mercredi 7 mai 2025

Saint-Savinien : Depuis 2010, Jean-Michel Méchain écrit dans la pierre l'histoire d'un seigneur parti aux croisades, Benoît d'Agonnay

Près de Saint-Savinien, s'élèvent une chapelle romane, un cloître et plusieurs autres bâtiments sculptés, ornés de symboles, de colonnes et chapiteaux, qui retiennent l'attention...

Le cloître
En souvenir du croisé Benoît d'Agonnay

« J'ai ordonné le chaos de manière artistique » plaisante Jean-Michel Méchain. Médusés et admiratifs, les visiteurs découvrent au milieu des bois une chapelle, un cloître, un abri pour les pèlerins, une tour qui abritera un futur baptistère et une entrée en construction dotée d'un arc en plein cintre. S'agirait-il d'un ancien prieuré témoignant d'une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ? Certes, il a bien existé sur la paroisse d'Agonnay près de Saint-Savinien, mais il n'en reste rien sinon qu'il était situé à quelques encablures. Attentif à cette histoire, Jean-Michel Méchain s'est transformé en bâtisseur et a construit, pierre par pierre, un véritable ensemble au fil des années. Structure qu'il a pensée, créée et qu'il confie à l'éternité et au croisé du XIIIe siècle, Benoît d'Agonnay, dont la statue accueille le visiteur au bord du chemin...

L’ancien colonel de gendarmerie a fait siens les outils des compagnons au milieu desquels trône l’élément premier, la pierre. Solide et prometteuse. Il la taille, la sculpte et lui parle latin quand le cœur lui en dit. Cette construction, c’est son œuvre, un témoignage de l'histoire qu’il léguera à la postérité. Une quête personnelle qu’il conduit avec passion sans demander un denier à la collectivité. 

Une aventure hors du commun

C’est une belle aventure que raconte Jean-Michel Méchain. Après une carrière militaire bien remplie entre Guyane et Kosovo, il est revenu dans son département natal, la Charente-Maritime. Retraité, il a posé ses valises à Saintes où il a renoué avec le passé. Ses racines familiales se trouvent en Saintonge, près de Saint-Savinien. «  Quand j’étais enfant, mon père prétendait qu’un souterrain partait du château d‘Agonnay pour rejoindre une mystérieuse chapelle  » se souvient-il. De quoi susciter sa curiosité ! Il n’a jamais oublié cette histoire énigmatique qui est restée gravée dans sa mémoire. Il se penche alors sur la fameuse légende. Quelle est la réalité historique ? Il consulte les archives et effectue des recherches du côté d’Agonnay, près de Saint-Savinien, commune où plusieurs parcelles portent le nom de "chapelle". Pas de doute, elle a existé, mais elle a disparu. Où était-elle ? Il a bien une petite idée. Un jour de novembre, alors qu’il arpente un champ, une heureuse fortune le place face à une monnaie qui l’intrigue. «  Par la suite, j’y ai collecté des tessons de poterie blanche que j’ai montrés à Éric Normand, archéologue de la Drac. Il a fait une déclaration de découverte de site. La grande chapelle se trouvait là, sur un emplacement signalé par une sorte de tertre  ».

Jean-Michel Méchain est ému par cette découverte. Évidemment, il ne voit aucun souterrain (le château d’Agonnay est trop éloigné), mais l’édifice religieux dont lui parlait son aïeul est enfin localisé.

Les travaux de la chapelle ont commencé en 2010

L'intérieur de la chapelle construite par J.M. Méchain éclaire une page de l’histoire locale
La tour qui abritera le baptistère

Le vœu de Benoît d’Agonnay

Jean-Michel Méchain se met alors en quête : Qui a fait construire le monument ? «  J'ai cherché activement » avoue-t-il. Des documents intéressants le conduisent à la conclusion suivante : Benoît d’Agonnay, envoyé à la Septième Croisade en 1248 par son suzerain Geoffroy de Rançon, seigneur de Taillebourg, en est le fondateur. Fait prisonnier par les Musulmans, il avait fait un vœu à la Vierge Marie : «  S’il survivait et retrouvait sa terre natale, il ferait construire une chapelle dans le secteur dit du Puy Gauthrel  ». Dont acte. Édifiée vers 1255, elle est confiée aux moines du prieuré de Saint-Savin de Taillebourg, lequel dépend de l’Abbaye de Saint-Savin de Gartempe, près de Poitiers. Par la suite, le domaine, d’environ 85  hectares, est ravagé par la guerre de Cent ans et les Guerres de religion. Il finit ruiné. La mémoire s’estompe peu à peu.

C’est précisément parce qu’il est un ardent défenseur du patrimoine que Jean-Michel Méchain a souhaité raviver le souvenir de cette chapelle au passé particulier. Et quoi de plus symbolique que d'en construire une nouvelle ? Un sacré défi à relever !

Pour y parvenir, il acquiert un bois situé non loin de l'emplacement initial de l'édifice (400 mètres environ). Son projet « ériger, à ses frais, une petite structure en souvenir du lieu de culte  » devient peu à peu réalité au milieu de la clairière. Des années et des années de travail, quel que soit le temps ! Fondations, murs, sculptures, symboles, chapiteaux, vitraux. L’ensemble prend forme... et réalité. Dans la région, l'initiative surprend avant de convaincre.

« Les gens viennent ici sans que je fasse la moindre publicité » souligne Jean-Michel Méchain qui poursuit son "chemin spirituel" à travers la création. Les visiteurs sont à la fois surpris et enthousiastes. Certains s'assoient et regardent, d'autres posent des questions sur cette réalisation. Celle qui revient le plus souvent est « comment avez-vous fait ? ». Des objets religieux (prie-Dieu, statues, livre de messe, icône, etc) offerts par des privés à la chapelle, l'ornent de bienveillance. Chaque année depuis 2010, le site prend de l'ampleur et bientôt, il accueillera un baptistère. L'entrée, jusque-là très discrète et champêtre, se fera par une arche officielle. 

Jean-Michel Méchain s'active sans faire de bruit, mais la renommée du site le précède : la chapelle du "Pied Gautru" et ses dépendances sont connues. Elles sont gardées par un croisé sculpté par Alain Tenenbaum dans la pierre de Thénac, chère à Bertrand Arcadias. 

Sculptures ornant la chapelle
 Jean-Michel Méchain travaille à la main, sans outil électrique
Claustra et vitrail


• Jean-Michel Méchain a publié un ouvrage très documenté sur le serment d’Agonnay et la chapelle de Pied Gautru aujourd'hui disparue. Au XIIIe siècle, elle résultait d’un vœu, celui d’un Croisé fait prisonnier et revenu au pays.

• Jean-Michel Méchain à la tâche. « Je n'ai fait que regrouper des pierres » dit-il. Soit, mais ce n'est pas à la portée de tout le monde !

L'ensemble est œcuménique. Ici, un symbole protestant
  
• Le carré Sator est un carré magique contenant le palindrome latin SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS (groupe de mots qui peut se lire indifféremment de gauche à droite ou de droite à gauche en gardant le même sens). Ce carré figure dans plusieurs inscriptions latines (la plus ancienne à Pompéi). L'énigme formée par le sens de cette inscription a intrigué de nombreux savants.


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