La remise des prix de l'Académie de Saintonge, que dirige Marie-Dominique Montel, s'est déroulée à Royan le 9 octobre dernier. Ont été distingués :
• Prix de la Ville de Saintes décerné à David Pacaud et Aurélie Allavoine, restaurateurs de tableaux
Rapport de Philippe Ravon :
Philippe Ravon, David Pacaud et Aurélie Allavoine |
Le métier de restaurateur a beaucoup évolué depuis l’époque où ce travail était confié à des peintres qui pouvaient se substituer à l’artiste et n’hésitaient pas à "améliorer" l’original pour adapter le tableau en fonction de l’évolution du goût ou de la liturgie. L’authenticité d’une œuvre est primordiale ; aussi faut-il trouver un équilibre entre sa lisibilité et l’étendue des interventions. La profession exige de longues études qui touchent à la physique et à la chimie, et la démarche du restaurateur professionnel se rapproche désormais de celle du médecin. Aucune intervention n’est envisagée sans un diagnostic, appelé « constat d’état ». Des analyses permettent de déterminer les altérations dues au temps, aux chocs, aux mauvaises conditions de conservation ou à des restaurations hasardeuses, voire désastreuses. Cette approche procure aux restaurateurs une connaissance inégalable de la matière et de la technique du peintre, ce qui amène les spécialistes, les conservateurs de musées ou les experts à travailler dans un échange permanent avec eux.
J’ai d’abord connu David Pacaud à Saintes, puis Aurélie Allavoine, et j’ai tout de suite admiré leur humilité devant les œuvres, leur pondération dans les mesures à prendre et leur grande exigence quant au résultat. Ils ont travaillé pour de grands musées et pour des collections privées. Ils exercent aujourd’hui à Rochefort avec la même passion, dans la tradition des Compagnons du Devoir, suivant des règles qu’ils ont fixées à un niveau très élevé. Qu’ils en soient remerciés et, par ce Prix de la ville de Saintes, qu’ils soient très largement félicités ».
• Prix de l'Ile d'Oléron décerné à Pascal Zavaro et Julien Masmondet pour l'opéra "Le coq Maurice"
Rapport d'Alain Quella-Villéger :
« On se souvient que l’Académie a décerné en 2011 son prix Cognac Chabasse à Julien Masmondet comme créateur et directeur artistique des "Musiques au pays de Pierre Loti" et non moins brillant chef d’orchestre. Nul n’a oublié surtout que de l’Australie au Japon, l’affaire oléronaise du Coq Maurice, dont le puissant cocorico était désagréable aux oreilles de vacanciers, a fait beaucoup de bruit en 2019.
Sur une idée de Julien Masmondet qui en assure la direction musicale et en a confié le livret et la composition à Pascal Zavaro, l’ensemble Les Apaches a été commanditaire de l'œuvre. C'est donc une création collective originale, et même un peu déjantée, que nous saluons aujourd’hui : un opéra dit de campagne (et pas de quatre sous) pour dix interprètes, musiciens compris, avec un décor de poche et un dispositif itinérant. Rien au demeurant de simplement anecdotique dans cette création tragi-comique qui, à sa façon, met ses pas et ses pattes dans le Chantecler que Rostand avait créé en 1910, même si la joyeuse équipe veut y voir « la rencontre du rap-animalier, du Roman de Renart, des fables de La Fontaine, avec des clins d’œil à la commedia dell’arte et aux baladins du Moyen-Âge ». C’est d’ailleurs un projet militant visant à revisiter les sons de la nature en écho à la loi de protection du patrimoine sensoriel des campagnes adoptée au Parlement en 2021. Une autre actualité récente m’a toutefois fait penser au coq Maurice quand, en mai dernier dans l’Oise, le voisinage d’une ferme a saisi la justice en raison du bruit et des odeurs générés par 260 bovins ! 260 bovins sur scène, voilà un pari que les Apaches, Masmondet et Zavaro ne relèveront sûrement pas ; on leur en sait gré... Félicitations ! ».
Pascal Zavaro, Julien Masmondet et Alain Quella Villéger |
• Prix de la Ville de Royan décerné à Marie-Anne Bouchet-Roy et Jean-Christophe Ledoux pour "Si Aigue-Marine m'était contée" (éditions Bonne Anse)
Rapport de Christine de Ponchalon :
Quelle magnifique demeure !
« Aigue-Marine est une villa familiale édifiée sur l'actuel boulevard Frédéric Garnier de Royan. Un bâtiment très vaste et imposant, de type castel. La famille Lehmann, fondatrice des Nouvelles Galeries, l’a fait concevoir et bâtir par l’architecte Henri Deglane, premier Grand prix de Rome. Les travaux débutent en 1910. Un très grand soin est apporté à sa construction et à l’aménagement intérieur.Marie-Anne Bouchet-Roy et Jean-Christophe Ledoux
Dans cet ouvrage, que l’Académie distingue, c’est la villa elle-même qui nous conte, à la première personne, le siècle écoulé depuis que sa première pierre fût posée. Vacances estivales de grande tribu familiale, accompagnée de ses domestiques, occupant les quelque 1000 mètres carrés d’habitation. Estivants parisiens, nommés alors « les étrangers », artistes de music-hall, compositeurs, écrivains.
Le traumatisme causé par les occupants allemands, installés à demeure dès juin 1940, et le bombardement qui l’a l’épargnée, à quelques mètres près, Aigue Marine nous raconte tout cela et nous invite à l’admirer, telle une vigie indestructible sur l’estuaire de la Gironde
Cette belle histoire nous est transcrite par Marie-Anne Bouchet-Roy dont la famille est intimement liée à la grande histoire de Royan, en association avec Jean-Christophe Ledoux. Les Editions Bonne Anse continuent ainsi à nous faire redécouvrir le riche et varié patrimoine de la cité balnéaire, toujours reine de la Côte de Beauté ».
• Prix Jacques et Marie-Jeanne Badois décerné à l'Association des Amis de l'Abbaye de Bassac pour la restauration de cet endroit magnifique
Rapport de Christine Sébert-Badois :
L'abbaye de Bassac, un site à visiter en Charente
Depuis sa fondation au XIe siècle par le Seigneur de Jarnac Wardrade Loriches, ce grand site bénédictin aux 1000 ans d’histoire mêle harmonieusement les styles gothique, baroque et classique, rappelant l’alternance d’épisodes douloureux et de moments glorieux. De nombreux bâtiments la composent : une grange/ferme, l’église abbatiale, les anciennes écuries de l’Abbé, son logis et le presbytère. C’est un des sites monastiques les plus remarquables et les plus visités de Charente. L’abbaye est dédiée à Sainte Thérèse de Lisieux et propose un cadre pour se ressourcer et méditer.
L’Association des Amis de Bassac a été créée en 1948 et transformée en 1971 (loi 1901). Avec le concours de la Communauté vivant dans les lieux depuis février 2022, elle assure l’entretien des bâtiments et des jardins et anime l’ensemble grâce à ses amis et à des guides professionnels. C’est une société civile qui est propriétaire des bâtiments, ses parts étant détenues par des associations à but non lucratif. Elle a en charge les travaux généraux de préservation et de restauration. Une Fondation, créée en 2017 et abritée par la Fondation du Patrimoine, permet la levée de fonds indispensables à sa restauration et sa survie.
Notre Académie est fière d’attribuer son prix Patrimoine 2022 aux Amis de l’Abbaye de Bassac pour honorer cette belle énergie déployée au service de ces pierres chargées d’histoire. Si vos pas vous mènent vers Bassac, ne manquez pas de vous y arrêter pour découvrir cet ensemble qui invite à la paix de l’âme ».
• Prix Jehan de Latour de Geay décerné à Jean-Marie Digout pour "L'affaire Dreyfus" (éditions l'Homme en noir)
Rapport de Pascal Even :
Jean-Marie Digout et Marc Seguin, membre de l'Académie de Saintonge |
Jean-Marie Digout n’a certes pas attendu l’heure de la retraite pour se lancer dans la bande dessinée. L’ancien avocat, bâtonnier de son ordre en 2009-2010, a choisi en effet ce médium pour évoquer les sujets qui le passionnent : l’histoire de la justice et les grandes affaires qui ont défrayé la chronique judicaire de l’époque contemporaine. Le même regard rétrospectif sur l’histoire de son métier l’a conduit à monter à La Rochelle un festival sur "Justice et cinéma". Jean-Marie Digout a de plus toujours eu le goût du dessin ; plus jeune, il s’amusait à caricaturer ses collègues du Palais de Justice de La Rochelle et au cours de sa carrière, il a illustré notamment la revue Barreaux de France.
En 1998, paraît sa première bande dessinée La grande histoire des avocats consacrée au métier d’avocat depuis les origines de la profession ; elle sera suivie en 2005 de L’Affaire Seznec. L’auteur sait utiliser la mémoire locale puisque Dreyfus comme Seznec ont longuement séjourné au dépôt de Saint-Martin avant de gagner le bagne de Guyane. De nombreux témoignages de leur séjour dans l’île de Ré ont été conservés.
Dans les bandes dessinées de Jean-Marie Digout, le lecteur retrouve l’exigence de vérité de l’avocat et son souci de réhabiliter les victimes de la justice ou de l’injustice, qu’elle soit civile ou militaire, l’essence même de sa vocation d’avocat. Il sait au demeurant restituer parfaitement le contexte politique et social des affaires qu’il évoque. On prête à notre lauréat le projet d’évoquer encore une figure du bagne, celle d’Edmond Duez, le liquidateur des congrégations religieuses ».
• Prix de Marennes décerné à Benjamin Caillaud pour ses photographies du littoral
Benjamin Caillaud |
L’exercice photographique de style documentaire de Benjamin Caillaud se veut résolument à hauteur d’homme. S’inscrivant dans une identité territoriale forte évitant le pittoresque, la question de la mémoire est particulièrement présente dans sa démarche.
En 2010, l’aspect traumatique du passage de la tempête Xynthia sur les côtes charentaises décide de l’orientation majeure de son travail d’auteur vers les questions littorales. Le choix d’une écriture au long cours le conduit à s’exprimer principalement sous la forme de publications et d’expositions en France et à l’étranger. La dernière en date, en 2021, était consacrée à l’ostréiculture.
L’Académie de Saintonge est heureuse de saluer son travail qu’il poursuit actuellement sur un autre thème, celui du Covid-19, où il a exploré de nouveaux rapports à la plage et à l’espace littoral ».
• Prix Claire Belon décerné à Manuel Audigé pour son école de musique et l'organisation de concerts en Val de Saintonge
Rapport de Christine de Ponchalon :
« Une belle histoire que celle de l’Association pour le développement musical en Saintonge. Elle fête ses trente-sept années d’existence pour le plus grand bonheur de ses élèves, de ses professeurs et de son créateur Manuel Audigé. Né à Saintes, il commence la musique à l’âge de six ans au Conservatoire municipal et obtient son diplôme en saxophone. La musique et lui ne se quittent pas : il intègre ensuite la musique régionale de l’armée à Bordeaux, puis le Conservatoire de cette même ville. Cette passion et ce talent pour enseigner l’amènent à créer, en 1986, à la demande de nombreux parents, une école de musique en milieu rural, à Saint-Hilaire de Villefranche. Succès immédiat. Dès l’année suivante, 1987, 120 élèves sont inscrits aux cours de saxo et clarinette, dont 110 débutants en formation musicale. Tous sont originaires des communes avoisinantes.
Ce succès amène la nécessité de structurer les activités de l’école qui adhère à l’Association des sociétés et écoles de musique de Charente-Maritime. Cette année, 230 élèves suivent les cours. S’y joignent une cinquantaine d’autres instrumentistes et choristes participant à la vie collective de l’école de musique. Le monde rural n’est pas un désert culturel, loin de là !
Au nom de l’ADMS Manuel Audigé a reçu la médaille de chevalier des Arts et Lettres, l’Académie de Saintonge lui décerne sa médaille et le Prix Claire Belon 2022 ».
Des huîtres pour Manuel Audigé et son école de musique |
Un concert a clôturé la remise des prix de l'Académie de Saintonge |
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