dimanche 29 juin 2025

Jonzac/Université d'été : Attention début des conférences à 18 h 30 (au lieu de 21 h) au cloître des Carmes nouvellement doté d'un ascenseur

Voici l'été et avec la belle saison, le retour des conférences au cloître des Carmes proposées par l'Université d'été que préside Philippe Gautret. L'association et l'équipe de l'Espace culturel Jean Glénisson vous invitent à la première conférence jeudi 3 juillet sur le thème : "Habiter et construire à l'âge du bronze dans les Charentes et le Poitou (2200-800 av. J.-C.)" par Christophe Maitay, archéologue, chargé d'opérations et de recherches. Attention : le début de toutes les conférences est à 18 h 30 et non plus à 21 h. Par ailleurs, le cloître a été restauré et comporte un ascenseur qui permet d'accéder à la salle haute (en entrant dans le cloître, tourner à droite, l'escalier et l'ascenseur se situent au bout de la seconde galerie). Venez nombreux !

• En avril 2023, lors de l'inauguration de l'annexe des Archives départementales de Jonzac qui portent le nom de Jean Glénisson, l'historien Marc Seguin a rappelé la carrière de cet érudit qui a donné à l'Université d'été sa notoriété. Elle lui permet d'être aujourd'hui présente et de présenter un programme riche et varié plusieurs décennies après sa création : 

« Jean Glénisson était un très grand érudit ; il lisait beaucoup, très vite, avec des facultés d’assimilation étonnantes. Il lui suffisait aussi d’écouter un exposé pour en tirer tout de suite l’essentiel, poser la question la plus pertinente, souligner le mérite du conférencier et l’encourager à publier son travail. Il tenait à ce que ses ouvrages et ceux de ses collaborateurs fussent écrits dans une langue claire, accessible à tous. Il avait en horreur le langage convenu de certains historiens contemporains, qu’il appelait leur « jargon » et qui tend à faire de l’histoire une discipline hermétique. Avec lui, l’Histoire n’était jamais rébarbative. Il nous est arrivé de nous amuser, mais discrètement comme il convient, dans le silence d’un service d’archives. Nous avons pris un certain plaisir, à Bordeaux, au moment de la très célèbre Affaire Grégory où il travaillait comme expert en écriture, à transcrire la confession d’un notaire du début du XVIIe siècle qu’on qualifiait de « faussaire ordinaire ». Il était enchanté et il a copié pendant une journée, avec l’objectif de faire sourire un jour ses auditeurs. 

Jean Glénisson avait vu le jour à Jonzac le 25 janvier 1921, dans la Rue Basse comme il le rappelait volontiers. Etudes à Jonzac, puis à Cognac où il vécut chez sa tante, une institutrice du temps de la IIIe République qui maniait à merveille les subtilités de la grammaire et contribua à lui léguer le goût de la rigueur. Après une licence d’histoire à Poitiers, il entra à l’Ecole des Chartes et en sortit major en 1946, l’année de son mariage avec Paulette Fortin, de Saint-Martial de Vitaterne. Ce rang flatteur lui valut de devenir élève de l’Ecole française de Rome, son titre le plus cher. De 1948 à 1952, il travailla aux Archives nationales et participa à l’inventaire du « trésor des chartes ». 

Il partit pour cinq ans à Brazzaville où il fut responsable des archives de l'Afrique équatoriale française. Ce continent lui plut beaucoup. Il aurait aimé couvrir l’Afrique francophone de bibliothèques. L’un de ses maîtres, Fernand Braudel, qui lui manifestait une amitié dont il se montrait très touché, lui demanda d'assurer pendant deux ans la chaire d'historiographie à l'université de Sao Paulo. 

De retour à Paris, en 1960, il vint enseigner à l'École des Hautes Etudes en Sciences Sociales. En 1967, il prit la direction de l'Institut de recherche et d'histoire des textes, enseigna à l’Ecole des Chartes, anima des séminaires à l’Ecole des Hautes Etudes, dirigea des thèses, et fut nommé membre correspondant de l'Institut. L’histoire ne lui suffisait pas ; sa passion pour la « Littérature de jeunesse » ne s’est jamais démentie ; il dirigea en 1994 Le livre d‘enfance et de jeunesse en France.

Il ne négligeait pas sa Saintonge natale. Dès les années 70, il devint le maître incontesté de l’érudition locale. Il savait susciter les enthousiasmes et fédérer les énergies. Avec son sourire si amical, il disait à un interlocuteur qui n’avait jamais envisagé de se mettre au travail : « Mon cher ami, il faut que vous m’aidiez. Il n’y a que vous qui puissiez écrire cet article ; et avec vous, je sais que ce sera parfait ». 

L’aventure commença à Jonzac, en 1973 avec le concours d’historiens et d’archéologues réunis dans une association archéologique et historique, Francette Joanne, Jacques Gaillard et Jean Tutard. Il en résulta une exposition exceptionnelle, avec des documents dont on n’autoriserait plus la sortie aujourd’hui. Le catalogue "Jonzac, un millénaire d'histoire" reste comme l’ébauche d’une possible histoire de la ville. « J’aurais dû, me répétait-il, être organisateur de colloques et d’expositions ».

1975. Dans le premier numéro de la Revue de la Saintonge et de l'Aunis de la toute nouvelle Fédération des sociétés savantes de la Charente-Maritime qu’il a créée avec Camille Gabet, il écrivit un article novateur, mille fois cité depuis : « La Reconstruction agraire en Saintonge méridionale au lendemain de la guerre de Cent Ans ».

L’année suivante, il entrait à l'Académie de Saintonge dont il devint ensuite le directeur pendant dix ans, de 1982 à 1991. Un seul mot d’ordre : la culture, rien d’autre, sans sacrifice aux modes, et la plus grande rigueur dans l'établissement d’un palmarès réduit à l’essentiel.

En 1977, Claude Belot avait tout de suite réalisé de quel atout exceptionnel disposait sa ville. Avec Rémy Tessonneau, est fondée l'Université francophone d'été Jonzac-Québec, installée dans le centre culturel des Carmes. Jean Glénisson en devint le président. Bien épaulé par la ville et le département, il incarna cette Université dont la notoriété dépassa notre ville. Ce furent des années fécondes, avec beaucoup de travail et de soucis aussi. Deux ou trois conférences par semaine pendant tout l’été. Il réussit l’exploit de faire venir à Jonzac les grands noms de l'Université française. Je me suis efforcé de le seconder de mon mieux. Puis-je rappeler la mémoire de ceux qui ne nous ont pas ménagé leur appui, par exemple le doyen Jean Schneider, l’un des grands médiévistes de ce temps, qui nous est resté fidèle jusqu’à sa mort ? Des publications aussi : « ce sont les livres qui comptent, parce qu’ils resteront ».

1985 marque certainement un tournant avec l’exposition saintaise Agrippa d’Aubigné en son temps, inaugurée par le Président de la République François Mitterrand. Agrippa d’Aubigné, c’est le XVIe siècle, une écriture tenue pour détestable. Jean Glénisson était un excellent paléographe et il m’a fallu l’imiter et apprendre très vite. Nous avons vite constaté que cette époque n’avait jamais été sérieusement étudiée et je crois l’avoir entraîné sur cette voie lors d’un colloque à Agen et à Nérac, puis en 1994 à propos de la naissance de François Ier, enfin en 1998 avec la commémoration de l’Edit de Nantes. L’année suivante paraissait un très bel ouvrage, La Saintonge illustrée (1839-1843) René-Primevère Lesson composé avec l’aide de Pascal Even, Francette Joanne et Philippe Gautret. Il en était très fier.

Ce spécialiste de l’historiographie savait que l’histoire n’est pas une science et que chaque génération jette sur le passé un regard qui lui est propre. « Nous passons, disait-il, notre temps à modifier les jugements de nos prédécesseurs, et ceux qui viendront après nous souriront de nos certitudes ». Mais il savait aussi qu’il n’y a pas d’histoire sans documents parfaitement transcrits et qu’elle ne progresse qu’à partir de nouvelles découvertes. Naguère médiéviste, il s’intéressait maintenant au Grand Siècle. Il avait le plus grand respect pour Richelieu, à cause de la raison d’Etat et de ses chats ; il pardonnait volontiers ses écarts à Mazarin et manifestait la plus grande estime pour Colbert et le dirigisme. Son intérêt pour le Québec, où il s’est rendu à plusieurs reprises, était réel. En 1994, il a rédigé une magnifique biographie consacrée à Champlain : La France d'Amérique, voyages de Samuel Champlain. Sans doute devinait-il chez le Saintongeais une générosité comparable à la sienne ! Jamais Champlain n’a cherché à asservir « les Sauvages » ; il rêvait  d’en faire des sujets du Roi parmi les autres.

La dernière ambition de Jean Glénisson était de diriger une Histoire de l’Aunis et de la Saintonge en six volumes, l’équivalent local de l’Histoire de France d’Ernest Lavisse qu’il ne trouvait nullement démodée. Lui-même se réservait le XVIIe siècle. Trois volumes seulement sont parus à ce jour ; c’est un travail que nous avons le devoir de poursuivre, en même temps que les publications de documents, bien conscients pourtant du fait que les années qui viennent paraissent de moins en moins favorables à l’érudition, et que la notion de « culture » s’éloigne très vite des références qui étaient les siennes »...

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