dimanche 25 janvier 2009

Tempêtes 1999 et 2009 : Toute ressemblance n’est pas purement fortuite…


Samedi soir, les Saintongeais ne cachaient pas leurs inquiétudes : une grande tempête était annoncée et de mauvais souvenirs leur revenaient en mémoire. Allaient-ils revivre la catastrophe du 27 décembre 1999 ? Les services météorologiques semblaient l’annoncer.
Surgissait en eux l’angoisse de cette fameuse nuit qui les décoiffa littéralement, pour employer une formule amusante, ce qui fut loin d’être le cas !
Sur la carte, la Charente-Maritime était classée en zone orange et non rouge : malgré tout, la peur grandissait dans les esprits. On se rend compte aujourd’hui à quel point cet ouragan a laissé des traces, pour ne pas dire des « traumatismes ».


Vers 3 heures du matin, en effet, les premières rafales fortes ont sorti du lit un grand nombre d’habitants qui s’attendaient au pire : on ne maîtrise pas ces réactions-là quand une situation semblable s’est déjà produite. Grâce à internet, et surtout aux images satellite, ils ont pu suivre l’évolution de la tempête (enfin, pour ceux qui avaient encore l’électricité).
Ce fut donc une nuit pleine d’agitation, avec le spectre d’un « remake » douloureux. Le lendemain, le vent piqua une nouvelle colère en milieu de matinée, mais globalement, et malgré des arbres tombés et des toitures chahutées, la région a échappé au pire. Les premiers reportages télévisés, par contre, ont montré l’ampleur des dégâts dans tout le Sud Ouest et en Espagne.
Pour beaucoup d’entre nous, ces événements rappellent ceux de 1999. A cette époque, j’avais publié l’article qui suit. D’actualité, il semble s’adresser à tous ceux qui subissent cette traversée du désert qu’est un ouragan. Courage, bientôt l’électricité et l’eau reviendront, les routes seront déblayées, les pompiers, les militaires et des équipes de professionnels – parfois venues de loin – permettront aux habitants de retrouver une vie normale. Enfin, pas tout à fait, car l’environnement a été saccagé et avec eux, les plus beaux arbres et les grandes pinèdes landaises. Rien ne sera plus jamais comme avant : les forêts mettent du temps à renaître et, en Haute Saintonge, certaines parcelles n’ont jamais été nettoyées, dix ans après. Les stigmates sont encore visibles.
Fort heureusement, il reste la solidarité et dans ce domaine, Les Français ont un cœur gros comme ça…



C’était dans l’horreur d’une profonde nuit...

Tempête de décembre 1999 en Saintonge
Rappelez-vous : toute ressemblance avec des faits existants n’est pas purement fortuite…



Hécatombe, cataclysme, voire apocalypse, les mots ne manquent pas pour décrire ce que la Charente-Maritime et la région de Haute -Saintonge ont vécu dans la nuit de lundi à mardi passés. «C’est bien plus que la tempête annoncée par météo France» soulignent les personnes âgées qui ne se souviennent pas avoir vécu pareilles intempéries. Ils mentionnent la tornade de 1934 et les vents violents d’Hortense, il y a une douzaine d’années, mais ces caprices du temps n’étaient rien comparés au dernier épisode en date.
Aujourd’hui, on peut réellement parler de désastre et c’est pourquoi le plan Orsec a été déclenché. Qui pouvait imaginer que les bourrasques approcheraient les 200 km/h à certaines heures de la nuit ? C’est pourquoi, au petit matin, on ne comptait plus les arbres tombés sur les routes et bâtiments, les toitures envolées ou endommagées, les cheminées descellées. Les tuiles jonchaient le sol tandis que les belles pinèdes du Sud Saintonge semblaient avoir été déchiquetées par la main du destin.
D’une rare violence, les rafales ont “anéanti” conifères, chênes et autres fiertés environnementales. Selon les estimations, la forêt située en dessous de Montendre a été détruite à 80%. Les cantons de Montlieu, Montguyon et Saint Aigulin ont été particulièrement touchés. Les alentours du bassin ludique de la cité des Pins, dont le cadre verdoyant était un atout, ne sont plus qu’un vaste champ de bataille.


Raz-de-marée dans l’estuaire de la Gironde

À ce triste constat, il faut ajouter le marais bordant l’estuaire de la Gironde. «C’est affreux» constataient mercredi après midi Christian Leyrit, préfet, Claude Belot, président du Conseil Général et Guy Mascrès, sous-préfet de Jonzac, après avoir survolé cette zone en hélicoptère. Le marais n’est plus que désolation. D’après les témoignages recueillis, un raz-de-marée a recouvert toutes ces parcelles, surprenant les gens dans leurs habitations et les animaux dans leurs enclos. Le niveau de l’eau de la Gironde se serait subitement élevé de deux mètres.


Conséquence, les fermes isolées sont encerclées par les eaux avec toutes les retombées qui en découlent (manque d’eau potable, approvisionnement). La centrale nucléaire de Braud Saint Louis a également été touchée. Dans les petits ports, habituellement si pittoresques, certains bateaux ont été poussés à un kilomètre à l’intérieur des terres. Un adolescent de treize ans, Thomas Texier demeurant à Ambarès, parti chasser à la tonne avec un ami, Jacques Giraud, a perdu la vie. Pourquoi est-il sorti alors que la prudence était conseillée ? La question reste posée. Plusieurs autres personnes ont également été victimes de cette nuit tragique dont un habitant de Réaux et un pompier de Gémozac, André Roland dont les obsèques ont été célébrées jeudi après-midi.
Sur la côte, la ville de Royan a été sévèrement touchée ainsi que le front de mer de Saint-Georges de Didonne. A Chaniers près de Saintes, les serres Maguy ont été détruites. Le préjudice est estimé à 6 MF. Un élevage de lapins a également souffert, les structures s’étant effondrées sur les animaux.
Les dégâts sont énormes... et personne n’a été épargné. A Jonzac, des arbres ont anéanti le monument élevé à la mémoire de Pierre Ruibet et de Claude Gatineau au Jardin public. La liste est longue...


80% de la forêt détruite

Il faut bien se rendre à l’évidence : ce pays n’est pas préparé à faire face aux catastrophes naturelles. Chaque commune a fait avec les moyens du bord et remercions tous ceux qui, aux côtés des professionnels (pompiers, gendarmes, bénévoles) ont apporté leur aide spontanée. Des renforts envoyés par l’armée (USC de Brignolles) sont arrivés, mais leur nombre reste modeste.«Il y a tant d’arbres sur les routes que nous ne pouvons pas être partout» reconnaît l’un des responsables de la caserne de Montendre : sur 254 appels, seuls 35 avaient été traités jeudi matin et pourtant, personne n’a chômé. «Nous opérons par priorités. D’abord les secours aux personnes en difficulté, certaines logent actuellement à la maison de retraite, puis les maisons endommagées, les arbres obstruant la voie publique. Il y a tellement de travail que je ne sais pas si nous en verrons le bout».
La situation est identique à Jonzac où une cellule de crise a été installée dès lundi soir. Élus, représentants de l’Etat, DDE, Pompiers, Gendarmerie, services EDF ont fait régulièrement le point. Durant cette nuit de cauchemar, 700 “naufragés de la route” ont trouvé refuge dans la capitale de la Haute Saintonge ainsi que dans plusieurs établissements tels que le restaurant le Vieux Logis, à Clam. Les gens erraient, terrorisés dans la majorité des cas.
L’une des premières tâches des pompiers a été de dégager les accès de la ville de Jonzac, l’hôpital n’étant plus accessible en raison d’arbres tombés. En rentrant de la Rochelle, Claude Belot a vu les premiers peupliers du pont d’Usseau, à Marignac, tomber sur la route «les uns après les autres. C’était impressionnant. Entre Pons et Jonzac, je roulais à 35 km/h alors qu’entre la Rochelle et Rochefort, on circulait plus facilement. Dans l’après-midi, les prévisions annonçaient des vents soufflant à 120 km/h, 140 km/h. C’était en dessous de la réalité. La Haute Saintonge est l’une des zones les plus éprouvées du département». Mardi matin, après ce véritable ouragan (n’ayons pas peur du terme), la région s’est réveillée sans électricité, sans eau et sans téléphone. Revenus en plein XIXe siècle, de nombreux habitants se demandaient ce qui leur arrivait, constatant l’état de la toiture (quand celle-ci ne s’était pas envolée), les murettes effondrées, les jardins saccagés, le pire en quelque sorte. «On nous parlait d’apocalypse pour l’an 2000, nous y sommes» soupiraient les pessimistes.


Les commerçants, quant à eux, ont dû fermer leurs boutiques. Les plus organisés, disposant d’un groupe électrogène, ont repris leurs activités dès mercredi. Le boulanger par exemple. Quand le pain est là, le moral revient. Dès que les magasins ont rouvert leurs portes, ce fut la ruée sur le pétrole (pour les lampes et appareils de chauffage), les piles, les bougies, les bouteilles de gaz et l’essence. D’autres préférèrent acquérir une tronçonneuse (il y a des branches à couper). Bref, quand le progrès fout le camp, une cheminée apporte de la chaleur et un butagaz permet de cuisiner !
Restait le problème de l’eau rendant la douche quotidienne impossible. Heureux étaient les possesseurs de puits, ils ne furent pas obligés d’acheter de l’eau minérale. La morale de l’histoire est que toute panne d’électricité provoque une véritable panique : la « fée » est présente partout, y compris dans le fonctionnement des châteaux d’eau et des chaudières...

Certains villages ne retrouveront
l’électricité qu’en l’an 2000

Actuellement, la grande question est de savoir quand reviendra l’électricité, source de tous les conforts. Une partie de Montendre, dont les câbles sont enterrés, a revu la lumière dès mercredi. En soirée, les illuminations de Noël étaient présentes. A Jonzac, les équipes ont mis les bouchées doubles pour que les foyers puissent être dépannés, mais ce fut l’échec dans la nuit, contrairement à Montguyon et à Pons. Finalement, après le montage d’une ligne, elle est revenue jeudi vers 16 heures au grand soulagement de la population. Ces bonnes nouvelles ne concernent que les cœurs de villes. Les alentours, quant à eux, sont toujours dans l’obscurité. «Les services EDF sont intervenus dès lundi matin pour dresser un état de lieux» souligne M. Pontégnie, responsable de l’agence de Haute Saintonge. La veille, dimanche, la “petite” tempête avait provoqué une dizaine d’incidents qui avaient été réglés en fin de journée. Le lendemain, l’ampleur était différente ! «Nous ne sommes pas sortis durant la nuit en raison du danger et parce que nous ne pouvions rien tenter face aux éléments». Que faire, en effet, quand le vent souffle à 190 km/h ?



Face aux troncs qui étaient légion sur les chaussées, la visite du réseau s’est faite à pied dans un premier temps. Un relevé a été effectué sur Jonzac et ses environs. Suivirent les secteurs de Montendre et de Pons. Par la suite, les hélicoptères permirent “d’apprécier” l’étendue du désastre dans le sud du département. Un pylône de 90.000 volts y est tombé, sans compter des lignes moins importantes, mais néanmoins essentielles (les lignes moyenne tension de 20.000 volts et celles de basse tension de 220 volts) : « 60% du réseau est par terre » constate M. Pontégnie. Aux côtés des personnels EDF et de la DDE, des entreprises spécialisées (AEL Montguyon, Lacombe, Sobeca) ont répondu présent, sans oublier des militaires d’Angers, de Montpellier, du Morbihan et des professionnels venant des pays de la Communauté européenne, Espagne, Belgique, Angleterre et Allemagne. Il faudra six mois avant que les choses ne redeviennent comme avant : certaines communes ne renoueront avec le progrès qu’après l’an 2000. Ne nous leurrons pas, les villages les plus éloignés pourront même attendre jusqu’au 15 janvier...
Le président d’EDF, M. Roussely, devrait se rendre en Charente-Maritime, au poste d’Arvers, dans un proche avenir. Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que la situation se rétablisse rapidement.
Quels enseignements tirer de cette tempête ? Que l’homme n’est rien face à la nature et aux éléments, des vérités premières qu’il a parfois tendance à oublier en jouant les apprentis sorciers. Sans tomber dans les folies de fin de siècle qui voient en ces excès un châtiment céleste, il serait bon que les pouvoirs publics s’organisent mieux en cas de force majeure, avec une exactitude des informations données au public. En effet, la marée noire annoncée pour l’Ile de Ré est finalement partie en Bretagne et ce qui devait être une simple tempête s’est transformé en ouragan.


Enfin, les « bidasses » mobilisés à Paris - au cas où il se produirait des incidents le 31 décembre – auraient été plus utiles dans les départements sinistrés. Où se trouve la logique ? Les maires ne peuvent, à eux seuls, résoudre l’ensemble des problèmes.
En attendant, et pour finir avec le sourire (c’est important), permettez-moi, chers amis lecteurs, de vous souhaiter bon courage entre bougies et équipements de crise : ce qui compte, après tout, c’est la vie...

Photo 1 : À Jonzac, du côté du pont de pierre (Pierre-Jean prépare son maillot de bain). Au pont de la Traine, la Seugne touche le parapet.

Photo 2 : À Montlieu, le collège est temporairement fermé.

Photo 3 : Une “mer” entre les Antilles et la sous préfecture. (Photo J.P. Costes)

Photo 4 : 1999 : Port Maubert vient de subir un raz-de-marée.

Photos 5, 6, 7, 8 : Comme à Venise, le confort en moins…

Photo 9 : Les carrelets : leur espérance de vie est d’une dizaine d’années… (photo Christian Clochon)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Thomas Texier, ce soir de décembre 1999, était sorti pour réaliser son rêve. Personne ne s'attendait à un ouragan de cette violence... Il n'y a rien à reprocher à personne.

Dans tous les cas mon Thomas, je ne t'oublie pas. Aux souvenirs de notre enfance passée ensemble. <3 Je t'aime grand frère.