mercredi 14 octobre 2009

Gérard Depardieu :
Plusieurs vies, comme les chats !


On m’avait dit : « tu as une chance sur deux pour qu’il t’accorde un entretien. Tu peux te faire jeter, c’est un risque à prendre ! ». Ne travaillant pas pour la presse people, la question était de savoir comment on aborde un comédien qui a si bien incarné Cyrano de Bergerac.
Confidence pour confidence, je ne me voyais pas arriver en lui déclamant la fameuse tirade sur le nez, histoire de m’attirer ses bonnes grâces ! Ayant une chance sur deux pour me prendre les mots dans le tapis de la mémoire, les rires auraient accompagné cette intrusion dans l’univers fécond d’Edmond Rostand. Et rater un cap, voire une péninsule, m’aurait irrémédiablement projetée dans l’irrecevable !

Alors, comment faire sinon lui vanter ses chers vignobles (selon les conseils de Mona) ou les saveurs de la mouclade charentaise, spécialité que ce natif de Châteauroux semble apprécier ?
N’étant pas assez superstitieuse pour consulter un astrologue, le plus simple était d’attendre l’acteur sur les lieux du tournage “La tête en friche“, film que réalise à Pons le cinéaste Jean Becker.


Action !


Lundi, il fait un soleil le plomb. Non loin des charmilles, l’équipe a planté son décor. Installation, son, lumière, cadrage, la ruche s’active tandis que Jean Becker, assis selon l’usage sur une chaise gravée à son nom, règle ses caméras et veille aux moindres détails.
La première scène de l’après-midi concerne le moment où Germain Chazes écrit son nom sur le monument aux morts, sous le regard courroucé du maire adjoint.
Quand Depardieu apparaît enfin, il souffre d’une cheville qu’il s’est manifestement foulée. Il boitille, mais quand il passe à l’action, la douleur semble plus légère. Ses ailes de géant ne l’empêchent pas de marcher, parole de Voltarène !


Il met son masque et incarne avec précision ce personnage dont il a pris les traits. Il vérifie les répliques et se pose en cet espace où tout s’agite autour de lui. Il y a du monde pour orchestrer le mouvement ! L’élu, qui surgit de l’hôtel de ville au pas de course, l’apostrophe : « Pourquoi fais-tu cela ? Seuls les soldats morts pour la France peuvent figurer sur la stèle » lance-t-il. « Pour faire chier » murmure Germain qui se dirige vers l’allée où l’attendent des figurants.
Quand l’instant est immortalisé (après plusieurs prises), Gérard Depardieu s’approche de Jean Becker et parle d’une “entrevue“ qu’il aura bientôt avec une chatte. Une vraie, celle qui fait miou-miou. L’entourage sourit à ses réflexions aux évidentes arrière-pensées.

Quelques Pontois sont là, dont des conseillers municipaux et le docteur Alain Jaubert qui lui prodigue des conseils quant à son membre endolori. Au moment de lui prendre la tension, le tissu s’avère presque trop petit pour entourer le bras du comédien. Ça serre ! Qu’importe, si votre entregent se rapporte à votre talent, vous êtes le phénix des hôtes du jardin public !
L’ambiance est plutôt décontractée. Dès la pause finie, le sérieux reprend le dessus avec ses exigences et ses contingences. Il faut se presser car les nuages altèrent la luminosité, précise Jean Becker qui en connaît un rayon.


Se dénuder, sans feuilles de vigne !


Quand la tension s’apaise, Gérard Depardieu trouve le temps de répondre à quelques questions. Oui, il le peut !
Aujourd’hui, il est l’un des plus grands comédiens français, sinon le plus grand, changeant de peau avec la farouche volonté d’incarner d’autres personnages sans jamais se laisser envahir. Ça, il ne le veut pas. Son ancienne carapace, il la garde précieusement, même si la nouvelle est plus flatteuse et surtout plus confortable.
Comme les chats, il a plusieurs vies. Il enchaîne les rôles à la manière d’un voyageur, en espérant que chaque étape sera source de découvertes et de rencontres. L’existence, en sacrée cachottière, les dévoile peu à peu.
Derrière son regard bleu, ses brusqueries et ses exclamations aussi sonores qu’un clairon, Depardieu vendange un champ de grappes étoilées où seule l’émotion a droit de cité. Jouer, c’est vivre et avancer, sécateur au panier. Apparaître à l’écran, c’est aussi se dénuder, sans feuilles de vigne sur les yeux.
Celui qui se perd dans sa passion perd moins que celui qui perd sa passion, a écrit Saint Augustin.

• L'info en plus

Le vin, un autre métier !

Le vin est la passion de Gérard Depardieu qui a acheté son premier vignoble dans les années soixante-dix, en Bourgogne. Il a ensuite investi dans un autre vignoble en Anjou, en 1989 avant de faire l’acquisition du prestigieux Château Lussac Saint-Émilion avec Bernard Magrez. Il a également investi, entre autres, au Maroc, en Argentine, en Algérie et en Espagne. « Pour moi, faire du vin est un autre métier. Il faut aussi tenir compte des modes » explique-t-il.
De nombreux pays étrangers possèdent aujourd’hui des vignobles qui concurrencent la production française. La vinification, qui laissait à désirer il y a une quinzaine d’années, est actuellement maîtrisée.
D’une manière générale, Gérard Depardieu estime que la France a perdu son rythme de croisière : « elle n’occupe plus la place dans le monde qu’elle avait auparavant. Elle est un peu dessous, sur tout d’ailleurs, à part dans l’aéronautique »…

Photo 1 : Daniel Laurent, sénateur, ancien maire de Pons et Jean Becker

Photo 2 : Gérard Depardieu avec Jean et Louis Becker

Photo 3 : Discussion pendant le tournage

Photo 4 : Santé !

Photos Nicole Bertin

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