mercredi 14 juin 2017

Maison des Douaniers de Saint-Palais : une restauration réussie entre Terre et Estuaire

Appelée à devenir un centre culturel, la Maison des douaniers, située à Saint-Palais sur mer, est l’exemple d’une restauration réussie. Le duo maître d’œuvre/maître d’ouvrage, autrement dit la Communauté d'agglomération de Royan et le cabinet d'architectes Arc&Sites, n’a pas connu de tangage. On peut même dire qu’il a parfaitement fonctionné…

Rémi Desalbres, les membres de l’agence d'architectes Arc&Sites à Saint-Palais sur Mer 
aux côtés de l'artiste Odile Pelier
« C’est un très bon maître d’ouvrage » déclare Rémi Desalbres, architecte de l’agence Arc&Sites, en citant Jean-Pierre Tallieu qui n’est pas mécontent du compliment. Chaque partie a œuvré dans le même sens : redonner une identité à cette Maison des douaniers fermée depuis plusieurs années. Concilier passé et présent tout en apportant cette touche qui donne à la structure un supplément d’âme. Reposant sur la confiance, les échanges, constructifs, se devinent à travers l’harmonie que dégage l’ensemble. Très compartimenté en raison des bureaux "historiques", l’espace a été épuré, dégageant une liberté de mouvement. Les artistes s’y sentiront comme chez eux…

L'inauguration de la Maison des douaniers mardi après-midi
Les allocutions des élus dont celle de Jean-Pierre Tallieu, président de la Cara
Comment transformer et ouvrir la Maison des Douanes au public sans dénaturer le site, ni rompre avec sa longue histoire ? Le projet conçu par l’agence bordelaise Arc&Sites propose un aménagement à la fois respectueux du bâtiment et très contemporain dans sa manière d’aborder le site classé du littoral.
Enduit à la chaux, pierre locale, béton blanc... Après quinze mois de travaux, la Maison des Douanes offre un nouveau visage, dont toutes les couleurs ont été empruntées à celles du littoral environnant.
En choisissant l’agence d’architectes du patrimoine Arc&Sites pour la transformation de la Maison des Douanes, le jury de sélection a d’abord été sensible à la manière dont le bâtiment et son environnement seraient préservés. Aucune modification n’a ainsi été apportée à la forme extérieure de l’ancien bureau douanier, dont la silhouette sobre et emblématique, visible depuis l’estuaire, a été conservée.
Les architectes du patrimoine ont mené notamment des recherches aux Archives du Ministère de la Défense pour connaître les particularités d’un site dédié à l’observation de la mer et du littoral. Au XXe siècle, les douaniers ont, en effet, ramené d’importantes quantités de terre sur la parcelle pour y créer un potager. Les grandes failles rocheuses sculptées par la mer ont été partiellement comblées.

La parcelle, où subsiste une batterie destinée à protéger la conche et défendre l’estuaire, avait perdu son lien avec l’océan. La proposition des architectes a été de "raccrocher" la Maison des Douanes au paysage côtier et à son socle rocheux.
Pour agrandir et faciliter le fonctionnement du nouveau site, Arc&Sites a alors imaginé une extension qui émerge du terrain comme un rocher. À l’intérieur, de grandes salles d’exposition et de détente offrent des vues cadrées sur l’horizon. Un salon de thé permet d’y apprécier le spectacle sans cesse renouvelé de l’estuaire, en fonction des heures de la journée ou des saisons. Ouvert à tous les promeneurs, un belvédère a été aménagé sur le toit de l’extension, d’où le regard embrasse le plus vaste estuaire d’Europe, du Verdon à la pointe de Vallières.
Dans le bâtiment principal, un espace d’interprétation (« le bureau ») permet de découvrir l’histoire du site de l’estuaire et prolonge le parcours scénographique du sentier.

Parmi les projets de l’agence, la valorisation de l’aqueduc gallo-romain de Saintes

L’agence Arc&Sites a fait de la création d’équipements culturels, en sites patrimoniaux, sa spécialité, notamment la reconversion de bâtiments anciens à un nouvel usage répondant aux besoins actuels de la société.
Fondée à Bordeaux en 2005 par Rémi Desalbres, l’agence, également présente à Poitiers depuis 2013, associe des architectes ensais/insa et dplg, tous diplômés de l’École de Chaillot.
Les architectes d’Arc&Sites conçoivent le caractère patrimonial d’un site comme autant d’opportunités d’en révéler les qualités architecturales et paysagères en privilégiant « l’intelligence » du bâti d’origine tant dans sa structure que dans son aménagement pour un nouvel usage. Leur démarche est fondée sur une analyse des qualités de l’architecture et du site, pour garantir la cohérence et la performance fonctionnelle, technique et esthétique du projet de réutilisation. Cette approche favorise l’intégration harmonieuse d’ajouts contemporains dans l’existant.
En recherche constante d’un équilibre entre respect du patrimoine et de l’environnement, performance technique et création, Rémi Desalbres, membre du Frac Aquitaine et proche d’artistes et d’artisans d’art, perçoit aussi dans la création artistique une opportunité de prolonger le patrimoine. Chaque nouveau chantier permet ainsi de transmettre, entretenir et renouveler les savoir-faire des métiers du patrimoine et des métiers d’art. C’est également l’occasion d’innover avec les bureaux d’études spécialisés en adaptant et en intégrant des solutions techniques contemporaines au bâti ancien.
L’agence a ainsi développé une compétence particulière de la gestion de la performance énergétique en bâti ancien dans le cadre de la réhabilitation énergétique de l’ambassade de France à Belgrade, monument Arts Déco de l’architecte Roger Henri Expert.

L’Ambassade de France à Belgrade

La volonté de conjuguer patrimoine, art et modernité dans une architecture responsable est au cœur du travail de l’agence Arc&Sites depuis plus de 10 ans. Deux de leurs réalisations ont été distinguées par le Prix national « Les rubans du Patrimoine » : la création d’un conservatoire intercommunal de musique et de danse dans l’hôtel du président Tyndo à Thouars (79) en 2016 et le centre des métiers d’art et médiathèque dans un monument historique en Béarn à Morlanne (64) en 2013.

L’agence travaille actuellement sur plusieurs projets dont la reconversion du couvent des Recollets à Ciboure (où d’intéressantes fresques ont été retrouvées) pour en faire un pôle culturel. Edifié en 1611 par des moines franciscains, ce couvent avait été construit pour réconcilier Ciboure et Saint-Jean de Luz, réunies sous le nom poétique de Chauvin-Dragon au XVIIIe siècle. En 1800, fin de ce mariage un peu forcé, les deux communes ont repris leur indépendance et leur nom originel !

Le couvent des Récollets de Ciboure
 S’y ajoute la mise en valeur et la création d’un parcours d’interprétation de l’aqueduc gallo-romain de Saintes (le projet, s’articulant autour du moulin et de la fontaine de Vénérand, sera présenté durant l’été par la CDA que préside Jean-Claude Classique).

Gravure ancienne de l'aqueduc de Saintes
L'aqueduc dans un état parfait de conservation
L’agence est par ailleurs lauréate du concours pour la création d’un musée et d’un parcours d’interprétation du site archéologique gallo-romain de Tintignac (Corrèze) où a été retrouvé intact, en 2004,  un instrument de musique gaulois, le carnyx. Cet instrument était plus précisément une trompette employée à l'occasion des conflits pour effrayer l'ennemi. Les Romains le craignaient, dit-on. Inutile de vous dire qu’il est difficile d’en jouer…

Evidemment, le carnyx des Gaulois ne passe pas inaperçu !
 La Ville de Toulouse lui a confié en 2017 la réalisation de son plan stratégique définissant les priorités en matière de restauration, conservation et mise en valeur du patrimoine de la ville dans la perspective d’une candidature au patrimoine mondial de l’UNESCO.

(Remerciements à la rédaction du magazine de la CARA)

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