vendredi 12 septembre 2008

La cure thermale, une excellente façon de lutter contre la dépression ?
Questions au Dr Olivier Dubois, psychiatre.



Bonne nouvelle pour les thermes de Jonzac et Saujon, une étude vient de démontrer que la cure thermale est plus efficace que le médicament dans le traitement du trouble anxieux généralisé (baptisé Tag). Actuellement, la France détient le record européen de consommation d’antidépresseurs (22 % de la population est concernée). Alarmante, cette situation a sensibilisé d’éminents spécialistes dont le professeur Olié, chef du service de santé mentale et de thérapeutique au centre hospitalier Sainte-Anne à Paris. Il convient, en effet, de faire la différence entre « une anxiété normale et une anxiété pathologique ».
Des recherches effectuées, il ressort que la dépression légère peut être traitée par d’autres moyens (naturels en particulier) que les traditionnels cachets censés apaiser l’esprit. La cure serait alors une véritable alternative aux psychotropes.
Médecin coordonnateur de cette étude, le docteur Olivier Dubois, psychiatre à Saujon, répond à nos questions et éclaire notre

lanterne :

Des études montrent que les Français sont les premiers consommateurs européens d’antidépresseurs. Quelles sont les raisons de cette situation étonnante puisque les Français sembleraient plus déprimés que les Allemands ou les Italiens...

Il est vrai qu’il existe un problème français vis-à-vis de la dépression. Un Français sur quatre consomme occasionnellement des psychotropes et 11% en consomment régulièrement, d’après une étude de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie en 2002.
Près d’un milliard d’euros sont dépensés chaque année par la Sécurité sociale pour le remboursement de ces médicaments. Le suicide en France, qui est très souvent secondaire à la dépression, touche 10 à 12000 Français de manière constante depuis plus de 10 ans, ce qui occasionne en moyenne un suicide toutes les 50 minutes.
D’où vient ce phénomène français plus marqué que dans les autres pays européens ? Est-ce une tendance latine à la plainte ? Une faiblesse chronique à faire face aux difficultés de la vie quotidienne ou y a-t-il réellement, en France, les conditions d’une plus grande souffrance humaine ?
Parmi les explications, on est tenté de rappeler l’importance des événements de vie traumatiques dans l’origine de nombreux états dépressifs (situation de vie éclatée, isolement affectif, échec, rupture, nomadisme géographique, etc).
Il existe aussi, il est vrai, une culture développée en France de vouloir trouver une cause extérieure à ses problèmes. Il y a sans doute l’attente de la molécule miracle qui viendrait porter secours et assistance et remplacer artificiellement une toile sociale insuffisamment tissée. Par exemple, il y a quelques années, un ancien Premier Ministre français déclarait qu’il n’était pas normal que des personnes puissent encore connaître la douleur. S’était répandue l’idée saugrenue que toute douleur pouvait être éradiquée. Le raisonnement tient également pour la dépression. Ainsi, on cache la vérité, on promet des solutions miracles, on infantilise, mais on oublie d’expliquer que bien souvent le problème à l’origine de l’état dépressif est d’ordre personnel ou identitaire, qu’il peut aussi être le reflet d’un bouleversement dans sa vie personnelle (par exemple, suite à une rupture affective, un déménagement, une perte d’emploi, des problèmes professionnels). Il y a les crises de la vie que l’on doit affronter avec maturité et dans la conscience responsable qu’elles sont nécessaires à sa propre croissance.

En tant que psychiatre, vous recevez de nombreux patients. Comment faire la différence entre une déprime et une véritable dépression ?

La déprime est un état non pathologique : c’est un état réactionnel, physiologique, normal par rapport à une situation douloureuse. Elle n’entraîne pas de véritable incapacité. À l’inverse, la dépression est une véritable maladie qui s’accompagne de handicaps. C’est l’incapacité à agir, c’est une intensité de la douleur morale difficilement soutenable, un degré avancé de désespoir, une difficulté à se projeter dans l’avenir, la perte de goût pour les activités quotidiennes, un changement de comportement marqué, par exemple par des troubles du caractère ou une tendance à s’isoler, etc...
Lorsque le sujet présente un tel état de dépression, il ne peut plus s’en sortir seul. C’est, je dirais, le "stade chimique" de la dépression, c’est-à-dire le stade à partir duquel la seule volonté du patient, la stimulation pour l’entourage ou même une excellente gestion psychologique par le thérapeute sont insuffisantes ou inefficaces pour permettre une évolution favorable du trouble. Il faut inévitablement avoir accès aux médicaments antidépresseurs. Le paradoxe est de savoir que, dans un nombre important de cas, ces patients-là n’ont justement pas accès ni aux psychiatres, ni aux traitements médicamenteux !

D’une manière générale, les médecins seraient-ils devenus les confidents de personnes qui, n’ayant pas suffisamment de force pour affronter les événements de la vie, demandent des médicaments pour surmonter leurs épreuves ?

Le monde actuel s’est beaucoup transformé depuis une centaine d’années. Un historien me faisait cette réflexion : « il s’est passé plus de choses en 100 ans que durant toute l’histoire de l’humanité ! Nous sommes passés d’une société sédentaire à une société nomade, hyper urbanisée, technico-scientifique, mondialisée et avec une perte très importante des repères sociaux et des valeurs communes. Tout cela est facteur de stress ».
La perte des valeurs morales est également essentielle pour expliquer la situation d’isolement dans laquelle se trouvent nombre de personnes. Les "faibles" sont ainsi le plus souvent abandonnés, seuls. Dire qu’ils viennent chercher de l’aide auprès des psychiatres, psychologues ou des professionnels du milieu social est une évidence.
Dire que des médicaments utilisés à visée palliative ou préventive sont prescrits, est une évidence. S’ils ne guérissent pas la cause du processus, ils peuvent au moins soulager et éviter l’aggravation.
Mais il est certain que, dans un grand nombre de cas, l’isolement ressenti, le manque de support social ou familial, sont des facteurs fondamentaux à l’origine du désordre émotionnel.

La cure thermale, la pratique d’un sport sembleraient de bons moyens pour lutter contre la déprime. Quel est votre avis à ce sujet ?

La cure thermale est effectivement une thérapeutique tout à fait indiquée dans le type de situation dépressive réactionnelle à des événements de vie douloureux.
Une récente étude nationale, l’étude STOP-TAG, réalisée sur quatre centres thermaux et coordonnée par les Thermes de Saujon, validée par la Haute Autorité de Santé et encadrée par deux unités INSERM, a évalué sur 237 patients l’apport du thermalisme dans les troubles anxieux et les symptômes dépressifs. Les résultats de cette étude sont très spectaculaires en faveur de la cure thermale avec 44 % de résultats supérieurs à ceux obtenus par le médicament de référence pour ce type de trouble. On constate également que l’effet de la cure est plus efficace à deux mois qu’à un mois et reste encore très efficace à six mois. Enfin, la cure thermale entraîne beaucoup moins d’effets indésirables (près de 3 fois moins) que le médicament. Ainsi la cure thermale a fait preuve de son efficacité dans les états anxieux, dépressifs et face aux douleurs "psychosomatiques", c’est-à-dire secondaires à des états psychologiques (par exemple tension musculaire, douleurs abdominales sans cause particulière, certains cas de fibromyalgie, fatigue chronique, etc). L’exercice physique est également tout à fait indiqué. Ainsi, une étude américaine, reprenant l’ensemble des thérapeutiques non médicamenteuses traitant la dépression, a démontré que la pratique de l’exercice physique était un moyen thérapeutique efficace pour lutter contre les états dépressifs légers ou modérés. Il est bien évident, par contre, que dans les états dépressifs sévères, seuls les médicaments prescrits par un psychiatre peuvent se révéler efficace.

Infos en plus

L’étude Stop-Tag a comparé deux groupes de patients (237 au total) atteints de stress chronique, l’un en cure thermale pendant trois semaines, l’autre sous traitement de référence : le Deroxat, un antidépresseur. L’étude a été conduite à Bagnères-de-Bigorre, Néris-les-Bains, Saujon et Ussat-les-Bains pendant huit semaines, puis complétée par une observation de seize semaines supplémentaires.
La cure thermale comprenait bains bouillonnants, douche thermale et massages sous l’eau. Après huit semaines, les résultats ont montré une amélioration supérieure dans le groupe cure par rapport au groupe Deroxat.

Photo 1 : Tout comme ceux de Saujon, les Thermes de Jonzac ont une carte à jouer dans le traitement de la dépression.

Photo 2 : Le docteur Olivier Dubois est psychiatre libéral, directeur de la clinique psychiatrique et de l’établissement thermal de Saujon.

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