dimanche 8 novembre 2009

Jean-Pierre Raffarin, 
la sagesse réformatrice et la fin des privilèges ?


Au sujet de la suppression de taxe professionnelle...

Jean-Pierre Raffarin serait-il comme les vieux volcans éteints ? Voilà qu’il se réveille et fait la une de l’actualité 
avec 23 copains sénateurs. Tant mieux, on ironise trop souvent sur leurs siestes de l’après-midi. L’objet de cet émoi : une chronique publiée dans le Journal du Dimanche contre la suppression de la taxe professionnelle. L’enjeu est de taille, en effet, car certains élus pourraient y perdre leurs privilèges…


En France, la devise pourrait être : il est urgent de ne rien faire. Il faut donner du temps au temps, arrondir les angles tout en ayant l’apparence d’une agitation extrême. Bourdonnez, chers collègues, et le peuple s’imaginera que vous êtes les plus actifs des hôtes de ces assemblées ! Haranguez, gesticulez et s’il vous vient l’envie de pousser un somme respectable dans l’hémicycle, arrangez-vous pour que la télé ne puisse vous filmer. Sinon, gare aux commérages !
S’ils se contentent d’effets d’annonce, les élus réveillent chez le citoyen une vieille envie de bouger, symbole de modernité. Les actions d’envergure, par contre, sont plus risquées : toucher aux sacro-saintes habitudes peut entraîner une vague incontrôlable.

La réforme des collectivités territoriales risque-t-elle de provoquer ce vaste mouvement ? Il n’est pas interdit de le penser puisqu’elle va toucher aux privilèges, c’est-à-dire au nombre des conseillers généraux et conseillers régionaux qui sera réduit de moitié (ils sont 6 000 actuellement). Autrement dit, on veut en estourbir une bonne fraction !
Que deviendront ces bannis, une fois qu’ils auront été remerciés ? Erreront-ils comme de pauvres hères, victimes des décisions de ce révolutionnaire qu’est finalement Nicolas Sarkozy ?
En cherchant à alléger le coût de fonctionnement du fameux “mille feuille“ que constituent mairies, Communautés de communes, Communautés d’agglomération, Pays, Départements et Régions (sans compter les syndicats), le Gouvernement cherche à endiguer la progression constante de la fiscalité locale qui risque fort d’exploser dans les années à venir. Or, quelles que soient les époques, les grandes révoltes populaires ont toujours été liées à l’impôt. L’Élysée ne peut l’ignorer.

Des structures, telles que les CDC ou les CDA, ont des budgets qui pèsent lourd en fonctionnement. Les rémunérations des présidents, vice-présidents (y compris ceux qui ne font rien, sinon assister aux réunions) et d’un personnel sans cesse plus important (on vient d’embaucher un nouveau chef de cabinet, chèrement payé, à la CDC de Saintes par exemple) suscitent des commentaires qu’on étouffe volontairement. Il n’est pas bon de rappeler que le financement de tout ce beau monde, non créateur de richesses, est assuré par l’argent public, c’est-à-dire par les contribuables.

En voulant supprimer la taxe professionnelle pour proposer une formule plus juste aux entreprises, le Gouvernement veut précisément encourager l’initiative personnelle et la productivité qui favoriseront l’embauche et le marché de l’emploi. Il y a belle lurette que le calcul de la T.P. fait couler de l’encre. Le moment est donc venu de coller aux réalités d’un monde où la concurrence est vive.
Un autre objectif est sous-jacent.Si la manne que rapporte cette taxe aux collectivités locales est moindre, ces dernières cibleront les actions essentielles et abandonneront le superflu. On évitera ainsi la mégalomanie et la flambée des prix que pratiquent les cabinets études, chargés de la faisabilité des projets…

Le système actuel a besoin d’être réformé. L’épreuve est difficile car elle demande une réorganisation, voire une autre façon de penser. Certains font de la résistance et freinent des quatre fers. Pourquoi changeraient-ils une situation qui les a transformés en élus incontournables ? Cependant, une évidence s’impose : la France vivait avant l’apparition du “mille feuille“, pourquoi sombrerait-elle si quelques épaisseurs venaient à disparaître ?

Réincarnation féodale ?

D’aucuns sont attachés à leur rocher. Ainsi, Jean-Pierre Raffarin, ex Premier Ministre, et 23 sénateurs, se sont exprimés dans le Journal du Dimanche contre la façon dont on veut supprimer de la taxe professionnelle. Notons au passage que les sénateurs de Charente-Maritime, Claude Belot, Michel Doublet et Daniel Laurent n’ont pas suivi Jean-Pierre sur sa lancée.

Que dit-il à la veille du Congrès des maires de France ? La première partie est plutôt engageante : « La réforme des collectivités territoriales nous paraît stratégique et moderne. Nous la soutiendrons avec conviction. Les décentralisateurs sont dans le camp des réformateurs. L’immobilisme est le pire adversaire de la décentralisation. Il s’agit d’apporter à notre organisation territoriale plus de lisibilité, plus d’efficacité et un meilleur rapport coûts/avantages ». Avantages ou droits acquis ?
Et de poursuivre : « La réforme de la taxe professionnelle, actuellement proposée par l’exécutif, ne peut être votée en l’état. Le travail relatif au volet territorial n’est pas achevé. Afin d’être informés en toute clarté et connaissance de cause, les élus ont besoin des simulations financières et fiscales que Bercy est dans l’impossibilité de fournir dans les délais impartis ».

Bien qu’y mettant les formes, Jean-Pierre Raffarin, qui fut à l’origine des lois de décentralisation aujourd’hui dans le collimateur, pressent que le réaménagement proposé supprimera des pouvoirs et des marges de manœuvre aux décideurs locaux.
Si sa réaction, publiée dans le JJD, peut effectivement lui attirer la sympathie des maires et de certains potentats, il ne parvient pas à convaincre la jeune génération qui voit en son attitude les réminiscences “de l’ancien régime“ où chacun s’accrochait à ses privilèges, voire “une réincarnation féodale“.

S’y ajoutent d’autres sujets d’actualité dont les Régionales de 2010 où il aurait dû affronter Ségolène Royal en Poitou-Charentes. En première ligne, il préfère envoyer son ami Dominique Bussereau qui doit chasser plusieurs lièvres à la fois, étant déjà membre du Gouvernement, Président du Conseil Général et élu à la mairie de Saint Georges de Didonne. Être tête de liste UMP aux Régionales, n’est-ce pas ajouter un poids supplémentaire à cet élu qui ne possède pas (encore) le don d’ubiquité ?
Pour l’instant, Jean-Pierre Raffarin s’inquiète davantage pour l’acte III de la décentralisation « qui ne peut être fragilisé par la réforme de la taxe professionnelle ».
Et de conclure par un souhait : « nous voulons promouvoir la sagesse réformatrice ». Quelle merveilleuse formule, d‘autant que les vingt-quatre parlementaires signataires n’agissent pas à l’aveuglette : la majorité du Sénat a besoin d’eux pour que soit voté le texte concernant la suppression de la T.P. Une belle revanche sur Gérard Larcher qui lui a piqué la présidence de cet hémicycle !
Conservateur, Jean-Pierre Raffarin ? sûrement, stratégique, sans doute, manipulateur, qui sait ?…

Photo (N.B) : Jean-Pierre Raffarin lors de l'inauguration des vitraux de l'abbaye de Trizay en Charente Maritime. Depuis, l'eau a coulé sous les ponts...

L'info en plus

• Les 24 sénateurs 
René Beaumont (Saône-et-Loire), Michel Bécot (Deux-Sèvres), Pierre Bernard-Reymond (Hautes-Alpes), Joël Billard (Eure-et-Loir), Jacques Blanc (Lozère), Paul Blanc (Pyrénées-Orientales), Pierre Bordier (Yonne), Christian Cambon (Val-de-Marne), Jean-Claude Carle (Haute-Savoie), Alain Chatillon (Haute-Garonne), Philippe Dallier (Seine-Saint-Denis), Béatrice Descamps (Nord), Alain Fouché (Vienne), René Garrec (Calvados), Françoise Henneron (Pas-de-Calais), Michel Houel (Seine-et-Marne), Alain Houpert (Côte-d’Or), Jean-Marc Juilhard (Puy-de-Dôme), Jean-René Lecerf (Nord), Antoine Lefèvre (Aisne), Philippe Paul (Finistère), Jean-Pierre Raffarin (Vienne), Charles Revet (Seine-Maritime), Bernard Saugey (Isère).

• Pas contentes, les grandes surfaces !
En effet, l’impôt qui remplacera la taxe professionnelle sera calculé, entre autres, sur la superficie des établissements. Les grandes surfaces, qui continuent à réaliser des bénéfices malgré la crise, font la gueule…

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