mercredi 12 octobre 2022

Emmanuel de Fontainieu et Christophe Lucet, reçus à l'Académie de Saintonge

Dimanche dernier à Royan, l'Académie de Saintonge, que dirige Marie-Dominique Montel, avait le plaisir d'accueillir deux nouveaux membres, Emmanuel de Fontainieu, directeur du Centre international de la mer à Rochefort (13ème siège), et Christophe Lucet, éditorialiste au journal Sud-Ouest (18ème siège). Nous souhaitons la bienvenue à ces personnalités qui viennent enrichir les rangs de la docte assemblée.

Emmanuel de Fontainieu aux côtés d'Alain Quella-Villéger 
Christophe Lucet, reçu au 18ème siège, succède à Jean Combes

• Réception d’Emmanuel de Fontainieu par Alain Quella-Villéger

« À Tahiti, où l’on s’attend volontiers à rencontrer Pierre Loti, parce que, près d’une cascade sauvage, veille sa statue en jeune marin, il suffit, sur la route y conduisant de croiser une belle bâtisse nommée ‘‘Saintonge’’ pour se demander ce que fait, près de Papeete cette Saintonge de style colonial à belles balustrades blanches ? Victor Raoulx, marin et commerçant oléronais né à Dolus (1842-1914), inconnu du si exhaustif Dictionnaire biographique des Charentais (Le Croît Vif, 2005), ayant contracté sur place fortune et mariage, fit en effet construire cette demeure pour attester de ces deux réussites. Cette image, cette anecdote, pour rappeler que la Saintonge, pour partie immatérielle, est volontiers vouée au grand large et à l’exotisme, ce que l’histoire de l’Hermione nous raconte aussi à sa façon, version nord-américaine cette fois.

Or, c’est sans doute cette fragrance hauturière que vient nous apporter aujourd’hui la présence d’Emmanuel de Fontainieu. Son itinéraire porte d’ailleurs sa part de Pacifique puisqu’il a fait son service militaire dans la Marine, à Nouméa.

Que je vous explique : Fontainieu n’est pas d’ici ; c’est un immigré qui a été victime consentante de deux processus : la maritimisation et la « saintongisation » – j’ose le néologisme ! - Il est en effet né loin de tout littoral, en Alsace, a quitté les bords du Rhin pour ceux de la Seine, le temps de brillantes études (ENS, Institut d’études politiques, licence de lettres modernes, maîtrise et DEA d’histoire période Révolution française, agrégation de Sciences éco), puis il s’est rapproché de la Loire (étape chez Léonard de Vinci au Clos Lucé), avant enfin d’aborder le fleuve Charente.

Cela se passe à Rochefort : notre officier de Marine de réserve devient en 1993 directeur du Centre International de la Mer créé en 1985 dans l’ancienne Corderie Royale, et l’est toujours. Le néo-Rochefortais loge longtemps à La Rochelle, mais finit par quitter ces Aunis par s’installer à Cozes. Le processus de « saintongisation » est achevé : Emmanuel de Fontainieu est définitivement passé du Riesling et du Sylvaner aux terroirs qui produisent le cognac et le pineau...

Notre homme est désormais atteint par le goût des églises romanes, par la lumière blanche de la côte, par la pureté poétique du marais, par le charme de Rochefort, « ville rare » et « arsenal des roseaux », et le revendique non comme le symptôme d’une pathologie incurable, mais comme identité nouvelle, choisie comme une « doctrine » même, c’est son mot... La Saintonge n’est pas seulement un territoire (dont les contours font parfois débat), ni seulement un imaginaire qui sent l’iode, elle est une pensée dynamique et ouverte sur le vaste monde. Un défi peut-être, parce que même en absence visible du large, la mer est là partout prégnante. Quand l’arsenal de Rochefort fut fermé en 1927, « la mer fut en quelque sorte répudiée par décret » dit-il joliment. Oui, mais la mer, justement, ce « grand amour impossible de Rochefort » (cette fois, c’est Orsenna qui parle), répudiée ou pas, visible ou pas, est partout omniprésente. Oserai-je dire qu’il en est ainsi de la Saintonge ?

Donc, avec le Centre international de la Mer, il ne s’agit pas au sens terrien de la Saintonge maritime, mais de la Saintonge des mers et des océans, des grands vents et des bouts du monde, de celle qui se vit sur le pont des navires et en haut des vergues.

De droite à gauche, Emmanuel de Fontainieu, Alain Quella-Villéger, Marie-Dominique Montel, Jean-François Girard, Philippe Ravon

Il suffit de se remémorer les expositions présentées chaque année par le CIM pour s’en convaincre. Ont été au rendez-vous : bateaux vikings, pirates et flibustiers, grande pêche, phares, abysses, art balnéaire, oiseaux marins et d’Audubon, tempêtes, cap Horn, canal de Panama, expéditions polaires, ostréiculture, cartes marines, bande dessinée et j’en passe, sans oublier de citer Conrad, Stevenson, Monfreid, Cendrars (tiens, pas Loti ?!), et même une femme navigatrice qui s’attacha si bien à Oléron : Anita Conti. Au besoin le Centre international de la Mer est partenaire d’expositions qui se tiennent en d’autres lieux, pour évoquer la tempête Xynthia, les villes coloniales ou les ponts transbordeurs.

Mais la grande aventure qu’Emmanuel de Fontainieu accompagna comme membre du bureau de l’association et comme directeur du Centre international de la Mer, c’est bien sûr celle que j’ai mentionnée en préambule : l’Hermione. Est-il besoin de la raconter ? Fontainieu l’a fait et le rappellera sans doute et d’ailleurs son ouvrage L’Hermione, de Rochefort à la gloire américaine a reçu en 2003 le prix Champlain de l’Académie de Saintonge.

Car Emmanuel de Fontainieu est aussi auteur ou directeur d’ouvrages collectifs : citons, par exemple, Les Outils du navigateur avec Richard Texier en 1998, Rochefort et l'estuaire de la Charente, illustré des belles aquarelles de Denis Clavreul en 2008 ; La Mer à l'encre : trois siècles de cartes marines du Moyen Âge au siècle des Lumières en 2010 ; Peurs bleues : prendre la mer à la Renaissance, avec notamment Mickaël Augeron en 2007, etc.

Voilà donc en quelques lignes le rapide portrait de notre nouvel académicien dont on aura compris combien sa présence parmi nous relève d’une évidence et d’une promesse : cette sorte d’axiome glané dans ses pages : « convertir la mémoire à des usages nouveaux. Loin de toute nostalgie, mais toujours à la poursuite du réenchantement des lieux ». Réenchanter la Saintonge, toujours recommencée comme la mer, voilà un beau et fier programme !

Pour ce faire, Emmanuel de Fontainieu embarque aujourd’hui à bord d’une frégate qui a pour nom Académie de Saintonge. Et son équipage le salue chaleureusement et lui crie : « Bienvenu à bord et hissons haut les voiles ! ».

• Réception de Christophe Lucet par Nicole Bertin et Christine de Ponchalon

« En ce 9 octobre, l’Académie de Saintonge est heureuse d’accueillir Christophe Lucet, journaliste à "Sud Ouest" et écrivain. A travers son regard, qu’éclaire une belle humanité, apparaissent deux hommes qui lui sont intimement liés et que l’Académie de Saintonge a compté dans ses rangs.

Tout d’abord Pierre-Henri Simon, né à Saint-Fort-sur-Gironde en 1903 et à qui nous rendrons un vibrant hommage, en partenariat avec la Ville de Saintes, en 2023. Intellectuel engagé, historien de la littérature, essayiste, romancier, poète et critique littéraire, il a été élu à l'Académie française en 1966 et reçu sous la Coupole en novembre 1967. « La Saintonge est l'endroit où, mieux qu'ailleurs, je fixe mes souvenirs et mes songes » disait celui qui fut co-fondateur et directeur de l'Académie de Saintonge, concluant par cette phrase touchante peu avant son décès la séance publique du 27 août 1972 tenue à l’Abbaye aux Dames de Saintes. 

Pour les directeurs et directrice qui lui ont succédé, « il n’existe pas meilleure introduction à ce qu'est l'Académie de Saintonge : une compagnie dédiée au rayonnement de sa région et à l'expression de l'attachement qu'on lui porte ». Pierre Henri Simon, nous en reparlerons prochainement grâce à l’exposition qui se met en place. Parmi ses nombreux engagements, sa prise de position « contre la torture », écrite à une époque - celle de la guerre d'Algérie - où il était osé d’aborder le sujet, ne manquera pas d’intéresser le public. Fait prisonnier en 1940, il fonda avec ses camarades d'infortune en Allemagne une petite université. Il y prononça notamment une conférence « Ma Saintonge » et rédigea un roman d'analyse psychologique « L’Affût » paru aux éditions du Seuil.

Le père de Christophe, Jean-Louis Lucet, fut au cours de sa carrière diplomatique ambassadeur de France au Sénégal, en Israël, en Italie et auprès du Saint-Siège. Ancien vice-président du Secours catholique et ancien président de France-Italie, il participe au conseil d’administration de l’Œuvre d’Orient et fait partie de l'ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Il est membre honoraire de l’Académie de Saintonge et nous le remercions d’avoir travaillé parmi nous. Gendre de Pierre-Henri Simon, il a valorisé l’œuvre de son beau-père, pour qui il avait une grande affection, par des expositions, colloques, conférences et présentations d’ouvrages. « Mon père a découvert la Saintonge qu’il a épousée en même temps que ma mère Jacqueline, surnommée Jacotte », souligne Christophe Lucet.

Celui-ci est le digne héritier de cette lignée empreinte d’humanisme, talentueuse, soucieuse de la transmission de la connaissance, toujours prête à s’interroger sur le monde qui l’entoure. Enfant, son esprit s’est ouvert au gré des postes occupés par son père à l’étranger. Sa voie est bientôt tracée. Après avoir suivi des études de lettres, il entre à Paris au Centre de formation des journalistes. Le voici en poste à Aden au Yémen du Sud, détaché auprès de l’ambassade de France en tant que conseiller culturel, après avoir travaillé pour Radio France internationale. En 1986, il rejoint les rangs du journal Sud-Ouest aux agences de Périgueux, Agen, La Rochelle, Bordeaux. Il est nommé à Sud-Ouest Dimanche en 1999. Éditorialiste depuis 2010, il a rejoint la rédaction générale où il est responsable de la rubrique "international" de Sud-Ouest. « La géopolitique m’intéresse. Le Moyen-Orient, les relations Ouest-Est, la Chine, le conflit en Ukraine », explique-t-il. Il est aussi l’auteur de plusieurs préfaces dont l’une consacrée à la réédition du roman de Pierre Henri Simon « Elsinfor » par les éditions du Croît Vif.

De nombreux sujets retiennent son attention comme la littérature ou la poésie. Il fait partie du conseil d'administration du Festival international du film d'histoire de Pessac organisé depuis 1989 autour d'une sélection thématique. L'édition 2022 se déroulera en novembre sur le thème "Masculin-féminin, toute une histoire". Un vaste programme en effet !

Christophe Lucet occupera le 18ème siège de l’Académie de Saintonge, succédant à Jean Combes : « je suis heureux de faire partie de ce réseau académique composé de personnalités venant d’horizons différents, qui ont du vécu et sont ancrées, comme moi, en Saintonge » avoue-t-il. Bienvenu à vous, Christophe Lucet ! ».

Christophe Lucet et Annie Libaud, fidèle de l'Académie de Saintonge !

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