lundi 4 novembre 2013

Sophie Labbé, créatrice de parfums : « L’immortelle me rappelle la Côte Sauvage »


Elle a un charme incroyable. Sophie Labbé est ce que l’on appelle un « nez » qui crée des parfums de renom dont Parisienne d’Yves Saint-Laurent ou Mon jasmin noir de Bulgari. Distinguée récemment par l’Académie de Saintonge, elle parle magnifiquement de son métier et surtout des odeurs qui composent son univers. L’une de ses fleurs préférées est l’immortelle. Elle lui rappelle la Côte sauvage et cet océan que le baigneur découvre après avoir traversé chênes verts et dunes façonnées par le vent. Née à Saintes, elle n’a rien oublié des effluves de son enfance ! Le parfum est une émotion qu’elle met en scène. Il laisse derrière chaque femme un sillage qui les rend plus belles. Sophie Labbé explique le chemin qui l’a conduite à exercer cette profession. En 2005, elle a été la première femme à recevoir le prix François Coty. 

• Sophie Labbé, quand avez-vous senti que votre nez avait quelque chose d’exceptionnel ?

 J’ai toujours été très sensible aux odeurs qui m’entouraient, mais je n’imaginais pas que l’on pouvait utiliser son nez pour exercer une profession passionnante.

• Parlez-nous de votre carrière professionnelle. Comment devient-on un « nez » pour les grands parfumeurs ?

Je ne savais pas que ce métier existait jusqu’au jour où j’ai lu un article sur l’ISIPCA (Institut Supérieur International du Parfum et de l’Aromatique Alimentaire), école qui forme aux métiers de la parfumerie. Avant de postuler dans cette école, j’ai souhaité rencontrer des parfumeurs. J’ai eu la chance de connaître Jean Kerléo, le parfumeur de la maison Patou à cette époque. Il m’a expliqué son métier et j’ai alors été convaincue que c’était la profession que je voulais exercer. Ensuite, j’ai passé deux ans à l’ISIPCA et suis sortie major de ma promotion en 1987.

 • À l’Académie de Saintonge où vous avez été distinguée, vous avez parlé, avec une grande poésie, des odeurs de votre enfance à Saintes et dans la région. Quels sont les effluves auxquels vous êtes sensible ?

Pour devenir parfumeur, il n’y a pas de chemin tout tracé. En ce qui me concerne, à la sortie de l’école, j’ai été l’assistante d’un parfumeur pour une société internationale. Ensuite, après avoir fréquenté l’école interne de cette maison de parfums, je suis devenue Parfumeur Junior. En 1992, je suis entrée chez IFF (International Flavors and Fragrances) et, au fil des années, je suis devenue Parfumeur, Parfumeur Senior et aujourd’hui Parfumeur Vice-Président. Quels sont les effluves qui m’émeuvent le plus ? J’adore l’immortelle car elle me rappelle le chemin qui mène à la Côte Sauvage. L’immortelle a des facettes multiples : elle sent la note épicée du curry ainsi que le côté gourmand d’un sirop d’érable. Elle sent aussi une peau chauffée au soleil. C’est une odeur très addictive !

Sophie Labbé et sa marraine à l'Académie de Saintonge,
Roselyne Coutant
• Quels sont les parfums que vous avez créés dont vous êtes la plus fière ? La Cologne du 68 de Guerlain est celui que préfère votre marraine à l’Académie, Roselyne Coutant. 

Les parfums que j’ai créés et dont je suis fière ?
C’est une question très difficile comme « Le Choix de Sophie » !

 • Imaginons-nous dans votre laboratoire. Comment s’élabore un parfum ?

L’élaboration d’un parfum peut prendre entre neuf mois à deux ou trois ans. Après la remise du brief qui est le cahier des charges de la société cliente (la marque), nous commençons à imaginer la réponse la mieux adaptée pour traduire cette demande en parfum. Puis nous proposons à la marque notre interprétation à son brief. S’il y a un coup de cœur, nous allons développer ensemble le parfum. Notre rôle est de comprendre ce que recherche la société cliente et de le suggérer en parfum. Nous sommes des traducteurs de mots et d’émotions en parfum ! Sur le plan pratique, les parfums s’écrivent comme des recettes avec la liste des ingrédients et en face, les quantités. Nous travaillons dans un bureau et nos formules sont consignées dans l’ordinateur. Une assistante va peser la recette et nous la faire sentir. Les sources d’inspiration sont multiples : un voyage, un souvenir d’enfance, un plat exotique, une lecture, de nouveaux ingrédients issus de la recherche, des arômes.


 • Etes-vous nombreux en Europe à exercer ce métier bien particulier ? 

Je ne connais pas le nombre de parfumeurs en Europe, mais je sais que chez IFF, nous sommes une petite centaine au monde ! Nous sommes partagés en plusieurs catégories : ceux qui créent des parfums dont le support est l’alcool (parfumerie fine dont je fais partie), ceux qui créent les parfums pour la beauté et le soin (déodorant, gel douche, lait pour le corps, shampoing) et enfin ceux qui développent les parfums pour la maison (lessives, adoucissants, nettoyants).

• Quels vos projets ?

Les projets sur lesquels je travaille aujourd’hui sont secrets. Je ne peux rien dévoiler !

 • Y a-t-il un parfum idéal que vous aimeriez créer ? Et pourquoi pas le dédicacer à l’Académie de Saintonge !

Le parfum idéal que j’aimerais créer et dédier à l’Académie de Saintonge ? Lors de la remise du prix, dimanche 13 octobre dernier, une idée m’a été soufflée et j’ai très envie de la réaliser, d’autant plus qu’elle serait liée à ce prix !


 • Parmi les parfums que Sophie Labbé a créés : Organza de Givenchy, Very Irresistible de Givenchy, Jasmin Noir de Bulgari, Parisienne d’Yves Saint Laurent, Eau des Jardins de Clarins, Promesse de Cacharel, Beauty de Calvin Klein, la Cologne du 68 de Guerlain, Signorina de Salvatore Ferragama. 

• Choisir son parfum : Sélectionner quatre ou cinq parfums. Les sentir sur un testeur en parfumerie. Quand l’un d’entre eux vous procure une émotion, vaporisez-le à l’intérieur du poignet et sur un morceau de tissu (mouchoir, foulard) puis vivez vingt-quatre heures avec. S’il vous plaît, si vous vous sentez plus belle, plus confiante, si votre entourage vous fait des compliments, c’est lui qui vous convient !

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