas Raveneau, pour faire entendre notre voix jusqu’au Ministère.
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