« A Saint-Denis, l'assaut des forces de l'ordre s'est fait sous le contrôle du procureur de la République. Avec raison, les magistrats estiment que notre pays n'a pas pas besoin de lois supplémentaires, encore moins de modification de la Constitution, notre dispositif législatif étant suffisant pour réprimer, par la voie judiciaire, le terrorisme et tout ce qui s'y rattache. J'ajoute : y compris la « radicalisation » coranique.
Certes, la notion de radicalisme n'est pas définie en droit, en revanche il existe des qualifications pénales appropriées: apologie de crimes, incitation à la haine, sans oublier l'incrimination spéciale de terrorisme par provocation ou apologie, qui est comprise comme un acte terroriste en soi.
Aux temps anciens, chaque profession avait un costume. De nos jours, la « mode » a pris le dessus, gommant en grande partie l'affichage vestimentaire des métiers et des conditions sociales.
Or, depuis à peine une quinzaine d'années, les prétendus « radicalisés » - stricto sensu revenus aux racines de leur Coran - ont décidé eux aussi d'user du langage vestimentaire pour afficher leurs convictions. Prosélytisme visuel, d'autant plus voyant qu'ils sont les seuls à s'exprimer ainsi. On s'est habitué à leurs accoutrements allogènes, on les reconnaît dans la rue, ils font ouvertement profession de leur idéologie par leur apparence, et... tout le monde s'en fout !
Jusqu'au 13 novembre, ils bénéficiaient en France, pays libéral, civilisé et ouvert à la diversité, de la liberté d'accoutrement prosélyte. Ils avaient droit à la différence comme à l'indifférence.
Or, le 13 novembre 2015, tout a changé. Le sang français a été répandu de la manière la plus odieuse qui soit par des assassins se réclamant justement de l'idéologie coranique radicale. Dès lors, le signe vestimentaire du radicalisme, qui suscitait l'indifférence ou au pire l'agacement, est maintenant ressenti par les Français endeuillés et choqués comme une insupportable provocation.
La notion de provocation est à l'appréciation du juge, et d'ailleurs elle n'est pas circonscrite aux infractions de terrorisme. Par exemple, en matière de diffamation et d'injure existe « l'excuse de la provocation », qui admet le principe de l'arroseur arrosé.
Dans le contexte post-attentats, et au nom dudit principe, il ne faudra pas s'étonner que les signes extérieurs de radicalisation (costumes, barbes) soient interprétés par les citoyens français comme des provocations intolérables. Dans ce cas, au plan pénal, l'apostrophe et l'invective qui pourraient en résulter auront donc l'excuse de la provocation. D'une provocation, l'autre. Provoquer à l'injure est une chose ; provoquer à des actes de terrorisme en est une autre. La première a valeur d'excuse ; la seconde est un délit passible de cinq à sept ans de prison.
Constatons au passage un singulier anniversaire : un an jour pour jour après la loi du 13 novembre 2014 qui incriminait la provocation à des actes de terrorisme, ont eu lieu à Paris les carnages que l'on sait.
Le texte de cette loi du 13.11.2014 est le suivant (article 421-2-5 du Code pénal) : Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne.
Qu'est-ce que « provoquer directement à des actes de terrorisme » ? A cette question, il y a plusieurs réponses selon que l'on se place avant ou après le 13.11.2015 : Est-ce que le cri de ralliement « Allahou akbar » est une provocation incriminable ? Est-ce que le voile islamique ou autres signes ostensibles de radicalité sont des provocations au sens pénal ? Le juge ne peut pas ignorer le contexte de tels actes intentionnels ; il ne peut pas ignorer comment se construit le sens des paroles et des signes vestimentaires ; il est dans la société avant d'être dans le Code pénal. La loi se lit différemment en temps de paix et en temps de guerre.
Avant le 13.11.2015, le lien entre costume islamiste et terrorisme n'était pas manifeste. Après cette date, l'affichage parfaitement décodable d'une conviction extrémiste n'est plus dissociable d'un appel au crime de sang. C'est ainsi que le ressent le peuple français, au nom duquel la justice est rendue. L''Etat n'a même pas à prendre les devants, il n'a qu'à repérer les « radicalisés » qui se signalent eux-mêmes par leur apparence physique et vestimentaire. Leurs signes extérieurs sont aussitôt lus par tout le monde comme une étiquette : « Je suis solidaire avec les assassins du Bataclan ». Le sens est toujours en partie implicite, il se construit toujours sur des indices.
Si j'écris anesth... tout le monde sait que je veux écrire anesthésie c'est flagrant, l'équivoque n'est pas permise. Si je porte un costume de « radicalisé », tout le monde en déduit que j'affiche un soutien aux terroristes. C'est tout aussi flagrant. Le juge, comme tout un chacun, construit le même sens avec les mêmes indices. Dès lors, qu'il sanctionne la provocation ! C'est son boulot ».
Jacques Perrot
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