Vivant en France depuis trois ans par la force des événements, Stanislav a aujourd’hui 20 ans. Il est arrivé sur le territoire quand les premières attaques russes ont touché son pays. Stanislav, c’est l’histoire de beaucoup d’Ukrainiens et d’Ukrainiennes déracinés qui ont cherché une voie nouvelle, celle de la liberté. Une liberté que les parents de Stanislav ont tracée en lui demandant, avec ses grands-mères et son petit frère, de rejoindre la France pour échapper aux combats…
Stanislav Tokar et Philippe Michel-Sorin |
Le regard clair, leș cheveux bouclés faisant penser aux tableaux de la Renaissance, Stanislav n’avait jamais pensé habiter l’hexagone dont il avait vaguement entendu parler. Paris un peu. Qui ne rêve pas de cette ville romantique ? Mais, comme l’écrivait Rimbaud, « on n’est pas sérieux quand on a 17 ans » ! On imgine ses sorties entre amis, sa future vie professionnelle et des tas d’autres choses qui façonnent l’élan de la jeunesse.
La réalité l’a rattrapé en février 2022. « Nous habitons dans un petit village entre Mykolaïv et Odessa au Sud de l’Ukraine. Je ne m’attendais pas à ce que Poutine nous déclare la guerre. Un matin, je me rendais chez le dentiste et dans le bus, j’ai remarqué le passage d’avions, l’arrivée de soldats russes. De retour chez moi, j’ai aussitôt regardé les actualités pour comprendre ce qui se passait » se souvient-il. Pour protéger sa famille, son père réagit immédiatement. Stanislav, son jeune frère Rostislav et les deux grands-mères Olga et Valentina doivent partir. Question de survie. On imagine le moment douloureux qu’a été cette " fracture".
« Munis du strict nécessaire, nous avons pris le bus via la Pologne en direction de Paris. Sur place, je n’ai pas compris pourquoi le bus s’est arrêté dans un parc et non pas à la gare. Le chauffeur ne nous a pas donné d’explications et nous ne savions pas quoi faire. On était complètement largués ! Par chance, nous avons rencontré une personne qui parlait ukrainien, un Géorgien installé à Paris ». Il leur indique Accueil Ukraine. Stanislas et sa famille y passent quelques jours : « Nous avons pu nous reposer. Ensuite, on nous a dirigés vers Fouras en Charente-Maritime où nous avons été logés dans un hôtel qui abritait une trentaine d’Ukrainiens. Nous y sommes restés quelques mois avant d’être hébergés dans un mobil-home à Esnandes, puis dans une maison mise à disposition par la mairie ». A aucun moment, les membres de la famille ne sont séparés, ce qui permet aux enfants de resserrer les liens avec leurs aïeules dont on devine l’inquiétude face au déracinement. Quitter son pays lorsqu’on est âgé, se retrouver sur un sol inconnu dont on ignore tout, est une rude épreuve.
On demande alors à Stanislav s’il veut reprendre ses études en mécanique. Il acquiesce. « J’avais un diplôme de mécanique soudeur en Ukraine. J’ai donc repris le flambeau au lycée Vieljeux avec un nouveau challenge, celui d’apprendre le français. Mon vocabulaire se limitait à "bonjour, merci, au revoir". J’ai fait des efforts, écouté des conversations, demandé des explications. J’étais très attentif non seulement au fait de maîtriser la langue, mas aussi de connaître l’histoire du pays où je résidais désormais ».
C’est alors qu’intervient Philippe Michel-Sorin, un polyglotte habitant Esnandes qui connaît bien les pays de l’Est. Sensible à la situation des Ukrainiens, il apporte aussitôt son aide : « quand on vieillit, le plus beau geste qui soit est d’être utile aux autres » dit-il avec sagesse. Fort des cours dispensés dans son établissement scolaire et du soutien linguistique, Stanislav parle désormais la langue de Molière, de même que son frère collégien. « J’ai obtenu mon CAP et je travaille dans un garage à Marcilly. Philippe m’a aidé dans ma recherche d’emploi. La maîtrise de la langue est importante. Au début, j’ai commencé par changer des pneus, faire les vidanges, les interventions basiques. Maintenant, j’interviens sur les embrayages, les courroies de distribution, les programmations. Je suis heureux d’avoir trouvé un job ».
Stanislav a-t-il envie de prendre la nationalité française : « Oui, je l‘envisage » répond-il. Et les grands-mères : « elles se sont organisées. Elles font la cuisine, le ménage, de la couture, elles sortent avec leurs amies ukrainiennes installées dans le secteur. Toutefois, elles ont des difficultés à communiquer ». Et d’ajouter : « La France est magnifique, je suis content de vivre ici, d’y avoir un emploi stable et de nouveaux amis. Quand je suis arrivé, je voyais la France au travers du fameux cliché de la baguette ! Les Français sont très gentils, je remercie Philippe et mon employeur en particulier. Je m’implique : l’autre jour, j’ai fait la traduction ukrainien/français au CCAS pour faciliter les échanges ». Pour l’instant, il ne compte pas retourner en Ukraine, même si ses parents lui manquent : « je n’ai pas vu mon père depuis des années. Il est sur le front et m’appelle de temps en temps. Ma mère devrait venir en France prochainement. La situation en Ukraine est très grave, tout le monde a peur. J’ignore ce qu'il adviendra quand la paix sera enfin signée ».
Stanislav est l’exemple d’une insertion réussie. Sportif mais pas seulement, il aime jouer aux échecs, la culture et le patrimoine. « J’ai visité Bergerac et des châteaux de Dordogne, c’est formidable ». En Charente-Maritime, les découvertes sont nombreuses et, samedi dernier, il n’a pas été insensible à la ville de Jonzac, son châtelet et ses rues médiévales.
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