Entretien avec Frédéric Salat-Baroux, auteur du livre « De Gaulle, Pétain : Le destin, la blessure, la leçon » paru chez Robert Laffont.
Frédéric Salat-Baroux, pourquoi vous intéressez-vous particulièrement à la Seconde Guerre Mondiale ?
Dans les périodes les plus tragiques de l’histoire, et celle-ci est sans doute la plus tragique de l’histoire de France, les fondamentaux se révèlent à la fois sur les caractères, les valeurs, les institutions et tout ce qui fait notre identité. C’est une loupe amplificatrice qui garde une résonance forte par rapport à notre actualité. Cette Seconde Guerre a été un moment exceptionnel par les messages historiques et contemporains que nous pouvons en retirer.
• On sent bien que vous êtes attiré par le gaullisme. Comment le définissez-vous ?
En effet, je suis profondément attiré par le gaullisme. C’est une doctrine qui ressemble fondamentalement à notre pays, ce n’est pas seulement du pragmatisme. C’est à la fois une conscience de l’histoire de France, de l’identité française et de ses particularités, mais aussi une ambition française par rapport à l’avenir, la fierté d’être français et cette exigence de se projeter dans le futur en faisant les efforts réformateurs pour être à la pointe du progrès.
De Gaulle avait cette double faculté. Il était enraciné dans l’histoire, tout en sachant que l’avenir de la France passerait obligatoirement par les évolutions techniques. S’il était encore vivant, il travaillerait pour que la France ait une place dans la mondialisation.
• Pensez-vous que dans les circonstances actuelles, le gaullisme ait encore un sens puisque plus personne ne semble l’incarner ?
Aujourd’hui, tout le monde se réfère au gaullisme, à droite comme à gauche. Si le gaullisme semble s’être dilué, c’est que sa victoire est totale ! Personne ne remet en cause ce que le Général de Gaulle a fait personnellement en 1940. Il a sauvé l’honneur de notre pays. Chacun lui est reconnaissant.
Personne ne conteste la trace institutionnelle qu’il a laissée avec la Cinquième République. On le sent bien en politique étrangère. Prenez par exemple le discours prononcé par Charles de Gaulle à Phnom-Penh quand il met en garde les Américains quant à leur politique indochinoise. On retrouve une séquence symétrique dans la position de Jacques Chirac quand les USA envahissent l’Irak. En politique étrangère, le Président Chirac est le total héritier du Général de Gaulle.
• Vous parlez beaucoup du redressement français d’Après-guerre. Quels ont été, selon vous, les ressorts de ce redressement ?
Les deux ressorts du redressement de l’Après-guerre sont liés au baby-boom démographique et aux efforts réalisés pour entrer dans une ère de progrès.
Qu’un pays compte un grand nombre de jeunes est source de dynamisme ! C’est l’un des points lumineux des années soixante.
Ensuite, s’y ajoutent les choix faits sous les IVe et Ve Républiques : se porter en première ligne des grands combats de l’industrialisation, de la recherche, du nucléaire, de l’aéronautique ; lancer de grands programmes, explorer l’espace ; se confronter à la compétition industrielle.
Pendant cette période, nous n’avions pas peur de notre ombre ! De nos jours, je ne suis pas sûr que nous ayons le même état d’esprit alors que nous possédons de nombreux atouts dans certains secteurs.
• Vous avez été conseiller d’Alain Juppé à Matignon de 95 à 97. Que pensez-vous de sa nomination au Ministère des affaires étrangères ?
Je pense que c’est une excellente décision. Il a déjà montré qu’il avait de grandes qualités à ce poste. J’ai été son collaborateur et j’ai beaucoup travaillé avec lui dans son association « France moderne ». Il a fondamentalement mûri. Sa vision du monde, de la politique est beaucoup plus riche qu’à l’époque. Sa nomination au ministère des Affaires Etrangères sera positive pour le pays.
• Vous êtes le fils du professeur Jacques Salat-Baroux, l'un des pionniers français de la procréation médicalement assistée. Quel héritage intellectuel vous a laissé cet humaniste unanimement reconnu ?
C’est un héritage immense à de nombreux titres. Il me disait souvent cette phrase « rien ne résiste au travail » et donnait lui-même l’exemple. Il avait une grande culture générale, littéraire, musicale, une finesse psychologique. Il était parmi les meilleurs chirurgiens français, mais il aurait pu être un excellent psychanalyste. Dans les années 80, il a compris que l’avenir de sa spécialité passait par la fécondation in vitro. Il est donc allé vers la voie scientifique qui s’ouvrait et qui serait la plus efficace. Il possédait cette capacité à se remettre en cause pour être à la pointe du progrès technique. Il y avait une autre phrase qu’il aimait prononcer : « il n’y a que les choses possibles qui arrivent ». Il faut chaque jour avancer d’un pas et, au bout du voyage, on a parcouru une longue distance. Quant à mère, elle avait une devise du bonheur : « La vie a beaucoup plus d’imagination que nous ». J’essaie de transmettre ces valeurs à mes enfants.
Propos recueillis par Nicole Bertin
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