Dans la région, ils sont deux élus à avoir appartenu au gouvernement Mitterrand. En 1981, l’ancien maire de La Rochelle, Michel Crépeau est ministre de l’environnement, dans l’équipe Mauroy, puis ministre du commerce et de l’artisanat en 1983. Un an plus tard, sous le gouvernement Fabius, il a en charge le tourisme. En 1986, il est nommé Garde des Sceaux, fonction qu’il occupe un mois seulement.
Philippe Marchand, bien connu à Jonzac, dont il a été député à partir de 1978, est devenu ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur en 1990, puis Ministre de l’Intérieur en 1991 (son suppléant, Pierre-Jean Daviaud, lui a succédé à l’Assemblée nationale). Il y a remplacé Pierre Joxe, devenu ministre de la Défense du gouvernement d’Édith Cresson (la seule femme Premier Ministre !). Aujourd’hui, Philippe Marchand, conseiller d’État honoraire, est président de section à la Cour nationale du droit d’asile.
Quel regard ce retraité actif porte-t-il sur les Présidentielles et le retour au pouvoir de la Gauche ? Nous lui avons posé la question…
• Est-ce que vous avez l’impression, avec l’élection de François Hollande, de vous retrouver en 1981 avec François Mitterrand ?
Non, ce n’est pas la même situation. En 1981, avec la nomination de ministres communistes dans le gouvernement Mitterrand, il y avait une réelle peur de certains Français. La Droite promettait l’arrivée des chars russes dans Paris et la privatisation des propriétés. Il régnait une ambiance quasi révolutionnaire ! Aujourd’hui, nous avons affaire à une alternance tranquille, un peu à l’image de François Hollande. D’ailleurs, je connais des personnes qui ne sont pas de gauche, mais qui ont voté pour Hollande parce qu’elles ne souhaitaient pas la réélection de Nicolas Sarkozy.
• Comment expliquez-vous le rejet qui a entouré Nicolas Sarkozy ?
Nicolas Sarkozy est un homme très actif, mais il peut apparaître survolté. Par son comportement, il s’est mis à dos certaines corporations, dont des magistrats. On peut y ajouter le corps préfectoral. Ce n’est pas un secret d’état : quand il arrivait dans un lieu et qu’il voyait une malheureuse pancarte brandie par un manifestant, il le prenait mal. De telles attitudes ont fait que ce président n’était pas facile à vivre. Finalement, il avait surtout de l’admiration pour ceux qui avaient réussi financièrement…
• Quelle est la vraie marge de manœuvre de François Hollande vis-à-vis de la zone euro et de l’Union européenne ?
Sous des allures relativement débonnaires, François Hollande est un homme qui réfléchit depuis longtemps au fonctionnement de l’Union européenne. Il possède de bons outils de réflexion et sa formation, à la fois littéraire et économique, est importante. N’oublions pas qu’il a fait HEC, l’ENA et qu’il a été conseiller à la Cour des Comptes. Il a déjà réussi à faire avancer le curseur au niveau de la croissance en Europe. Ce qui est bon pour lui, c’est qu’arrivé aux États-Unis, Barack Obama le soutient. Évidemment, ça profite aux Américains, il ne faut pas non plus se faire d’illusion…
• Vous êtes avocat, vous avez été ministre. Que pensez-vous des nouvelles dispositions permettant aux ministres de devenir automatiquement avocats ?
C’est un scandale. Que des énarques, comme Pierre Joxe, puissent s’inscrire au barreau me semble normal, mais prenons le cas d’un homme qui n’a aucune culture juridique et qui se retrouve élu député. Il siège à Paris dans une Commission technique qui n’a rien à voir avec la Commission des lois et voici qu’il peut être avocat. Je ne préjuge pas de la décision du Conseil d’État, mais je serais fort étonné que ce décret ne vole pas en éclats. Il a d’ailleurs été attaqué avant les élections.
Il s’agit en fait de reclasser des élus. Il ne faut tout de même pas faire n’importe quoi. C’est comme si les députés, qui s’occupaient des problèmes de santé, étaient autorisés à pratiquer la médecine une fois leurs mandats accomplis !
Philippe Marchand (à gauche de la photo) lors d'un déjeuner au Conseil Général avec Josy Moinet, ancien président du Département de la Charente-Maritime comme lui.
• Le Conseil constitutionnel joue de plus en plus un rôle de cour suprême. Il répond aux questions préalables de constitutionnalité des lois. Pensez-vous que les présidents de la République ont encore une place dans ce dispositif ?
Robert Badinter a écrit un article dans Le Monde à ce sujet. Ses remarques sont excellentes. Toutefois, je pense que ce n’était pas le moment. Ce n’est pas parce que Nicolas Sarkozy risque d’entrer au Conseil constitutionnel que l’on peut soutenir que les présidents ne doivent pas en faire partie.
Charles de Gaulle est à l’origine de cette « ouverture », mais dans un but bien précis. Il s’agissait de trouver un sort digne au président René Coty qui venait de quitter ses fonctions. Depuis, les choses ont évolué. Le Conseil Constitutionnel, qui ne se réunissait que deux fois par mois, a changé de rythme. Il est devenu une véritable juridiction en raison de l’exception de constitutionnalité.
Par ailleurs, les présidents partent de plus en plus jeunes (Sarkozy a 57 ans), ce n’est donc pas leur place. Un moment, il était question de s’inspirer du système italien où les anciens présidents sont sénateurs à vie. Pourquoi pas ? Mais pas membres du Conseil constitutionnel, car c’est un travail juridique là encore…
• Philippe Marchand, vous êtes un retraité actif. Parlez-nous de la Cour nationale du droit d’asile à laquelle vous appartenez ?
Je suis revenu à mes amours premières, c’est-à-dire au droit, et je suis président de section à la Cour nationale du droit d’asile. Cette Cour juge en dernier ressort les demandes d’asile politique. Je tiens à Paris trois audiences dans la semaine et je vous assure que je fais fonctionner mes méninges ! Actuellement, 200 000 Syriens sont dans des camps en Turquie. Ils ne sont pas considérés comme réfugiés, mais comme “invités“. Cela ne veut rien dire. D’autres viendront en Europe, c’est certain. Comment refuser l’asile politique à des gens qui arrivent d‘Homs par exemple ? Juger de tels cas est vraiment terrible…
Photo d'archives. Aux côtés de Rolande Beix, alors député de Saintes/Saint-Jean d'Angély, Philippe Marchand (à gauche) : « Je suis un retraité heureux ! J’arrive à 73 ans et il y a deux choses qui comptent, la tête et les jambes. Pour les jambes, je continue les randonnées en montagne et je fais du vélo. Pour la tête, il y a la géopolitique. C’est un domaine très exigeant et passionnant ».
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