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mercredi 26 janvier 2011
Tunisie, Egypte : Vent de liberté
ou vent liberticide ?
Anne-Marie Molinié, sociologue, nous fait part de ses réflexions :
Egypte, terre de mystères, qui fait une seconde révolution du jasmin inspirée en cela par les frères Tunisiens.
Dans les pays musulmans, tels que l’Egypte et la Tunisie, cette révolte gronde depuis longtemps : le manque de travail, le peu de place accordé à la valeur de l’éducation (ex : les salaires des universitaires), le même pouvoir en place depuis près de 30 ans, la pauvreté… Tout fait que ces soulèvements ne pouvaient qu’avoir lieu.
Depuis une quinzaine d’année, on est étonné par la prolifération des voiles islamiques portés par les jeunes filles. Peut-on l’interpréter comme un geste de contestation face aux pouvoirs en place et l’annonce de ce raz-de-marée dont les Islamistes pourraient être les bénéficiaires ?
Quels sont les enjeux ? Le peuple demande « pain, liberté et dignité ». Ses aspirations sont légitimes et nous, Occidentaux, attachés à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, ne pouvons qu’y souscrire. Au-delà des enjeux sociaux, ces pays courent un risque majeur, celui d’une islamisation radicale.
En effet, par le passé, si nous observons les mouvances islamiques et leur façon de procéder en prenant l’exemple du mouvement des Frères Musulmans, nous voyons que depuis 1928, date de sa création, les « sections » sont passées de quelques membres à plus de 2 millions répartis à travers l’Egypte.
Dès leur origine, les Frères pêchent en eaux troubles : le mouvement reçoit de l’argent de la toute puissante "Compagnie du Canal" (sous contrôle des Britanniques). C’est là une constante des organisations islamistes, souvent soutenues, sinon financées, à leurs débuts par de futurs ennemis.
Les Frères publient leur profession de foi (1930). On y lit : « Je crois que tout est sous l’ordre de Dieu, que Mohammad (Mahomet) est le sceau de toute prophétie adressée à tous les hommes, que le Coran est le Livre de Dieu, que l’islam est une Loi complète pour diriger cette vie et l’autre... ».
L’islam est une loi complète pour diriger cette vie. Tout est là, ériger ces mots en règle absolue : la religion musulmane au-dessus de toutes les lois humaines. Cette vision se heurte aux conceptions laïques et à notre réalité occidentale multiconfessionnelle. En effet, nul ne saurait élever des règles religieuses au rang de loi d’un pays sans porter préjudice aux fidèles des autres croyances.
Le credo des Frères poursuit : « Je renforcerai les rites et la langue de l’islam ». La langue arabe, celle du Coran, devient objet de sacralisation. « A ce titre, il convient d’en préserver la pureté et d’en répandre l’usage ». Voire de l’imposer, comme dans le passé, aux Chrétiens du Liban. Comme aujourd’hui aux Maghrébins berbérophones ou contre les minorités chrétiennes coptes…
On peut également lire dans cette profession de foi : « Le musulman a le devoir de faire revivre l’Islam par la renaissance de ses différents peuples, par le retour à sa législation propre (la charia); que la bannière de l’islam doit couvrir le genre humain ; que chaque musulman a pour mission d’éduquer le monde selon les principes de l’Islam ».
En Egypte, sous l’influence des "Frères Musulmans", les lois de l’État interdisent la conversion d’un musulman vers une autre religion. Musulman tu nais, musulman, tu meurs….
Le mouvement s'attire la sympathie d'une partie de la population. Grâce à son programme d'aides sociales, ils construisent des écoles, des cliniques, des mosquées. La plupart des membres ont fait un important travail au niveau de leur apparence vestimentaire et physique. Habillés en costume à l'occidentale, ils sont soit complètement rasés, soit portent une barbe finement taillée. Ils sont pour beaucoup issus des hautes écoles, parlent tous plusieurs langues étrangères et se présentent désormais en démocrates.
Officiellement, le mouvement a abandonné tout projet d'État théocratique. Ils disent prendre comme modèle les mouvements islamistes marocains qui sont connus pour leur pragmatisme (beaucoup de politologues et de journalistes en doutent) et émettent l'idée qu'ils aient mis fin momentanément à leur projet de république théocratique pour ne pas faire peur aux Égyptiens et prendre le pouvoir sans trop de violence.
La nouvelle garde se déclare respectueuse de la souveraineté du peuple, de l’alternance démocratique et des droits des minorités. Néanmoins, les Frères musulmans d'Égypte ont décidé en novembre 2007 que les Coptes et les femmes n’étaient pas assez qualifiés pour être président de la République.
Rapidement, afin de se donner les moyens d’un jihad, les Frères se dotent d’une force militaire. D’abord au sein de leur organisation de scoutisme, où un millier de jeunes gens portaient des armes. Puis les Frères se dotent d’une structure militaire clandestine, l’Organisation secrète.
Hosni Moubarak a joué avec le feu. Laissant les "Frères Musulmans" former un groupe à l’Assemblée Nationale (une vingtaine de députés) sous l’étiquette PST (Parti Socialiste de Travail), sans doute pensait-il les canaliser...
Leur discours est mobilisateur et leur assure un recrutement rapide ainsi qu’une marge de manœuvre importante. Puis "les frères Musulmans" partent à la conquête du monde…
Dépassant les frontières de l’Égypte, leur organisation a engendré des "succursales" sur les cinq continents. Un bureau international coordonne la politique générale. Parmi ces pays, la plupart de ceux où l’on parle arabe, mais aussi des États européens, comme la France.
Ils jouent sur deux registres. En situation de faiblesse, ils se font légalistes et non-violents. Mais si (comme en Palestine ou dans les années 70 en Syrie), ils croient le pouvoir à portée de leur main, alors ils recourent à l’action violente.
Alors ? Vent de liberté ou vent liberticide ? L’avenir nous le dira, mais si le peuple n’en pouvait plus de souffrir, il faut néanmoins rester très prudent sur l’issue de ces "révolutions du jasmin". L’Occident, dont la France, se doit d’être plus que jamais vigilante. Avec les assassinats de Français, le jihad est déjà chez nous….
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