jeudi 15 juillet 2021

Portrait/Philippe Deblaise : Une double passion pour les chevaux et l’histoire

Parmi les prix qui seront remis en octobre prochain par l’Académie de Saintonge, Philippe Deblaise sera primé pour son dernier ouvrage  « Moi, Nicolas Jenson, libraire à Venise en 1470 » paru aux éditions Le Pythagore. Rencontre avec cet écrivain qui possède plusieurs cordes à son arc. A Saintes, il possède la librairie Philippica, spécialisée dans la vente d'ouvrages anciens traitant du monde équestre

La librairie Philippica propose deux catalogues par an environ. Ecrivain, expert en ventes publiques, Philippe Deblaise collabore à des revues spécialisées
concernant le monde du cheval.

C’est toujours un plaisir de se rendre à la librairie Philippica située à l’angle de la rue des Jacobins. Maison à colombages, l’une des plus anciennes de la ville, comme un arrêt sur image dans le temps d’avant. Cette sensation de côtoyer l’invisible à travers l’empreinte des siècles se ressent également à l’intérieur de la demeure. Pleine de charme, la maison a conservé son escalier à vis et les fenêtres sont ornées de vitraux. Au dehors, l’artère piétonne, qui regarde la cathédrale Saint-Pierre, grouille de promeneurs enfin libérés du confinement. 

Philippe Deblaise nous accueille dans son univers où les rayonnages flirtent avec des objets insolites. Chacun est un témoignage, un caillou semé sur le chemin de la connaissance. La librairie qu’il anime ne vend que des livres concernant le cheval, l’équitation et tout ce qui gravite autour : c’est là que réside son originalité. Le temps se serait-il arrêté au XVIème siècle où le premier traité relatif à l’art équestre fut imprimé en Italie ? Après tout, pourquoi pas ? La librairie Philippica propose à ses lecteurs bon nombre d’ouvrages, anciens en particulier, qui apportent un éclairage sur la plus belle conquête de l’homme et l’équitation. Les ventes ont lieu par correspondance et sur internet. 

Ce choix n’est pas le fruit du hasard…

Viticulteur, Philippe Deblaise élève des pur-sang arabes depuis des décennies. Il en parle avec un enthousiasme communicatif. Et pour cause, il connaît le sujet sur le bout des doigts et l’histoire de la jumenterie Tiaret, en Algérie, n’a plus de secret pour lui : « ils sont endurants, possèdent une excellente morphologie, récupèrent vite après l’effort ». Et leurs résultats sont excellents ! L’une de ses juments, par exemple, a participé au championnat du monde d’endurance à Pise. Ces chevaux appartiennent à son quotidien. Une passion qu’il partage avec ses fils et sa famille.

Histoire de la jumenterie de Tiaret en Algérie par Philippe Deblaise

Le monde des livres et l’écriture représentent son autre jardin secret : « Le premier livre imprimé, consacré uniquement au cheval, est un incunable paru entre 1486 et 1490 à Rome chez Eucharius Silber. Son auteur est Laurentinus Rusius - Laurent Ruse - qui l’a rédigé vers 1340. Ce petit in quarto, d’une centaine de feuillets, précède les ouvrages connus sur le thème du cheval et l’art vétérinaire. L’apparition de l’imprimerie a favorisé un foisonnement intellectuel avec la publication de textes nouveaux. Les sciences du cheval ont alors suscité des vocations qui se sont traduites par deux lignes éditoriales distinctes, les soins aux chevaux, dits de mareschalerie, et l’écuirie qui comprend entre autres le dressage » souligne-t-il. 

Par la suite, les publications se sont succédé. Parmi elles, figurent la méthode d’équitation de François Baucher, un essai théorique et pratique sur la ferrure de Claude Bourgelat, les chevaux du Sahara de Daumas, le manuel hippiatrique de Philippe Etienne Lafosse, l’historique de l’équitation française de Jochaud du Plessix, le manège royal d’Antoine de Pluvinel, sans oublier des manuels étrangers dont le tenir en selle et « Great books on Horsemanship » de Johan Dejager qui en a signé l’introduction, suivie de quatre essais. Elisabetta Deriu fait le point sur les connaissances équestres en Europe aux XVIe et XVIIe siècles ; Bernard Clerc détaille les travaux de médecine vétérinaire équine aux XVIIe et XVIIIe siècles ; Thierry d’Erceville explique le développement des cavaleries militaires aux XVIIe et XVIIIe siècles et Tim Clayton dépeint le cavalier dans la peinture, le dessin et les estampes.

Le grand livre référence de Jean Dejager sur l'équitation

Que le cheval soit un centre d’intérêt est compréhensible. Proche des hommes, il l’a accompagné durant des lustres dans ses déplacements, ses tâches et jusqu’à la guerre. Depuis les années 1950, époque où de nombreuses races ont commencé à disparaître, les nouvelles technologies et surtout l’automobile l’ont relégué au second plan. Depuis, la place qu’il occupe s’est modifiée, mais elle est toujours privilégiée ! 

Ce monde, Philippe Deblaise le vit intensément et c’est tout naturellement qu’il a publié des livres y ayant trait dont « Gaspard des Chevaux » inspiré de l’histoire de Gaspard de Saunier, contemporain de Louis XIV : « ce roman picaresque, qui a reçu le Prix Pégase, a été écrit par l’un des meilleurs spécialistes de la littérature équestre. L’auteur réunit littérature et pratique des chevaux, un peu comme Gaspard de Saunier qui partagea sa vie entre l’écriture et l’équitation » remarquaient les critiques à sa parution. 

Il choisit également des thèmes plus variés dont « Au sommet des grands pins », paru au Croît Vif et « Le manuscrit de Pignatelli » aux Editions du Rocher qui nous plonge au cœur du XVIe siècle quand se diffuse le calvinisme et éclatent les guerres de Religion. 

Philippe Deblaise en 2009 aux côtés de l’historien Marc Seguin

Son dernier roman "Moi, Nicolas Jenson, libraire à Venise en 1470" publié aux éditions Le Pythagore conduit dans le monde magique de l’imprimerie. Ce personnage, qui a existé, le fascine : « il a inventé la typographie, le caractère "roman" et créé une architecture de la page avec une marge et des interlignes. Premier imprimeur français, il a fait fortune à Venise. Le testament de cet humaniste est conservé à Venise ». 

En octobre, ce livre à découvrir sera primé par l’Académie de Saintonge. 

L'info en plus

• Nicolas Jenson est le premier fondeur de caractères, imprimeur et libraire français. Né à Sommevoire, il est employé à la Monnaie de Tours, puis envoyé à Mayence en 1458 afin d'en rapporter les secrets d'une nouvelle industrie inventée par Gutenberg. Il s'établit ensuite à Venise où il imprime dès 1470 et publie une centaine de textes jusqu'en 1480. Parmi eux, des auteurs antiques tels que Plutarque et Cicéron, des bibles et décrets. 

• L’aventure de Philippe Deblaise, qui partage ses connaissances avec générosité et simplicité, se poursuit. Il pourrait faire sienne la conclusion de Gaspard de Saunier : « j’ai voué mon existence aux chevaux. Je les ai aimés comme peu d’hommes l’ont fait. Je n’en ai oublié aucun et souvent, la nuit, lorsque le sommeil me quitte, ils reviennent me visiter un par un ». La transmission est essentielle : en effet, et même si le monde du cheval se porte bien, « 80% du savoir des maréchaux-ferrants s’est perdu »…

• Parmi les grands cavaliers, figurent les Anglais qui se sont spécialisés dans la course en inventant et codifiant les systèmes de paris. Toutes les sélections qui ont été faites consistaient à obtenir des chevaux plus rapides sur une courte distance, des sprinters en quelque sorte. 

• Librairie Philippica, 1 rue des Jacobins à Saintes, 05 46 94 23 34 - www.philippica.net

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