jeudi 23 septembre 2010

Jonzac : Nos ancêtres méconnus,
les Mérovingiens !


Désormais, Jonzac possède un arbre généalogique quasi complet, des Néandertaliens de chez Pinaud (gisement préhistorique situé sur la route de Champagnac) aux Mérovingiens en passant par les Gallo-Romains installés dans la villa située près des Antilles. S’y ajoutent des périodes plus récentes dont les hauts faits ont été rapportés par nos historiens préférés, Jean Glénisson, Marc Seguin et James Pitaud. Mardi au cloître des Carmes, Léopold Maurel, archéologue, a dressé le bilan de la fouille effectuée devant l’église de Jonzac l’été dernier. Les Mérovingiens qu’il a présentés, autrement dit nos ancêtres, ont semblé très proches au public !


Jusqu’à une époque récente, du passé de la ville, nous disposions d’un livre (à rééditer d’ailleurs, en l’actualisant) "Jonzac, un millénaire d‘histoire". Cet ouvrage précieux, qui s’accompagnait d‘une exposition lors de sa présentation, nous le devons à un cercle d’érudits conduit par Jean Glénisson et Marc Seguin. La préhistoire y est détaillée au travers des découvertes faites par l’Association Archéologique que présidait Jacques Gaillard. La période dite des “siècles obscurs“ est évoquée brièvement. Elle s’appuie sur des objets provenant des cimetières mérovingiens de Biron et de Neuvicq, dans le Sud Saintonge (celui de Chadenac était encore sous terre !).
Les auteurs s’attardent ensuite sur des périodes plus récentes où les documents, abondants, permettent d’écrire des chapitres importants pour la connaissance.

Généreuse, l’histoire est reconnaissante à ceux qui s’intéressent à elle. Ces dernières années, elle a fourni des pièces manquantes au puzzle. La villa gallo-romaine de Jonzac, chère à Karine Robin, archéologue départementale, est riche en enseignement. Cette structure, sorte de grosse ferme, a vraisemblablement été construite aux premiers siècles de notre ère par un ancien militaire (commandant d’une légion romaine ?). L’ensemble de bâtiments, totalement à découvert, démontre que les occupants ne craignaient pas l’envahisseur.

La période qui suivit est opaque en raison des Barbares qui déferlèrent sur le territoire. « Le fait essentiel de cette période, qui s’étend du VIe au VIIIe siècles, est la fusion progressive de ces ethnies sur laquelle s’impose l’influence de l’église » soulignent les chercheurs.
La fouille organisée devant l’église de Jonzac en 2009 correspondant à cette époque dite “des Mérovingiens“, lignée qui doit son nom au roi Mérovée. Pour mémoire, rappelons qu’il est l’ancêtre de Clovis, rendu célèbre par le vase de Soissons et son baptême dans la religion chrétienne.
Après la chute de l’Empire romain d’Occident, Clovis conquit la Gaule presque tout entière. Malheureusement, sa postérité connut une renommée peu glorieuse. Parmi les “rois fainéants“, se trouve ce cher Dagobert que tous les écoliers connaissent pour avoir mis sa culotte à l’envers. On s’éloigne des exploits héroïques et un nouveau pouvoir, celui des Carolingiens, semblait inévitable !

Deux nécropoles devant l’église, mérovingienne et médiévale


La découverte des cuves trapézoïdales proches de l’église avait été mentionnée au XIXe siècle dans l’Echo de Jonzac, ancêtre de la Haute-Saintonge. A l’époque, on ne disposait pas encore de techniques sophistiquées pour faire « parler » les témoignages.


En 2009, la découverte de sépultures mérovingiennes devant l’église de Jonzac n’a étonné personne : la mémoire populaire indiquait des tombes à cet endroit, le sous-sol ayant révélé divers “témoignages“ lors de précédents travaux. Toutefois, la question n’avait pas été approfondie.
Les fouilles conduites par l’archéologue Léopold Maurel, à la demande de la ville de Jonzac et du Conseil Général, ont été fructueuses. La semaine dernière, dans le cadre de l’Université d’Été, il a exposé le bilan de ses recherches devant un public si fourni que l’espace manquait !
L’intérêt que présente ce travail est de mettre en scène deux époques distinctes. En effet, à faible distance, se côtoient sarcophages mérovingiens et tombes du Bas Moyen Âge, identifiables par leur emplacement creusé pour la tête.


Le chantier de fouilles. Outre des corps déposés dans les sarcophages, on remarque des tombes en pleine terre. La première datation faite remonte au XIe siècle. Il s’agit donc du Bas Moyen Age.

Que ces deux époques cohabitent est une aubaine. « Pourquoi fouiller une nécropole et déranger ceux qui dorment depuis des siècles ? » s’interroge Léopold Maurel. Il est évident que certaines civilisations (chinoise en particulier) n’aiment guère déranger les mânes. En Europe, les scientifiques voient les choses d‘une autre façon : pénétrer le passé, c’est mieux comprendre les racines des peuples, leurs rites et coutumes.

Une croix, des boucles d’oreilles…


Le mobilier trouvé dans les tombes se trouve actuellement à Saintes. Il est étudié avant d’être confié à un laboratoire pour restauration. L’ensemble des objets ne sera pas « rénové ». Tous seront stabilisés afin de ne pas subir d’altération, mais seuls les plus intéressants retrouveront leur apparence d’antan. Les voir dans un musée, à Jonzac, sera un moment émouvant. Un catalogue de ces objets sera réalisé prochainement.


Sur les 260 sépultures mises au jour à Jonzac, 147 ont été fouillées. Il s’agit d’un périmètre partiel puisque la nécropole s’étend sous les rues voisines et l’édifice religieux.
Les tombes mérovingiennes sont regroupées dans des enclos. Les défunts ont-ils été réunis par familles, classes sociales, culturelles, ethniques ou religieuses ? On l’ignore. Certaines abritent plusieurs corps (jusqu’à quatre) et les âges des défunts varient (des nourrissons aux adultes). Les personnes sont de taille moyenne ; elles souffrent généralement d’arthrose et connaissent des problèmes dentaires (caries habituelles).


Ces boucles ouvragées (qu’un artisan créateur pourrait d’ailleurs reproduire !) ornait les oreilles d’une Mérovingienne de haut rang. Qui était-elle ? Malheureusement, à ce jour, aucune inscription n’a été retrouvée...

Les individus sont enterrés avec des objets de leur quotidien : boucles de ceinture, céramiques, armes, épées, peignes, couteaux, bijoux, pendentifs, bagues. Les découvertes les plus émouvantes sont une croix (certains membres de la communauté étaient chrétiens) et une magnifique paire de boucles d’oreilles qui appartenait à une femme de haut rang. La finesse de ces ornements révèle savoir-faire et maîtrise des métaux. Un goût pour la beauté et l’esthétique aussi !

Des morceaux de tissus minéralisés (linge funéraire) et du fil d’or sont parvenus jusqu’à nous. Ces trouvailles, exceptionnelles, ont été confiées à des spécialistes pour étude. Aucune fibule n’est apparue, mais nous disposons d’une agrafe à double crochet.
Les cuves, disposées selon un agencement réfléchi, ont été taillées dans le calcaire des carrières d’Avy et Jonzac, d’après les observations de Jacques Gaillard. Y avait-il des “gabarits“ ? Question. Des analyses ont apporté des réponses sur les dates : pas de doute, la nécropole a été utilisée du Ve au VIIIe siècles !
« Elle était bien entretenue, ce qui prouve que derrière, il y avait une organisation sociale » remarque l’archéologue. Elle a dû être abandonnée vers la fin du VIIIe siècle. Les autres tombes concernent une période plus récente et certains de ses occupants étaient contemporains de la première Croisade (XIe).

Bref, si l’on récapitule les datations, ce cimetière a été occupé du Ve siècle au XIIIe siècle environ, avec une parenthèse qui correspond à l’époque carolingienne (IXe, Xe siècles). Les centres de pouvoir se seraient-ils déplacés ? En effet, si Saint-Germain de Lusignan semble avoir été plus important que Jonzac sous les Carolingiens, le seigneur de Jonzac, quant à lui, est mentionné dans des textes dès le XIe siècle. Les deux territoires auraient-ils été rivaux ? Toutefois, vu son passé, on comprend mieux pourquoi la colline de Montguimar (où se trouve l’église de Jonzac, celle de Balaguier correspondant à l’emplacement du château) a toujours été dédiée au culte !


Léopold Maurel continue son travail sur la nécropole de Jonzac car certains sujets sont à développer. Aurons-nous une nouvelle conférence ? Il n’est pas interdit de le penser.



Un nombreux public réuni au cloître des Carmes. Claude Belot, sénateur-maire, a félicité Léopold Maurel et son équipe



L’évocation des Mérovingiens par une lumière bleue


Claude Belot, sénateur maire, salua l’excellent travail de Léopold Maurel. Les objets présentés sur les diapositives seront un jour exposés dans un musée. Quant à la valorisation des sarcophages, les laisser à l’air libre n’était pas envisageable (ils auraient été altérés par les intempéries). Après concertation, la municipalité a choisi de recouvrir le parvis en y laissant l’empreinte des ancêtres Mérovingiens. Une lumière bleue rappellera leur mémoire. Par la même occasion, la façade de l’église va bénéficier d’un bel éclairage mettant en valeur ses détails architecturaux. Cette illumination devrait séduire les amoureux du patrimoine.

Mardi dernier, le premier magistrat était ému : « Ce quartier, je le connais bien puisque j’y ai grandi. Durant la dernière guerre, j’y ai vu l’arrivée des Allemands avec ma grand-mère et quand je jouais au foot près du Marché, j’ignorais que je foulais des tombes mérovingiennes ! La découverte qui a été faite est importante, mais il faut que la vie continue. L’église a besoin de reprendre cet espace qui lui est nécessaire. L’évocation de nos ancêtres, par des représentations sur le sol et une lumière bleue, me semble être une bonne idée ».

Les chaînons manquants de l’histoire jonzacaise s’assemblent peu à peu, d’autant que nous n’avons pas à rougir de nos aïeux Néandertaliens et Sapiens. Déjà, ils taillaient le silex grain de mil, fort renommé, dans un filon qui s’étendait de Champagnac à Clam. Tout ce beau monde se rejoignait du côté de chez Pinaud, où un chantier de fouilles est ouvert chaque été. De là à inviter le public à la projection (en avant-première) du film de Jacques Malaterre "Aô le dernier Néandertalien", il n’y avait qu’un pas. Pour les Mérovingiens, appel est lancé à un cinéaste !

L'info en plus


• Église de Jonzac : Un culte à Saint-Anthème ?

Le périmètre fouillé devant l’église réunit à la fois des sarcophages mérovingiens et médiévaux. « On remarque que les générations qui se sont succédé ont respecté l’ensemble des sépultures » souligne Léopold Maurel. Plusieurs maçonneries ont été découvertes, dont celles d’un enclos funéraire mérovingien et d’un édifice beaucoup plus vaste qui daterait du Moyen-Âge. Y vénérait-on les reliques de Saint Anthème ? En effet, l’évêque de Poitiers, missionnaire en Saintonge, occupe une place importante dans l’histoire jonzacaise. Au VIIIe siècle, Saint Anthème aurait été mis à mort par les Sarrazins aux rochers de Cordie, près de Pons. D’autres versions racontent que Charlemagne serait venu à Jonzac lors de ses campagnes d’Aquitaine contre les Sarrazins vers l’an 812 : « ses hommes auraient tué de nombreux Sarrazins à Montguimar qui s’appelle aujourd’hui Jonzac, mais ils furent massacrés à Balaguier qui est de l’autre côté »…

Où est la vérité ?

À l’évocation d’un saint ayant pu être vénéré dans ce bâtiment, Anthème vient à l’esprit. Ses reliques auraient été déposées dans l’église de Jonzac, d’où elles auraient disparu au moment des guerres de religion. Cependant, il y a fort peu de chances qu’il s’agisse de lui pour une simple question de date. D’après Fouché, chanoine honoraire et curé de Jonzac, Charlemagne aurait réuni un concile à Jonzac au VIIIe siècle et fait déposer dans la chapelle les ossements de l’évêque de Poitiers.
“Le Pseudo Turpin“ sert de référence à cette assertion. Or, il s’agirait d’une fausse chronique historique rédigée plus tard, au XIIe siècle, par l’évêque de Compostelle, le pape Calixte II et l’abbé de Saint-Denis qui obéissaient aux ordres des rois de Castille et de France, Alphonse VII et Louis VI. De l’importance du récit historique, dépendait l’impact auprès des fidèles et des sujets !
Léopold Maurel est réaliste : « Pour donner une valeur à un lieu de culte, rien de mieux que de constituer une légende » ! Il est possible qu’au Moyen Âge, cette fameuse légende ait été exploitée afin d’implanter un lieu de pèlerinage fréquenté à Jonzac, en hommage au malheureux et finalement bienheureux Anthème. Crédules, les croyants n’ont jamais vérifié si les reliques étaient bien les siennes ! Cela dit, il y a prescription et depuis, Anthème est tombé dans l’oubli. Toutefois, durant une longue période, de nombreux enfants de la région portèrent le prénom d’Anthème...


Sur la place de l'église, l'emplacement des tombes est marqué. S'y ajoutent une lumière bleue ainsi que des inscriptions. L'éclairage met la façade de l'édifice en valeur.

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