lundi 6 juillet 2020

Jonzac/Marc Seguin : portrait d’un honnête homme
 spécialiste du XVIe siècle


En ce jour de juillet, le soleil darde ses rayons et les roses, en grappes délicates, célèbrent "Les Plantes". Le lieudit porte un nom prédestiné : la nature y est éternellement belle et généreuse ! En cet endroit paisible, Marc Seguin a élu sa demeure. Surplombant la ville de Jonzac, sa maison, qui fut celle de ses aïeux, est calme et accueillante. Il y puise son inspiration, sa force. Le goût de l’indépendance et de la liberté aussi.
Le passé est cher à cet historien qui marche sur le fil invisible des siècles qui le précèdent. Depuis des décennies, son esprit curieux le conduit à entrer dans les arcades d’un monde où il aurait pu croiser Bernard Palissy et Montaigne. Pour parvenir à comprendre ceux qui, au XVIe siècle, en étaient les acteurs, il a appris à lire la complexe écriture des documents de cette époque. Actes notariés, manuscrits, registres, procédures et arrêts du Parlement de Bordeaux quand l’honorable institution siégeait au Palais de l’Ombrière. Grâce à un travail de paléographe assidu et précis, il a révélé le quotidien de nos ancêtres par des ouvrages, des conférences et des publications, au sein de la Société des Archives historiques de l'Aunis et de la Saintonge en particulier. Ces faits seraient restés dans le berceau de l'oubli sans la détermination de ce chercheur discret, soucieux d'éclairer une période où peu d’érudits s’étaient s’aventurés jusqu’alors.

Passion histoire

Marc Seguin est né à Jonzac où ses parents possédaient une exploitation agricole. « Les Plantes est une ancienne métairie des Comtes de Jonzac depuis le Moyen-Age. Au XVIe siècle, elle appartenait à un capitaine protestant, Jean de Sainte-Maure, qui résidait à Bourg Nouveau où habita des siècles plus tard notre ami Jean Glénisson » explique-t-il. Premier clin d’œil au passé qu'il partage chaleureusement avec ses visiteurs ! Le temps d’avant ressurgit avec, pour repère, le château de Jonzac dont les tours pointent à l’horizon.
De son père, il a hérité son goût pour l’histoire. Petit garçon, il fréquente l’école Saint-Exupéry : « je suis le résultat de l’école publique, laïque et obligatoire ! » dit-il. Enfant, il aurait aimé devenir militaire ou agriculteur et n’imaginait pas se destiner à l’enseignement. Le sort en a décidé autrement. Remarqué par ses maîtres et fort de ses résultats, il rejoint bientôt l’Ecole Normale à La Rochelle aux côtés de son ami Jacques Gaillard, de la même promotion. Avant d’entamer une longue carrière dans l’Education Nationale, le service militaire l’appelle en Algérie où il obtient le grade de sergent. La guerre dans laquelle il est entraîné, et les événements - très durs parfois - auxquels il est confronté forgent sa personnalité. « J’ai assisté à la fin de l’Algérie française. On a décroché le drapeau dans l’Aurès où il flottait depuis 130 ans. Une page se tournait sous nos yeux ».
Le voici de retour en Charente-Maritime, département où il est nommé instituteur… Mais surtout il convole en justes noces avec Paulette, une ravissante jeune fille de Courcoury, enseignante comme lui. A 25 ans, il est nommé à Saint-Césaire. Il se souvient avec nostalgie de « ce village dont les habitants étaient chaleureux et les élèves attentifs. L’école avait été installée dans l’ancienne gare des Bujholiers et j’avais en charge les cours moyens ».
Il reprend bientôt ses études à l’Université de Poitiers. Une nouvelle carrière de professeur d’histoire-géographie s’ouvre à lui, d’abord à Burie, puis à Archiac. « J’ai aimé mon métier, c’est un milieu agréable. Je pense avoir bien fait mon travail auprès de nombreuses générations d‘élèves ». Son emploi du temps, qui lui offre une certaine souplesse, lui permet de compléter sa formation personnelle et d’enrichir ses connaissances. Il rejoint le groupe qui s’est constitué autour de Jean Glénisson, ancien directeur de l’Institut de recherche et d’histoire des textes au CNRS qui vient de prendre sa retraite à Jonzac.


• Le début des Temps modernes 1480-1610 : Un livre d’une étonnante nouveauté !

« J’ai commencé à étudier les XVIIème et XVIIIème siècles parce que les textes sont lisibles ». Grâce aux multiples fonds d'archives qu'il consulte, il reconstitue l’histoire de Jonzac et travaille en binôme avec Jean Glénisson. Ils sont à l’origine d’un ouvrage collectif « Jonzac mille ans d’histoire » paru en 1973 et préparé avec Francette Joanne, Jacques Gaillard et Jean Barbotin. Les deux hommes contribuent au rayonnement de l’Université Francophone d’Eté créée dans les années 80. En juillet et août, expositions et conférences sont organisées au cloître des Carmes, « personnellement, j’en ai fait plus d’une vingtaine ». Une palette d’historiens renommés, dont Jean Favier, Pierre Chaunu, le doyen Schneider et Marc Fumalori de l’Académie française, relations de Jean Glénisson, contribuent à ce bouillonnement intellectuel exceptionnel. Durant cette période, Marc Seguin publie plusieurs ouvrages dont Jonzac aux XVIIe et XVIIIe siècles, Les protestants jonzacais (1680-1789) et Jonzac durant la Révolution.

Parmi les grands moments de la carrière de Marc Seguin, figure en 1985 l’exposition consacrée à « Agrippa d’Aubigné en son temps » organisée à Saintes par l’Académie de Saintonge, la Bibliothèque municipale et les Musées de la ville. Il se souvient des mois qui ont précédé ce grand rendez-vous : « Quand Jean Glénisson m’a exposé le projet, j’ai réalisé son ampleur. Il s’agissait de trouver de la documentation. La difficulté est que l’écriture du XVIe siècle est indéchiffrable pour un non averti. Il m’a fallu faire vite pour apprendre à la lire ». Jean Glénisson l’aide dans sa tâche ainsi qu’un groupe d’érudits bordelais. « Grâce à eux, j’ai réuni des documents, rédigé une partie du catalogue et les notices ».
En six mois, il relève le défi en compulsant des liasses d’archives. En juillet, l’exposition est prête à accueillir les visiteurs. De portée nationale, elle est inaugurée par le Président de la République François Mitterrand, proche de Michel Baron, alors maire de Saintes.

Inauguration en 1985 de l'exposition "Agrippa d'Aubigné en son temps" par François Mitterrand, Michel Baron, maire de Saintes, Jean Glénisson (© Ville de Saintes)
Marc Seguin poursuit sur sa lancée : maintenant que les écrits du XVIe siècle lui sont accessibles, d'immenses champs jamais explorés par les historiens contemporains s’ouvrent à lui. Ceux du Parlement de Bordeaux par exemple, ainsi que des archives de La Rochelle, Poitiers, Angoulême, Paris : « En plus de trente ans, j’ai consulté tout ce qui a trait à la Saintonge ». Aux Archives municipales de Bordeaux, les érudits ont accès à la copie partielle des documents de l’ancien Parlement dont les originaux ont été détruits lors d’un incendie en janvier 1704. A cette source précieuse et inédite - procès-verbaux des juridictions, des administrations, registres secrets -  s’ajoutent les fonds des études notariales qui avaient chacune leur spécialité. Sans jamais se lasser, Marc Seguin travaille sur ce passé qu'il éclaire d'un jour nouveau, mène des enquêtes et met en scène les témoignages.
Numérisées et minutieusement conservées, les informations sont répertoriées et les situations qu’elles révèlent font l’objet de conférences et de publications. Parmi ces "trouvailles", au bas d'un acte notarié établi à Angoulême, un sceau comporte le château de Jonzac au XVe siècle ! La toute première mention de l'ancien château de Jonzac, quant à elle, apparaît dans un texte notarié établi au XVIe siècle chez Me Béchemil à Bordeaux.

Sceau faisant apparaître le château de Jonzac sur un acte notarié
D’un avis unanime, l’œuvre la plus remarquable de Marc Seguin est le tome III de l'Histoire de l'Aunis et de la Saintonge « Le début des Temps modernes 1480-1610 » paru chez Geste éditions en 2005. « Un livre d’une étonnante nouveauté » a écrit Jean Glénisson. Il y détaille la vie de nos ancêtres durant une période où se mêlent bouleversements majeurs et le sentiment de vivre un âge nouveau, la Renaissance. « Elle est très mal connue en ce qui nous concerne, l'histoire de la côte par exemple. Au XVIème siècle, nombre de bateaux partaient de nos ports, Marennes, Royan, Oléron, Brouage, Saint-Romain de Beaumont,Talmont, Mortagne, etc. Ils transportaient du sel, du vin, du pastel. Certains allaient pêcher la morue à Terre-Neuve. On parle souvent du beau XVIe siècle, mais c'était aussi un siècle de faussaires, de menteurs, de faux monnayeurs… et de violences ! ».

Membre de l‘Académie de Saintonge, président de la Société des Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis de 2005 à 2018, Marc Seguin est un chercheur authentique, reconnu pour son exigence, son travail acharné et sa persévérance. Comme tout humaniste, cet honnête homme cultive son jardin faisant sien ce dicton « Plus fait celui qui veut que celui qui peut ! ».

Marc Seguin à l'Académie de Saintonge (© Jacques Dassié)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai eu Marc Seguin comme professeur de français en 3ème, ainsi que comme professeur d'histoire géographie en 4ème et 3eme, à Archiac. Une dictée par semaine, l'enseignement entremèlé de la grande histoire de France avec l'histoire de l'arrondissement de Jonzac m'ont donné un goût définitif pour cette période agitée innovante des 16ème et 17ème siècle. Jacques Gaillard a fini d'enfoncer le clou avec le 18ème et le 19ème siècle au lycèe de Jonzac. Lorsque le corps enseignant est motivé, le résultat est là.

Anonyme a dit…

Bonjour Mr Seguin, j'ai été votre élève à st Césaire et j'ai gardé un excellent souvenir de cette période comme mes camarades. Vous étiez un bon instituteur, gentil, souriant, beaucoup de bienveillance à notre égard.
Je voulais vous remercier, malheureusement je ne descends pas souvent dans la région, j'aurais aimé vous rencontrer à nouveau pour repasser cette période qui fut extraordinaire. Je suis dans la région parisienne, je peins, je fais des poèmes pendant la retraite.
J'ai vu votre photo sur internet et je vous ai reconnu en une seconde, le même homme .
Je m'appelle Michèle Prévaudeau et merci Mr Seguin