samedi 5 juin 2010

Christian Prouteau,
fondateur du GIGN :
“je ne suis pas James Bond“ !


Le voici, le voilà. Christian Prouteau n’est pas seulement un auteur qui appose sa signature, c’est d’abord un nom qui le suit comme un sillage.
En 1973, sous la présidence de Georges Pompidou, il a créé le GIGN, Groupe d‘Intervention de la Gendarmerie Nationale. Un sigle qui fait fantasmer les jeunes en quête d’héroïsme.
Le mouvement pacifiste de mai 1968, qui prêchait l’amour et la paix - le fameux "peace and love" agrémenté de fleurettes à conter - n’a pas réussi à gommer, dans l’esprit des nouvelles générations, cette volonté de s’illustrer en défendant leur pays.

Courageusement et pas n’importe où. Dans les corps d‘élite de préférence. La sélection y étant drastique, ces unités sont devenues "emblématiques"…


Invité des Marchés romanesques que propose le club Soroptimist de Saintes, Christian Prouteau a fait sensation. Simple, accessible, il s’est livré à une séance de dédicaces, provoquant la curiosité et finalement la surprise. De par ses anciennes fonctions (il a été l’un des meilleurs tireurs au monde), il pourrait rouler des mécaniques. D’autres, sans doute moins hardis au combat et plus vaniteux, n’hésiteraient pas à se mettre en scène et à faire monter l’adrénaline.
Par cette approche discrète, Christian Prouteau révèle sa véritable personnalité.
Il évoque les fonctions qu’il a occupées, en gardant une part du mystère puisque certaines affaires ne doivent ou plutôt ne peuvent filtrer au grand jour. Elles porteront toujours le sceau de l’omerta. L’écriture devient alors une sorte de thérapie. « Des mots pour dire ce qu’on a sur le cœur » écrit-il en forme de confession.

Des histoires, il en a des légions. Ses missions n’étaient pas ordinaires, il est vrai ! Tout le monde n’est pas chargé de protéger François Mitterrand, un président “florentin“ au point qu’il pourrait être comparé aux fameux cabinets italiens, superbement ornés et riches en tiroirs dont l’un, caché, reçoit les correspondances inavouables et secrètes. Devenu chef de la cellule anti-terroriste de l’Élysée, le poste qu’occupait Christian Prouteau n’est pas sans rappeler la fameuse garde rapprochée du cardinal de Richelieu, si bien racontée par Alexandre Dumas ! Il veilla aux destinées du Groupe de Sécurité de la Présidence de la République (GSPR) de 1982 à 1995.

Christian Prouteau et Mme Gangloff des Marchés Romanesques samedi dernier à Saintes (Charente-Maritime)

Mazarine

Dans son dernier ouvrage « la petite demoiselle et autres affaires d’État », Christian Prouteau parle longuement de Mazarine sur laquelle il a veillé pendant treize ans. « J’ai permis à cette fillette, nullement responsable d’une situation délicate, d’avoir une vie à peu près normale et heureuse. C’est peut-être ce dont je suis le plus fier » avoue-t-il. Il y a réussi : Mazarine est appréciée des Français qui voient, en cette jeune femme éprise de littérature, “le portrait craché de son père“.

Entrer dans l’intimité des Grands de ce monde est-il dangereux ? Christian Prouteau, dont le grand-père et le père étaient officiers, ne s’est jamais posé la question. On ne commente pas les ordres d’un Président de la République : on les exécute. Au risque de se brûler les ailes. La coupe a débordé quand il a été condamné à plusieurs mois de prison avec sursis pour avoir écouté téléphoniquement les soit disant ennemis de François Mitterrand : « J’ai eu du mal à me relever de ce procès ». S’il ne le dit pas ouvertement, il s’est aperçu que les protections d’hier avaient disparu. La justice l’a sanctionné. Lui n’avait fait qu’obéir aux ordres…

James Bond ?

Il ravive le passé avec une certaine nostalgie. Ces moments-là, exceptionnels, ne se rattrapent guère. À Saintes, il a été assailli de questions : « je ne suis pas Zorro » plaisante-t-il. Devant un public pensant rencontrer James Bond, il raconte le jour où un forcené, sur le point de se rendre, lui a tiré en pleine face en voyant débarquer la télévision. Défiguré, Christian Prouteau a passé plusieurs mois à l’hôpital.
L’Armée possède fort heureusement les meilleurs chirurgiens esthétiques, les héritiers de ces médecins de l’impossible qui redonnèrent un visage aux "gueules cassées" de la Première Guerre Mondiale. « La veille de l’intervention, j’ai osé me regarder dans un miroir car je voulais faire la comparaison entre l’avant et l’après. À quoi je ressemblais ? à Belphégor ! ».
Christian Prouteau a retrouvé son apparence et les deux opérations ne se devinent pas. Est-il si différent du passé ? « Je voulais une morphologie faciale plus carrée ». Il l’a obtenue grâce à des mains expertes. Ces mêmes talents qui travaillent à réparer les dégâts occasionnés par les armes nouvelles, les balles qui “vrillent“ en particulier.

Retraité depuis 2009, Christian Prouteau laisse tomber une partie du masque. Au sujet des preneurs d’otages, il déclare que tous sont suicidaires et n’attachent aucune importance à leurs vies. Des “profilers“ qui font grimper l’audimat des séries télévisées, il sourit. « Quand on a de l’expérience, on sait comment fonctionnent les terroristes. Leur seul objectif est d‘obtenir ce qu’ils demandent ». Pas besoin de voyant pour lire dans leurs pensées !
En relatant des événements de son existence, Christian Prouteau s‘est fait connaître sous un autre jour : « je me suis découvert, mis à nu. Quand j’anime des conférences sur mon expérience au GIGN, je parle du respect de la vie et de son prix. J’amène mes auditeurs à remettre en cause leurs certitudes. Pour moi, la vie est un bien précieux ».

Il pense - et il le dit dans l’entretien qui suit - à ces vies perdues lors de prises d‘otages et s’interroge sur le déroulement des événements : « Je revois certaines scènes tragiques et me dis : aurais-je pu faire autrement ? ».
Hanté par ses fantômes, Christian Prouteau ? On le serait à moins quand on a vécu des situations d’une intensité extrême. Il faut être fortement entraîné pour faire face au danger, se contrôler, s’organiser soi-même en quelque sorte, tout en sachant que les résultats de la mission dépendent de la cohésion des intervenants.
« Il y a une chose dont je suis sûr, c’est qu’aucun de mes hommes ne m’aurait tiré dans le dos » souligne-t-il. Une phrase qui en dit long sur la confiance et le respect qu’il a inspirés. Sur ce chapitre (au moins), Christian Prouteau peut dormir tranquille…


Fils d’un Colonel de gendarmerie, Christian Prouteau a créé le GIGN en 1974. Il a ensuite dirigé la cellule anti-terroriste de l’Élysée jusqu’en 1995, avant de devenir Préfet hors cadre. Christian Prouteau a publié trois livres : Mémoires d’état, Au service du Président et La petite demoiselle et autres d’affaires d’État, chez Michel Lafon.

L'info en plus
• Le cinéaste Henri Verneuil fit appel à des membres du GIGN pour le tournage du film “Peur sur la ville” avec Jean-Paul Belmondo. Les professionnels de la cascade le prirent mal, dit-on !

Portrait/photos Nicole Bertin

1 commentaire:

Anonyme a dit…

j ai moi aussi habité satory plusieurs annees mais la gloire du gign n a pas besoin de laches critiques sur l action du raid a toulouse .ce commentaire s adresse à mr prouteau