Mercredi soir, Nicolas Sarkozy et François Hollande étaient présents dans de nombreux foyers. Un record d’audimat ! Dans l’arène télévisée, ils ont expliqué aux Français leurs programmes et points de vue respectifs. Via leurs représentants, les grandes familles du PS et de l’UMP se sont opposées sans jamais mordre la poussière. Qui est sorti gagnant de ce duel ? Question d’appréciation !
Ce face à face, de nombreux Français l’attendaient. Pour diverses raisons. Les uns voulaient entendre les propositions des candidats, leurs "fameux modèles de société" ; les autres attendaient une confrontation qui aurait pu tourner au pugilat. Et la “castagne“ en direct, ça les amuse, les téléspectateurs dont certains n’hésitaient pas à dire « c’est comme au football, on verra bien qui marque le plus grand nombre de buts » !
On pensait Nicolas Sarkozy plus pugnace que François Hollande. Il n’en fut rien. François Hollande, formaté au rude climat corrézien (comme Jacques Chirac) a riposté à chaque attaque de son adversaire. Conséquence, ce long débat, qui s’est achevé aux alentours de minuit, ne semble pas avoir déplacé les curseurs des intentions de vote. Valeureux et déterminés, les deux candidats ont démontré à leurs électeurs qu’ils avaient capacité à gouverner. Pour le reste, tout est une question de sensibilité… et de report de voix.
• Retour sur les principaux moments
de cette soirée
« Le vote de dimanche sera historique » : François Hollande et Nicolas Sarkozy en sont persuadés, même s’ils n’ont pas la même approche de la gouvernance ! Si les deux candidats prônent le rassemblement, François Hollande conteste l’attitude de son adversaire : « les Français ont eu le sentiment d’être soumis à des clivages ». Ce que dénonce Nicolas Sarkozy qui fut l’homme critiqué de l’ouverture : « Je n’ai pas eu de violence durant les cinq ans de mon quinquennat, y compris pendant la réforme des retraites, et je suis le seul président à ne pas avoir retiré un texte de loi. La France a avancé, c’est une fierté pour moi ».
« Pas de violence, heureusement ! Le mérite en revient à toute la société, partenaires sociaux, interlocuteurs » rétorque François Hollande.
Comment relancer l’économie ? Pour François Hollande, le taux du chômage est alarmant (+ 700.000) alors que Nicolas Sarkozy avait promis de le stabiliser aux alentours de 5 % (sinon « ce serait un échec »). Aujourd’hui, il atteint 10 % quand l’Allemagne est à 6,5 %.
La recette du candidat PS pour relancer l’emploi : « créer une banque publique d‘investissement, mobiliser l’argent des ménages, mettre en place un contrat de génération où l’entreprise qui gardera un senior et embauchera un jeune en CDI sera exonérée de charges sociales sur les deux salariés ».
Nicolas Sarkozy estime que les chiffres avancés par François Hollande sont faux (durant la soirée, il le traitera plusieurs fois de « menteur »). « Nous avons 42 000 chômeurs en plus entre 2007 et 2011 et notre taux de chômage est bien inférieur à l’Espagne ou aux États-Unis, voire à la zone euro ». Quant à l’idée d’un contrat de génération, il ferait perdre les cotisations déjà perçues sur le senior. « Je veux m’attaquer au gigantesque problème du coup du travail et aux délocalisations » lance-t-il en soulignant l’importance de la formation et de l’innovation.
« Vous êtes au pouvoir depuis dix ans et le déficit commercial est de 70 milliards d’euros. La TVA sociale va dégrader la croissance en ponctionnant 300 euros sur un ménage touchant le SMIC. Par ailleurs, seuls 10 % des demandeurs d‘emploi se voient proposer des formations » renchérit François Hollande. Nicolas Sarkozy n’est pas d’accord, ce qui lui vaut cette réplique de son adversaire « quelle que soit la situation, ce n’est jamais votre faute ! ».
S’ensuit une prise de bec au sujet de la réussite allemande. De quoi ravir Angela Merkel qui n’en demande pas tant ! « L’Allemagne fait le contraire de ce que vous proposez dans votre programme. Aucun pays n’opère de tels choix actuellement » ironise Nicolas Sarkozy. Et d’ajouter : « En France, il n’y a pas eu un trimestre de récession depuis 2009 ». François Hollande est agacé : « quoiqu’il arrive, vous êtes content » !
Comment réduire la dette
de 1758 milliards d’euros ?
François Hollande détaille certaines propositions telles que le blocage du prix de l’essence pendant trois mois, des forfaits de base “énergie“ pour les ménages modestes et une augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire.
Deux visions s’affrontent même si le but poursuivi est la réduction de la dette (28 573 € par habitant, soit 85,8 % du PIB). Pour rétablir les équilibres, François Hollande est favorable à une augmentation de la fiscalité sur les hauts revenus et aux économies tous azimuts.
« Comment ferez-vous pour financer 61 000 fonctionnaires supplémentaires dans l’Éducation Nationale ? » s’étonne Nicolas Sarkozy. Pour mémoire, les fiscalités française et suédoise sont parmi les plus importantes.
Nicolas Sarkozy : Il avait proposé trois débats. Ils auraient été nécessaires car les principales questions sur l'avenir de la France dans le changement mondial n'ont, finalement, pas été abordées.
Chacun campe sur ses positions. Et c’est encore plus vrai quand il s‘agit d’Europe. Nicolas Sarkozy est opposé aux “eurobonds“ : « Qui les garantira ? Ce sera encore la France et l’Allemagne ? ». Ne nous voilons pas la face, au lendemain de la Présidentielle, les turbulences que traverse la zone euro reviendront sur le devant de la scène. Pour François Hollande : « La France n’est pas sortie de la crise. Il faut changer les orientations de l’Europe ». Voulons-nous vivre ce qu’endurent les Grecs ? D'où l'importance de la croissance période de rigueur.
Le débat s‘achève sur la façon dont les deux candidats conduiront leur mandat de président. François Hollande veut prendre de la hauteur en apportant de la transparence dans la vie politique, sans esprit partisan. Il explique « qu’il ne veut pas être président de tout, chef de tout et en définitive responsable de rien ». Nicolas Sarkozy répond que « rien n’est normal dans la vie d‘un président et que la normalité dont veut faire preuve François Hollande ne sera pas à la hauteur des enjeux ».
Bref, qui l’emportera entre François Hollande qui veut changer de politique en rassurant les Français et Nicolas Sarkozy qui souhaite conduire la nation « sans pince à linge sur le nez » ? Réponse dimanche soir !
L'info en plus
• Le congrès UMP comparé à un rassemblement nazi ?
Dans un tweet, le généticien Axel Kahn, candidat pour le PS dans la 2e circonscription de Paris face à François Fillon, a comparé le meeting de Nicolas Sarkozy au Trocadéro « aux rassemblements nazis de Nuremberg », avant de s’excuser. La liste ne s’est pas arrêtée là puisque le président sortant a été traité de « Franco, Laval, Pétain » et Martine Aubry a été jusqu’à Madoff (qui a écopé de 150 ans de prison). « Et pourquoi pas Hitler ? » lance Nicolas Sarkozy. Choqué, il aurait souhaité que François Hollande condamnât publiquement de tels propos.
Ce dernier réagit vivement « M. Sarkozy, vous aurez du mal à vous faire passer pour une victime. Moi-même, j’ai eu droit à tous les noms d’oiseaux et à des expressions peu flatteuses. Je condamne tous les excès ». Il est vrai qu’au moment des primaires socialistes, François Hollande a été largement égratigné et ces attaques ne venaient pas de l’UMP…
• Sarkozy favorable à un Islam de France et non à un Islam en France
L’immigration, voilà bien un sujet qui divise. François Hollande envisage de donner le droit de vote aux étrangers (hors CEE) aux municipales, choix que conteste le candidat UMP. Nicolas Sarkozy fait la différence entre les immigrés qui veulent s’intégrer et ceux qui sont attirés par les prestations sociales (appel du pied aux électeurs du FN ?) : « ces prestations ne seront versées qu’après dix ans en France et 5 ans de cotisations ». Sur la question purement religieuse (l’Islam est la deuxième religion de France), les deux candidats prônent les valeurs de la République. « Si je suis élu président, il n’y aura aucune dérogation aux règles de la laïcité » assure François Hollande.
• Sur le nucléaire
Nicolas Sarkozy rappelle que la France possède une indépendance énergétique grâce aux centrales. François Hollande veut fermer celle de Fessenheim en raison de son ancienneté et de sa construction sur une zone sismique. « Il faudra 8 000 éoliennes pour la remplacer » rétorque Nicolas Sarkozy. Le sujet est complexe et Fukushima est dans tous les esprits.
• Toujours en scène !
Mercredi soir, François Hollande et Nicolas Sarkozy ont déployé de formidables qualités d’acteurs. Ce fut particulièrement vrai quand ils ont dit quel président de la République ils voulaient être. Dans leur façon de poser la voix, d’y mettre les accents de la conviction en y mêlant une émotion certaine, François Hollande n’avait rien à envier à Pierre Arditi et Nicolas Sarkozy à Gérard Depardieu. Comme l’un d’eux ne sera pas élu dimanche prochain, une possibilité de reconversion ?
• le point de vue de Ségolène Royal
La présidente de la Région Poitou-Charentes a, elle aussi, affronté Nicolas Sarkozy en 2007. Au sujet des enfants handicapés, elle avait monté d’un ton. Pour elle, le nouveau face à face, via son ex-compagnon, était-il une forme de revanche ? En tout cas, le moment était venu, pour Nicolas Sarkozy, « de rendre des comptes aux Français » et, pour François Hollande, « de rappeler les promesses non tenues durant ce quinquennat » a-t-elle déclaré…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire