dimanche 8 septembre 2013

Bruno Albert : De la mairie
de Montlieu à l'écriture

  
L'ancien maire de Montlieu La Garde publie son premier roman. On ne l'attendait pas sur le terrain de l'écriture. Et pourtant, il y avait des signes. Un esprit d'analyse, fin et aiguisé, assorti d'un humour aigre-doux qui ne manquait jamais d'amuser la galerie. 
Aujourd'hui, Bruno Albert écrit une nouvelle page de son existence avec ce livre dont l'action se situe au cœur du Médoc. Sa façon à lui de rebondir en révélant une facette cachée de sa personnalité.


• Bruno Albert, les Saintongeais se souviennent de vous en tant que maire de Montlieu. Avec la publication de "Un souper au Médoc", ils découvrent une nouvelle corde à votre arc. Comment ce livre est-il né ? 

Ce livre est né dans la douleur. Effectivement, j’étais maire après avoir été adjoint et, vers la fin de mon second mandat, même si j’ai tout fait pour dissimuler la chose, je sentais que mes forces physiques me lâchaient. A l’époque, je n’étais pas en mesure de poursuivre mon engagement. Mes reins ont cessé de fonctionner, sans prévenir, et j’ai du prendre trois fois par semaine le chemin de l’hémodialyse avant une greffe en 2011. Ceux qui me connaissent comprendront que j’ai trouvé le temps long. C’est pourquoi je me suis bâti une sorte de tour d’ivoire et j’ai pris la plume pour continuer à faire fonctionner mon cerveau.

•  S'agit-il de votre premier roman ou avez-vous d'autres essais sous le coude ? 

Oui. C’est un premier roman, le second est au stade de la correction et le troisième à l’écriture. En fait, si « Un Souper en Médoc » trouve son lectorat -et cela semble être le cas- je vais, au fil du temps, proposer une saga familiale dans les vignes du Bordelais depuis le Second Empire. Mais, au-delà de la vigne, j’ai souhaité rendre hommage aux gens de la terre. Dans ses mémoires, le Baron Haussmann, à l’époque sous-préfet de Blaye, avait été sidéré par un paysan, totalement illettré, capable de réciter, par cœur, la liste de tous les candidats à l’élection présidentielle de 1848. Comme quoi, être rural en bord d’Estuaire -Saintonge ou Médoc- ne rend pas nécessairement stupide ! Au contraire.

• D'une manière générale, ce livre vous libère-t-il d'un monde professionnel où la parole n'est pas forcément libre ?  

Vous savez, dans une certaine fonction publique -les hauts états-majors militaires pour ce qui me concerne- comme en politique, ce n’est pas la parole qui est muselée. C’est le ton qui est codifié. Jacques Chaban-Delmas, auprès duquel j’ai longtemps travaillé, avait en horreur les formules négatives. Jamais de négations, que des affirmations. Alain Juppé et les grands chefs militaires que j’ai servi, par contre, ne sont pas « langue de bois ». Les rapports sont directs. Rugueux parfois mais clairs.   Par contre, si j’ai voulu que « Un Souper en Médoc » soit un vrai roman, avec une vraie histoire, des vrais gens, c’est que justement j’ai souhaité montrer des personnes libres. Totalement libres. Y compris de dire des bêtises. Mais, dès lors que l’on sort des dialogues souvent cocasses, la base documentaire est solide. Spécialement en matière viticole puisque mon éditeur - Féret à Bordeaux - est depuis deux cents ans, la référence absolue et universelle dans le domaine.


• L'intrigue se déroule dans le Médoc. Toute ressemblance avec des personnages existants y est-elle purement fortuite ?

Evidemment que non… Personnellement, je n’envisage pas une seconde, dans l’écriture, de partir de rien du tout. Ma grand-mère maternelle, Anne Pillet, de Cussac Fort-Médoc, même si elle était l’épouse d’un garçon de Bussac-Forêt, connaissait son Médoc sur le bout des doigts. Elle m’a nourri de gestes, de paroles impérissables.   De façon générale, je ne me débrouille pas trop mal à l’oral mais j’ai compris qu’il était encore plus enrichissant d’écouter. Sur un marché, à la sortie d’un enterrement, au bistrot autour d’un café etc. C’est fantastique comme les gens fabriquent, plus ou moins volontairement, des pépites !
Par contre, si vous faîtes allusion au discours complètement névrotique du sous-préfet de Lesparre lors d’un comice agricole, sachez que je n’ai croqué aucun de ceux que j’ai fréquenté de près, ici, à Jonzac. Et puis, je pense aussi que je connais bien le clergé même si ses messieurs ont beaucoup changé depuis cent cinquante ans !

• Avez-vous d'autres projets de publication ?

J’apprécie, chaque jour, d’être en vie. Ce n’est pas banal. Je demeure toujours en retrait de l’activité mais, d’une façon ou d’une autre, je reviendrai. Après tout, je n’ai que l’âge d’un fils de sénateur bien conservé.
D’un point de vue littéraire, mon livre va concourir pour le prix du Premier Roman du Vin au Clos Vougeot en Bourgogne. Pour l’été prochain, je souhaite que « Un Souper en Médoc » trouve son interprétation sous forme de théâtre déambulatoire. Ensuite, j’indique, au passage, qu’en écrivant, j’ai tout de suite pensé à un scénario pour la télévision. A la grâce de Dieu.

• Enfin, si vous aviez une analyse politique à faire de la situation en Haute Saintonge avant les municipales de 2014, qu'écririez-vous ? 

Ah ! Vous me pardonnerez d’être global car vous avez compris que mon esprit est assez partagé. Je suis ici et ailleurs. Deux mots sur Montlieu La Garde, d’abord. Je constate que mon adjoint m’a succédé et qu’il aura passé son mandat à réaliser mes projets. Dans ce contexte, l’échec de la majorité départementale à l’élection cantonale paraissait inévitable. Par contre, je suis ravi qu’on ait mis un peu d’ordre à la Maison de la Forêt. Pour 2014, je souhaite, pour le canton, une équipe de maires ardents, compétents et soudés.
S’agissant de la Haute Saintonge, elle repose sur un homme costaud. Donc, pour l’avenir, le seul élément nouveau à considérer, c’est du fait de l’intégration de Pons, l’émergence d’une bipolarité avec Jonzac. Cela dit, l’intercommunalité n’est qu’un outil. Or, un outil, c’est rarement sexy ! A part un grand orgue.
Plus sérieusement, ce qui m’attriste, c’est le climat ambiant. La LGV n’est plus un projet fédérateur. L’Etat se retire, c’est un mauvais signal. Le département se retire. C’est dire que la grande région dont nous avons tous rêvé, autour de Bordeaux métropole, est mort-née. Je ne serais pas surpris que de mauvaises ondes viennent également perturber le SMIDDEST dont la vocation même est d’unir les deux rives de la Gironde. Ce serait dommage. Cela dit, nous ferons en sorte que le fleuve ne cesse de s’écouler, baignant Médoc, Bourg, Blaye, Pineau et Cognac !
Voulez-vous que je vous dise ? La France s’emmerde. Comme en 1849 et, pour en revenir au roman, le président qu’elle vient d’élire est celui que l’on n’attendait pas.

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