lundi 10 mars 2025

Dr Hubert Momo : « Les médias ne sont-ils véritablement que des machines à fabriquer l'oubli ? »

Curé de Montendre de 2014 à 2017, le dr Hubert Momo est aujourd'hui enseignant-chercheur à la Faculté d’Agronomie et Sciences Agricoles de l’université de Dschang, ville historique et universitaire du Cameroun située dans la région de l'Ouest, en pays Bamiléké. Il publie régulièrement des chroniques inspirées de son observation sociale. Dans la réflexion qui suit, il s’interroge sur le caractère éphémère des contenus médiatiques avec des illustrations tirées des dernières actualités du Cameroun. 

Conscient que la transmission de la connaissance est un pilier essentiel de l'évolution, cet homme volontaire et généreux a contribué à la construction de l'école Marceline à Dschang.


« Il y a quelques semaines, l’actualité médiatique et politique a été dominée par les vives controverses autour d’un certain riz de qualité douteuse et à la provenance assez floue. Nos mémoires vives et mêmes celles de nos appareils gardent les souvenirs des polémiques suscitées par ce qui était supposé être une contribution à la lutte contre la vie chère. Il faut dire que dans le domaine, nous sommes passés champion dans l’art des formules ampoulées et des mesurettes que l’on met en place là où on attend des vraies mesures stratégiques et non tactiques. Le pire dans l’histoire, c’est le fait de vouloir et pouvoir médiatiser ces mesurettes qui produisent parfois l’effet inverse. En regardant les longues files d’attente des Camerounais trépignant d’impatience et parfois de colère en attendant la cargaison de riz,  j’ai pensé à ce qui se voit ailleurs : les populations de certaines régions d’Afrique, attroupées pour attendre l’arrivée du convoi de l’aide alimentaire.   

Mais qu’est ce qui n’a pas marché ?

Avec tous ces essais effectifs et productifs de riziculture à Yagoua, Ntonga, Ndop, Koutaba... Comment expliquer que dans un pays où l’on forme des ingénieurs agronomes de beau métal, la courbe de la  dépendance du Cameroun aux importations du riz soit croissante ?   

« En 2022, le Cameroun a importé environ 845 000 tonnes de riz, pour une valeur de 264,4 milliards de FCFA.  Cette tendance s’est poursuivie en 2023, avec des importations de 620 407 tonnes, représentant une dépense de 200,8 milliards de FCFA.  Parmi ces importations, le Cameroun s’est classé troisième importateur de riz thaïlandais en Afrique en 2023, avec 201 000 tonnes ». Rappelons que certains de ces ingénieurs, sans financement public, font des expériences très concluantes sur la riziculture. Comment clore cette évocation sans penser de façon nostalgique à la Soderim de la plaine des Mbos ! Et pourtant, il y avait quoi avant ! La poussière est retombée sur cet autre épisode de la lutte contre la vie chère, la vie continue en attendant le prochain numéro de la gestion de la figure de l’urgence. Tiens, peut-être est-il temps de faire quelque chose pour la bière qui commence  durablement à manquer.

La médiatisation n’est-elle finalement qu’un processus de fabrication de l’oubli ?

Une question qui retrouve une actualité significative si on l’applique à un autre évènement : les éboulements de la falaise de Foreké-Dschang (1). Il y a quelques mois, cette catastrophe a frisé l’emballement médiatique.  Politiques, définisseurs primaires, task force, experts ont multiplié des interventions et des interactions. Les villages environnants ont pris des initiatives pour des voies de contournement avec parfois une posture autoréférentielle.  Où en sommes-nous ? Le seul avantage dans l’affaire, c’est la nouvelle gare des « moto-taxis » qui vont à Santchou. Autrement, silence plat. On n’est pas loin d’une certaine situation que Wolton qualifierait d’"acomunication". Il y a quelques jours, riverains, acteurs économiques, "débrouillards" comme ils se présentent eux-mêmes, ont décidé de trouver un moyen de frayer un chemin par le lieu des éboulements. Le plaisir n’a été que de courte durée puisqu'au nom de l’argument louable de la prudence, le pont de fortune a été défait. Si la prudence est appréciable, le déficit d’information et de communication reste un poison lent qui peut déboucher justement sur "l’acomunication" qui peut dévaler la pente de la défiance. Quand on a devant soi un rideau de silence désespérant, on a envie de le voir s’ouvrir. On veut que les choses bougent.

Pour le cas d’espèce, ce qui se vit à la falaise n’est pas une défiance. Il s’agit plutôt d’une autre manifestation de la communication symbolique, d’un peuple qui se sent abandonné, des populations et acteurs économiques qui voient leurs affaires fondre comme neige au soleil et qui n’ont parfois pour réponse qu’un silence assourdissant. Aucune promesse, aucun mot, ces personnes impliquées ont l’impression que la poussière médiatique est retombée, en engloutissant avec elle leurs rêves et leurs espoirs. Et bientôt il faudra payer les impôts ! ».

Chronique rédigée par Dr Momo Hubert

(1) Falaise de Dschang : des signaux d’un retour à la normale 

Article rédigé par Valdo Siewe

Le 5 novembre 2024, un double éboulement s'est produit à la falaise de Dschang, provoquant un glissement de terrain sur les flancs de la Falaise de Foréké. 

Comme préalablement annoncé par le gouverneur de la Région de l’Ouest, la société chinoise FHEC a été retenue pour les travaux de réhabilitation de la Falaise de Dschang. Le préfet de la Menoua s’est rendu sur le lieu du sinistre afin d’échanger avec les responsables de cette entreprise et surtout pour leur transmettre l’ardent désir des populations qui est le rétablissement de la circulation. Le préfet de la Menoua assure que l’État est à pied d’œuvre pour la résolution de ce problème à la fois préoccupant pour l’économie locale et la cohésion sociale. Par ailleurs, l’administrateur civil dit comprendre les souffrances des populations et de ce fait, invite chacun à être plus prudent et patient face à la complexité du problème. FHEC annonce un début imminent des travaux qui devront tenir compte de toutes les adversités du relief.

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