Un humaniste nous a quittés
Mercredi dernier, une foule nombreuse a conduit à sa dernière demeure Pierre Nivet, décédé à l’âge de 86 ans. Un humaniste nous quitte. Nous ne l’oublierons pas.
L’annonce de la mort brutale de Pierre Nivet, samedi dernier, a jeté la consternation. Médecin à Ozillac, maire de cette même commune durant de nombreuses années, il faisait partie des personnalités incontournables de la région.
Grand, distingué, Pierre Nivet était un homme de bonne rencontre. Toujours un mot aimable, une attention.
En choisissant d’exercer la médecine, il avait dédié sa vie aux autres. Et sa salle d’attente, toujours archipleine, est restée dans les mémoires ! L’évocation de ses débuts professionnels, dans les années 50, nous replongeait dans une époque où le praticien, intime des familles, ne comptait pas son temps. De jour, de nuit, on appelait “le docteur“ et il se déplaçait ! Sa plus grande joie était de mettre des enfants au monde (de nombreuses femmes accouchaient encore à la maison). Il en gardait un souvenir particulier car cette vie qu’il tenait entre ses mains était toujours émouvante.
Il a exercé durant 44 ans - un fameux bail - avant de transmettre le flambeau à sa fille Anne-Marie.
Pierre Nivet était un humanisme qui s’intéressait au passé de sa région. En 1998, il avait succédé à Jean Glénisson à l’Université d’Été. Chaque année en juillet et en août, cette association proposait des conférences au cloître des Carmes. Les sujets étaient variés et s’échelonnaient le plus souvent de l’antiquité au XXe siècle. Une seule obligation, qu’ils aient un rapport avec la Charente-Maritime, avec une ouverture sur les liens tissés avec le Québec. « C’est une excellente idée de lui avoir donné une dimension francophone. Les relations qui unissent la Saintonge au Québec sont importantes. Ne dit-on pas que le Canada est le fils de la Saintonge ?» disait à ce sujet Étienne Taillemite, inspecteur général honoraire des Archives de France et père d’Hélène, responsable des Archives de Jonzac.
Tous les étés, Pierre Nivet, entouré de Philippe Gautret, Jean Glénisson et Marc Seguin, préparait donc un programme fourni. Le public répondait toujours présent. Il y avait parfois des problèmes techniques, des micros qui refusaient de marcher, une salle caniculaire. Qu’importe, l’essentiel était de transmettre la connaissance !
En juillet 2005, président depuis huit ans, Pierre Nivet a reçu les insignes d’officier dans l’Ordre National du Mérite. Outre ses qualités de médecin généraliste accoucheur dévoué à sa clientèle et ses administrés, son engagement dans la vie intellectuelle saintongeaise fut salué.
Revenons un instant sur cette cérémonie. « Vous avez accepté avec gentillesse et spontanéité le rôle que je vous ai demandé de remplir. Ce rôle n’était pas si facile car il demande un engagement véritable et, surtout, il implique d’être présent durant les vacances, dans un complet bénévolat » avait rappelé Jean Glénisson.
Il s’était fait un plaisir de distinguer Pierre Nivet en mentionnant un détail amusant : la couleur du ruban de l’Ordre du Mérite rappelle celle du Saint-Esprit. Et de l’esprit, Pierre Nivet n’en a jamais manqué !
Henriette Nivet, Pierre Nivet et leur fille Anne-Marie
L’intéressé, qui s’apprêtait à quitter la présidence de l’U.E, avait prononcé un discours émouvant : « Quand on est octogénaire, il faut savoir se retirer. J’ai pris beaucoup de plaisir à préparer les sessions, à accueillir, à écouter et à applaudir les orateurs. J’ai suivi l’exemple de Jean Glénisson. J’exprime ma gratitude à tous ceux qui m’ont aidé, les membres du bureau, le Conseil Général, la mairie de Jonzac, le public, les étudiants à mes côtés. Quand, en sport, on reçoit une médaille, on se dit qu’on fera encore mieux la prochaine fois. Pour ma part, je sais qu’il n’y aura plus de prochaine fois ».
Ses paroles, teintées de nostalgie, avaient touché l’assistance qui avait ovationné le récipiendaire avec affection.
Le temps qui passe
Maire d’Ozillac pendant 35 ans, jusqu’en 2001, Pierre Nivet s’est largement impliqué dans la vie publique. Un jour, il s’est retiré après mûre réflexion. Dans un courrier, il a expliqué à ses concitoyens les raisons de sa départ : « le passage au troisième millénaire implique, à mon sens, l’arrivée d’un nouveau maire plus jeune en remplacement d’un maire âgé, identifiable au siècle finissant. C’est pour moi une façon de bien marquer cet important changement calendaire. De plus, le temps qui reste à courir permettra au nouvel élu de se faire apprécier de la population avant le prochain scrutin municipal. Il ne s’agit pas d’une crise de mal de “maire“ ou d’un accès de spleen, mais d’une volonté dictée en particulier par le souci d’assurer le renouveau. À vrai dire, je ne suis pas las, on ne se lasse jamais d’essayer de continuer d’être utile et de servir les autres, comme dans ma profession où il faut avoir une vocation d’altruiste. En me retirant de cette fonction, je voudrais exprimer deux sentiments : de la gratitude envers les habitants dont la confiance et la fidélité ne m’ont pas manqué durant de longues années et un sentiment de confiance dans l’avenir de la commune à l’aube du troisième millénaire. Je souhaite aux nouvelles équipes municipales d’aborder les problèmes avec franchise et loyauté, de privilégier l’efficacité, d’observer une gestion rigoureuse, de donner l’exemple de la convivialité et de solidarité en faisant preuve de beaucoup de discrétion et de modestie ».
Pierre Nivet était ainsi, franc, réaliste sur lui-même et profondément humain. Durant ses mandats, il a donné un essor véritable à Ozillac. Il appartient désormais à l’histoire, une discipline qu’il aimait tant avec le grec, le latin et l’informatique. « Connaître ses racines, c’est savoir où l’on met les pieds » disait-il.
Adieu, Pierre Nivet, vous resterez dans nos mémoires avec Jean Glénisson et tous ceux qui sont partis sans nous laisser d’adresse.
Nous adressons nos sincères condoléances à Henriette Nivet, son épouse, ses enfants, petits-enfants ainsi qu’à la parenté du défunt.
• Attaché à la Saintonge, Pierre Nivet est né en 1925 à Châtenet, dans une famille d’agriculteurs. Après avoir étudié à Barbezieux où il était pensionnaire, lui qui voulait être professeur d‘histoire a suivi des études de médecine à Bordeaux. Dans les années 50, il s’est installé à Ozillac avec le docteur Laporte. En 55, il a épousé Henriette qui lui a donné huit enfants. Le docteur Laporte partant sur Jonzac, il s’est retrouvé seul médecin sur Ozillac et sa clientèle était grande. Il avait de nombreuses passions dont l’histoire et le sport. « Mais, papi, ta plus belle aventure a été ta famille avec mamie, tes enfants et tes petits enfants » ont souligné Élise et Jean-Baptiste lors des obsèques qui avaient réuni une foule immense à l’église d’Ozillac.
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