Jean-Pierre Raffarin l’avoue : il aurait aimé être un élu de Charente-Maritime, département qu’il connaît bien puisqu’il a été président de la région Poitou-Charentes. Natif de la Vienne, fils de Jean Raffarin qui fut secrétaire d’Etat à l’Agriculture du gouvernement Mendès France, il a effectué une carrière bien remplie qui l’a conduit au Gouvernement, d’abord en tant que ministre du Commerce et de l’Artisanat dans le cercle d’Alain Juppé, puis comme Premier Ministre de Jacques Chirac de 2002 à 2005.
Cette mission-là fut un peu plus difficile : n’étant pas issu du sérail parisien, il eut à montrer patte blanche et faire ses preuves. Sénateur depuis 1995, il a toujours gardé un pied dans la politique et fait entendre sa voix à chaque occasion. Après tout, il sait comment s’organisent les jeux dans l’arène.
Avec son dernier livre « Je marcherai toujours à l’affectif », il dévoile pour la première fois sa vie à Matignon, tout en confiant de nombreuses anecdotes qui mettent en scène de hauts personnages de l’Etat. Et si Paris n’était finalement qu’un village ?
• Jean-Pierre Raffarin, vous venez de publier chez Flammarion un livre de souvenirs intitulé « Je marcherai toujours à l’affectif ». Précisément, est-il facile de marcher à l’affectif quand on sait que le monde politique est tout… sauf affectif ?
Je fais partie de ceux qui croient aux valeurs de l’affectif, c’est-à-dire aux valeurs de l’humanisme. Dans ma vie publique, je me suis battu pour qu’elles existent et j’ai de beaux exemples d’amitié, ne serait-ce qu’avec Dominique Bussereau, président du Conseil général de Charente-Maritime, et avec tous ceux avec qui j’ai exercé des responsabilités. Je persiste et signe : l’affectif existe aussi en politique !
• On vous a tout de même glissé des peaux de banane ?
Bien sûr qu’on a des peaux de banane, qu’il s’agit d’un monde cruel et souvent brutal. Certains craignent qu’en accordant trop d’importance à l’affectif, c’est-à-dire en étant trop tendre, ils seront vulnérables. Toutefois, si on néglige l’affectif, on passe à côté de la victoire, de l’essentiel. Je pense qu’avec un peu d’affectif, Nicolas Sarkozy aurait gagné les élections présidentielles.
• A votre avis, quelles sont les causes de sa défaite aux Présidentielles ?
Nicolas Sarkozy a réussi une performance de campagne électorale exceptionnelle. Toutefois, je pense que s’il avait anticipé d’une quinzaine de jours le ton de respect et de tempérance qu’il a eu le soir de sa défaite, l’issue du scrutin aurait peut-être été différente. En tout cas, l’écart qui sépare Nicolas Sarkozy de François Hollande a été très serré.
• Au niveau européen, êtes-vous inquiet pour l’avenir de la Grèce ?
Je suis inquiet en effet. Il faut tout faire pour que la Grèce reste dans l’Europe. Si elle quitte l’Europe, elle coûtera plus cher que si elle y reste. La solidarité européenne, ce n’est pas d’abandonner ceux qui sont en difficulté. Si on commence, on risque de provoquer un effet spirale très grave. La détermination franco-allemande est nécessaire aujourd’hui pour sortir la zone euro de ses incertitudes. Pour notre avenir, il est grand temps que le Président de la République, François Hollande, prenne conscience que la relation franco-allemande est une figure imposée.
• Jean-Pierre Raffarin, vous êtes sénateur d’une assemblée qui est désormais présidée par la Gauche. Qu’est-ce qui a changé dans l’hémicycle ?
Désormais, le Sénat est un peu l’antichambre haute du pouvoir, c’est-à-dire qu’on a vu les Socialistes voter beaucoup de taxes nouvelles. Depuis que le Sénat est passé à gauche, 17 impôts nouveaux ont été votés et des dépenses nouvelles sont régulièrement décidées. Je pense que le Sénat à gauche préfigure ce qu’est le socialisme dépensier et donc les difficultés dans lesquelles nous allons nous retrouver quand les promesses du président Hollande seront mises en place.
• Pourriez-vous être plus explicite sur ces 17 taxes ?
Il s’agit de taxes sur les entreprises, les commerçants, les collectivités locales. C’est à l’occasion du débat budgétaire de printemps que ces dix-sept taxes ont été ajoutées pour résoudre les problèmes de financement. D’une manière générale, au Sénat, les Socialistes ont montré qu’ils préfèrent ajouter des taxes plutôt que de supprimer des dépenses.
• Pourtant, le train de vie des Ministres et du Président semble avoir été réduit ?
Je pense que ce sont des apparences. Combien vont coûter l’augmentation des salaires de la fonction publique et le recrutement de 60.000 fonctionnaires ? Les Socialistes font, avec cette question du train de vie de l’Etat, de la cosmétique. A titre d’exemple, quand F. Hollande voyage en train, l’avion doit tout de même se rendre à Bruxelles au cas où le président serait contraint de rentrer d’urgence.
• Depuis votre élection au Sénat, vous avez toujours appartenu à la majorité. Vous êtes désormais sénateur de l’opposition. Comment vivez-vous cette situation ?
Je suis vice-président du Sénat et je travaille donc quotidiennement avec le Président Jean-Pierre Bel. Les voix de l’opposition essaient d’éviter que les blessures socialistes n’affectent notre pays. Les discussions sont permanentes pour éviter des décisions qui feraient mal à notre économie. Encore aujourd’hui, plus de 15 ans après, les 35 heures coûtent 14 milliards au budget de l’Etat chaque année. L’un des problèmes pour l’Etat, c’est que les mauvaises décisions sont durablement coûteuses.
Archives : Meeting politique avec Dominique Bussereau et Elisabeth Morin à Pons (17)
• En dehors du Sénat, les élections législatives des 10 et 17 juin sont un enjeu important…
En effet, je m’implique et soutiens des candidats dans toute la France. Je suis allé à Fécamp, Senlis, l’Aigle dans l’Orne, l’Isle Adam. Je fais 19 meetings sur 21 jours durant cette campagne. L’autre semaine, j’étais à Saint Jean d’Angély pour soutenir Frédéric Neveu aux côtés de Paul Henri Denieuil et Xavier de Roux. Je serai à Pons le lundi 11 juin à 18 h pour animer une grande réunion de soutien à Dominique Bussereau et son suppléant Francis Savin.
• Quel regard portez-vous sur la circonscription de La Rochelle où Ségolène Royal est opposée, en plus de l’UMP, à un ex socialiste Olivier Falorni ?
Je trouve que la championne de la démocratie participative a inventé le parachutage autoritaire. Et il n’y a rien de plus éloigné de la démocratie participative que le parachutage autoritaire ! Je ne suis pas socialiste, mais M. Falorni n’a pas, à mes yeux, que des défauts…
• Revenons à votre livre de souvenirs. Quel est le passage que vous avez préféré écrire ?
C’est le message aux jeunes. Alors que j’ai la soixantaine, que j’ai roulé ma bosse comme on dit, j’ai voulu leur exprimer un message de confiance en disant pourquoi ils ne doivent pas avoir peur de l’avenir et pourquoi ils n’ont pas à avoir de complexes vis à vis des jeunes Chinois, Indiens ou Brésiliens. Cette observation résulte des nombreux déplacements que j’ai eu l’occasion d’effectuer à l’étranger. Les jeunes Français n’ont aucune raison de douter en leur réussite.
Inauguration des Antilles de Jonzac en 2002. Jean-Pierre Raffarin est alors Premier Ministre
• Dans votre histoire personnelle, y a-t-il une porte que vous auriez aimé pousser ?
J’aurais aimé effectuer un parcours en Charente-Maritime à partir de mes bases de Châtelaillon. J’ai pour ce département beaucoup d’intérêt. Il y a dans ce territoire une énergie assez exemplaire ! En juillet prochain, je participerai au dixième anniversaire des Antilles de Jonzac que j’ai inaugurées en août 2002 aux côtés de Claude Belot. Avec Dominique Bussereau, je vois tous les projets qui, en permanence, germent et se mettent en place. Ce département aux paysages variés, du littoral à l’arrière pays, et aux activités multiples est attractif. La Charente-Maritime est une petite France à elle toute seule ! Pensez à la frégate l’Hermione qui va bientôt partir de Rochefort. C’est une terre où il y a encore du rêve…
L'info en plus
• Avec Dominique Bussereau, Jean-Pierre Raffarin aide une nouvelle génération à entrer en politique. Assurer la relève en quelque sorte en apportant son expérience.
• Confidence : « Pour moi, la présidence d’un Département est l’une des plus belles fonctions de la vie politique française ».
• Au sujet de la Maison du Département de Charente-Maritime : « c’est sans doute l’une des plus beaux bureaux de la République, non pas pour son prestige, mais par sa situation face à la mer ».
• La Chine le passionne
Jean-Pierre Raffarin est un grand marcheur. Il accomplit le chemin de Saint-Jacques de Compostelle dont il fera le dernier tronçon durant l’été 2013. Il aime sa maison de Châtelaillon où il s’adonne volontiers à la lecture.
L’un de ses thèmes favoris est la Chine : « Je me passionne pour la civilisation asiatique dont l’influence sur le monde est importante » dit-il. Ajoutons qu’en pleine grippe aviaire, la délégation française qu’il conduisait en tant que Premier Ministre a été la seule à se rendre à Pékin, répondant à l’invitation du gouvernement chinois. Un courage que les responsables de l’Empire du Milieu apprécièrent.
Propos recueillis par Nicole Bertin
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